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HAL Id: halshs-00423615 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00423615 Submitted on 10 Oct 2012 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. La scolarisation des Tsiganes en France, regards sur une évolution trentenaire Marc Bordigoni To cite this version: Marc Bordigoni. La scolarisation des Tsiganes en France, regards sur une évolution trentenaire. L’enfant à la croisé des liens, AFPS, pp.81-91, 2004. halshs-00423615 La scolarisation des Tsiganes en France, regards sur une évolution trentenaire Marc Bordigoni Ethnologue Institut d’ethnologie méditerranéenne et comparative (IDEMEC-UMR-6591) Maison méditerranéenne des sciences de l’homme Aix-en-Provence L’école et les tsiganes, voilà presque un sujet de concours de recrutement ; il est facile de voir toutes les questions que soutend l’accolement de ces deux mots, toutes les questions à propos desquelles il serait possible de disserter. Si l’on ne le sait par expérience personnelle, on pressent combien de difficultés, d’interrogations, de remises à plat de certitudes, etc. la confrontation , ou plus simplement la rencontre de ces deux univers est l’occasion. Les rapports du ministère de l’Éducation nationale sont nombreux, de l’intérieur de l’institution scolaire beaucoup de réflexions ont été produites analysant le « malentendu » qu’il y a entre Voyageurs et École ; des sociologues, parfois des ethnologues se sont intéressés à ces questions, souvent d’ailleurs mandatés par l’institution scolaire ou par des instances de financements d’aide (Fonds d’action sociale, commission européenne, etc.). J’ai aussi contribué, en mon temps, à ce type de production puisque j’ai rédigé un mémoire de maîtrise de sociologie qui s’appuyait en partie sur ma première expérience professionnelle dont une large part fut consacrée à l’organisation de la scolarisation des enfants des famille qui venaient sur l’aire de stationnement pour Gens du Voyage, à Saint-Menet. Depuis cette période (les années 80), la masse d’écrits sur cette question n’a cessé de croître. Il n’est pas question de faire ici un bilan bibliographique. Mes recherches au sein de l’Institut d’ethnologie méditerranéenne et comparative portent sur la place qu’occupent les Tsiganes, ceux que nous regroupons sous ce terme du moins, dans la société contemporaine que ce soit dans le domaine de l’activité économique ou des fêtes religieuses (en particulier les Saintes-Maries-de-la-Mer). J’ai délibérément laissé de côté dans mes recherches, la « question de l’école », du moins pour le moment, car il me semble qu’il y a un vrai effort intellectuel et de recherche de terrain à mener si nous voulons sortir de la répétition qui caractérise les discours tenus sur cette question. L’invitation de l’association française des psychologues scolaires m’oblige à tenter de commencer à essayer de reformuler des questions laissées un peu en suspend. Pour ce faire, je ne partirai pas d’un état de la question mais plutôt d’anecdotes récentes. Elles sont par définition particulières, datées, localisées et mon propos n’a pas d’ambition autre que de partir de ces petits récits pour essayer de renouveler mon regard sur la question posée. Pour autant chacune est bien évidemment exacte, récente - moins d’un an, et participe du tableau de la réalité telle qu’elle m’est arrivée aux oreilles. Peut-être certains pourront-ils s’approprier ces quelques bribes pour tracer leur propre chemin dans un domaine où les discours convenus n’ont dessinés que des autoroutes où la pensée devient si rapide qu’elle ne dit plus grand chose du paysage quotidien des instituteurs, professeurs et surtout élèves, ou des enfants dont on veut/on doit tant faire des élèves (je n’entre pas dans le débat), les petits roms, gitans, manouches, yeniches, bref les petits tsiganes. Récit 1 Avec des collègues sociologues, j’ai été associé à un programme de recherche-action financé par la communauté européenne et qui s’appelle « Workalo », sorte de mot-valise composé de l’anglais Work, travail et Kalo, noir en romanès mais qui est aussi la manière de désigner de certains gitans espagnols, les Kalé, les « noirs ». Il s’agit d’un programme qui entend favoriser l’accès des gitans à la « société de l’information ». Je signale tout de suite que l’équipe française ne fait plus partie de ce programme, d’importants différents nous opposant à nos collègues qui veulent croire en « un peuple gitan » doté, sui generis, de compétences singulières, en particulier en terme de communication donc