Antoine Faivre François Secret Jean-Pierre Laurant Histoire de l'ésotérisme chr

Antoine Faivre François Secret Jean-Pierre Laurant Histoire de l'ésotérisme chrétien In: Annuaire des sciences religieuses. Annuaire. Tomes 80-81, Fascicule III. Comptes rendus des conférences 1971-1972 et 1972-1973. 1971. pp. 425-442. Citer ce document / Cite this document : Faivre Antoine, Secret François, Laurant Jean-Pierre. Histoire de l'ésotérisme chrétien. In: Annuaire des sciences religieuses. Annuaire. Tomes 80-81, Fascicule III. Comptes rendus des conférences 1971-1972 et 1972-1973. 1971. pp. 425-442. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ephe_0000-0002_1971_num_86_80_16793 HISTOIRE DE L'ÊSOTÊRISME CHRÉTIEN Directeur d'études : M. François SECRET I. Année 1971-1972 Au cours de la première heure nous avons étudié un manuscrit de Guillaume Postel, que nous avions cru perdu (au moment où les manuscrits déposés à la Bibliothèque de Bâle passèrent en la possession de Hans Sloane) et que l'historien de Johannes Oporinus, l'éditeur de Postel, actuellement conservateur-adjoint à la Bibliothèque universitaire de cette ville, Dr Mart in Steinmann, a bien voulu nous signaler. Ce manuscrit (A IX 99) comport e la plupart des traités catalogués par Conrad Pellikan (cf. Bibliographie des manuscrits de G. Postel, Genève, 1970, p. 47-48). Nous avons laissé de côté les 19 premiers folios, recueil d'extraits de la traduction latine du Zohar, annotée par Postel, faits par C. Pellikan (nous réservant d'y revenir en étudiant la traduction que ce dernier fit du traité publié par G. Velt- wyck en 1539, Shebyley Tohou, Itinera deserti). Nous avons également réservé Le catéchisme et introduction de la vérité chrétienne par raison naturelle de la grâce de Jesu Christ illuminée, qu'il faudrait étudier avec le catéchisme d'origine florentine, qui y a été joint. Nous avons commencé par le traité le plus tardif, Paradisi terrestris locus, que l'on peut dater de 1561, puisqu'à cette date Oporin en fit composer les premiers folios. L'autographe porte encore les marques de l'éditeur (que nous avons communiquées à Mme Veyrin-Forrer, spécial iste de ces questions à la IVe section). Ce texte court (fol. 199-225) développe la nouvelle position de Postel sur la question du paradis terrest re, qui se retrouve dans le Cosmographicae disciplinae compendium (1561) et dans le De universitate liber (1563), avant d'être réalisé dans l'admira ble carte du monde en projection polaire, que M. M. Destombes va éditer. Auparavant, et notamment dans Les merveilles du monde, et principale ment des admirables choses des Indes et du nouveau monde (1553), Postel avait situé le paradis, avec l'oiseau Manucodiata, du côté des Moluques. L'intérêt du traité est d'ailleurs moins dans le traitement de ce thème (que l'on retrouve encore plus complet dans le De universitate sive de cosmo- graphico auditu dispunctiones resté manuscrit), ou dans les développe ment sur les Tartares et le miracle de la sortie d'Arsereth (que l'on a dans les ouvrages sur la république des Turcs), que dans le récit d'une vision, plus circonstanciée que celle évoquée dans la traduction du Sefer Yesira, que Gaffarel a rendue célèbre dans ses Curiosités inouyes. Nous y avons relevé une référence précise à l'alchimie, confirmant une curiosité de Postel, un certain nombre de références de lecture, et notamment aux Problemata ÉSOTÉRISME CHRÉTIEN de Franciscus Georgius Venetus, dont on sait qu'ils fuient une des sources du mythe de Postel. Un éloge des Germains, plus proches que les Gomé- rites Gauloys du Paradis, avec celui de Luther, confirme une tentative de Postel, à cette époque, pour se concilier certains pays de Réforme. En rele vant que les historiens du thème du Paradis terrestre n'ont connu que la période polaire de Postel, nous avons esquissé les recherches qui pourraient être faites pour mettre à jour le beau travail d'Arturo Graf, notamment du côté des kabbalistes chrétiens et des alchimistes. L'intérêt principal du manuscrit de Bâle est dans la traduction latine du Bahir, avec sa préface et ses annexes constituées par la traduction des sept premiers paragraphes du Midrash Shemuel et d'extraits de traités de de kabbale sur le thème de la dixième sefira. C'est la source de la plupart des thèmes ressassés par l'illuminé français. La traduction du Bahir, qui est le morceau le plus long (fol. 35-98v) et sa préface, non datées, peuvent l'être avec précision par le passage d'une