négociables dans ce nouvel univers de la société de l’information. L’anecdote ne concerne pas directement cela, encore que si l’on admet des compétences en soi, innées, pourquoi pas des incompétences du même ordre. À Marseille, en juillet 2002, se réunissent les diverses équipes du programme Workalo, portugais, espagnols (catalans pour être précis), irlandais et roumains. La délégation roumaine est dirigée par un professeur de psychologie, vice-recteur de l’université de Timisoara. Sachant que cette université a compté dans ses rangs un des rares universitaires roms de Roumanie et que la ville est le lieu de résidence d’une forte communauté rom dont il nous a été dit qu’elle présente un taux d’analphabétisme élevé, je lui ai demandé s’il y avait des recherches en psychologie ou en anthropologie permettant d’esquisser une réflexion sur les rapports des Roms à l’écrit (lecture/écriture). Pour être tout à fait précis et faire comprendre le sens de ma question, j’ai ajouté qu’il existe en France des chercheurs qui formulent des hypothèses quant au rapport possible entre la défiance vis à vis de l’écrit et la place accorder aux morts dans la vie de la communauté, chez les manouches plus précisément. Sa réponse a été très brève et on ne peut plus claire : « non, me dit-il, on a toujours pensé que c’est trop dur pour eux ». Pour abrupte et intellectuellement inacceptable, cette réponse mérite toute notre attention. Je l’entends à double sens ; le premier qui fut le point de rupture avec nos collègues : il y aurait chez les Tsiganes, ou Gitans, en général pas plus défini que cela, j’y reviendrai, des capacités pour la communication, dont la musique est le summum, qui leur seraient « naturelles », et donc il en serait de même de leurs impossibilités supposées, à quoi ?, à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture nous dit ce collègue roumain, mais d’autres diraient à la discipline, la ponctualité, voire l’effort ou je ne sais quoi encore. Je me garderai de disqualifier cette opinion par un autre préjugé du type « cette phrase a été émise par un apparatchik des universités issues du bloc soviétique » par exemple. Je la crois tout aussi présente, sous une forme édulcorée chez nombre de personnes en France (pour ne pas dire de membres de l’université ou de l’Éducation nationale). Cette tendance de la pensée à naturaliser des comportements, à affecter à une classe d’hommes et de femmes des particularités définitives est ancienne, régulièrement combattue et toujours vivace. Je ne m’y attarde pas. Le second aspect du propos me semble concerner le fait de ne pas voir ce que l’on a à côté de soi, par exemple un intellectuel issu de la communauté rom, et de ne considérer comme « tsigane » que ce qui « fait tsigane », c’est-à-dire l’analphabète, musicien ou autre. Il est bon à ce stade de rappeler que ce mot « tsigane » est en usage que dans l’univers des « gadjé ». Si, en France, nous, nous ne nous nommons jamais « gadjé », de la même manière personne ne s’appelle spontanément « tsigane » ; sans entrer dans le détail, disons rapidement que parmi les dits-tsiganes, selon la langue employée (français/romanès), selon le contexte, l’interlocuteur, selon le groupe familiale, la région l’appellation changera, mais dans un rapport ordinaire avec des membres extérieurs au monde du Voyage, on se dira « voyageurs », ou « gitans », voire manouche ou espagnol. Et si des parents amènent des enfants à l’école et qu’ils sont accueillis par un « bienvenus, nous avons déjà d’autres tsiganes dans l’école » vous êtes à peu près sûr de voir les visages se figer, et de vous entendre répondre, « ah mais nous on est pas des « tsiganes », nos enfants y allont pas venir là ! on est pas comme eusses». On dit souvent que le collège unique n’a jamais existé, je dirai de même que les « Tsiganes » comme entité unique, essence identique si l’on veut, n’est pas une réalité concrète. Ce qui est une synthèse de multiples réalités concrètes, quotidiennes, c’est que l’École (pas la somme de toutes les écoles réelles) mais l’institution étatique École a un « problème tsigane », c’est à dire une manière de désigner, de globaliser, de généraliser pour essayer de prendre en compte des faits qui la dérange dans son fonctionnement ordinaire, prévu, prévisible, officiel. La deuxième histoire en donne une idée. Récit 2 Suite à une uploads/Litterature/ ecole-et-tsiganesb-2.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 15, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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