lettre à Andréas Masius (de 1549) avant le départ de Venise pour le Levant. Quant aux annexes, qui ne sont pas non, plus datées, elles peuvent l'être approximativement par la réfé rence à l'«historia Matris mundi vulgari lingua hoc est italica», encore que plusieurs détails évoqués par Postel ne se retrouvent pas dans la Vergine Venetiana, publiée en 1555. Postel étant assuré que les mystères du Bahir tendaient à montrer que le Christ, Adam second, devait avoir un auxiliaire comme l'eut le premier, la préface s'intitule : Chavae seu Evae matris omnium viventium admirabiles et super omnes doctrinas mundi, secundum evangelicam Veteris et Novi Testamenti veritatem amplectandae prophetiae... ex linguae sanctae pene- tralibus apud Latinos editae ex libro Behir, id est Lucis purissimae. Et c'est la première esquisse de ce que devait être la Vergine Venetiana, après avoir été La nouvelle Eve mère du monde, composée immédiatement après l'Immutation de 1551 à Paris, et qui ne fut pas publiée. C'est en 1551 que Postel proclama publiquement qu'il était le premier-né de la Restitution, et ce n'est qu'alors qu'il envoya pour être publiés, à Oporin, les traités compos és durant le séjour de Venise. La mère Jeanne n'apparaît dans cette pré face qu'en énigme. Mais la comparaison de ce traité avec la Vergine Vene tiana de 1555 montre l'habileté de Postel à s'adapter aux circonstances. Le thème de la métempsycose, appelé « metemnoesis, metemsomatosis et metempneumatosis» y est central, et l'attaque contre l'Antéchrist de Rome sans voiles. On y saisit en particulier le sens profond de l'anecdote ambi guë de la Vergine venetiana, où Postel se déplaçant avec la Mère Jeanne, lui faisait désigner le lieu d'Aquilon où Satan était enchaîné, tout en véri fiant la position avec une boussole. Et en écrivant : «Et sic Ata providentia foeminea complebit eam partem Aquilonis, quam hactenus ad suam glo- riam imperfectam reliquerat Deus», il livre sa source, un passage du De François SECRET 427 coelesti agricultura de Paulus Ricius, déjà copié par P. Galatinus, et où un passage des Pirke Rabbi Eliezer était commenté à l'aide d'une exégèse de Menahem de Recanate. Et c'est un des thèmes que Postel développera dans une glose à sa traduction du Bahir. On retrouve dans cette préface les mêmes développements que dans le traité composé à Venise, et resté inédit, De admirandis numerorum platonicorum secretis, sur un communis me platonico-chrétien, avec une évocation des Nicolaïtes et une attaque en règle contre ce que Postel considère comme le mal du temps, la «hyolatrie». Une très précieuse bibliographie des traités composés depuis le De orbis terrae concordia précise en partie cet épisode de la vie de Postel. Encore que sous forme de pièces d'un puzzle, les gloses au Bahir, au Mi- drash Shemuel et aux traités de kabbale (notamment le Sefer ha-shorashim «Liber de radicibus» déjà traduit par Mithridates pour G. Pico délia Miran- dola) dessinent bien des traits de la Mère Jeanne et de son premier-né, Pe- trus conversus, Pastor angelicus ou Samuel redivivus. Si Postel prit le soin de travailler pour sa traduction du Bahir sur trois manuscrits, un manusc rit de Ferrare, une copie personnelle faite sur les meilleurs manuscrits, et un manuscrit Bomberg, la comparaison de sa traduction avec celle de Mi thridates (dont M.G. Scholem donna plusieurs pages dans sa traduction du Bahir et dans un article des Madda te ha-yahaduth de 1927) montre que Postel prenait feu, même sur un mot mal compris. Et on a là bien des thèmes que Postel se contentera par la suite d'évoquer allusivement : l'Aquilon, Col, la fille d'Abraham, la Palma, la fête d'Hazareth, etc. Au cours de la deuxième heure, nous avons, dans le cadre des recherches sur le lexique et les thèmes de l'ésotérisme, abordé le mot même d'ésoté- nsme, né en 1846, presque en même temps que celui d'occultisme. Les deux mots ont été employés et le sont encore «non sans quelque méprise», pour user d'une expression du Symbolisme, qui raffola de toute une litt érature recensée par le Manuel bibliographique des sciences psychiques et occultes d' A. L. Caillet, la Bibliotheca esoterica ou la Bibliographie occult iste et maçonnique de Jouin et Descreux. Par exemple, Les Entretiens idéalistes du 25 janvier 1909 annoncent une rubrique «Religion - Esoté- risme», qui p. 46 est devenue «Religion - Occultisme». E. Dermenghem, publiant en 1925 le Mémoire de J. de Maistre au Duc de Brunswich et trai tant d' « occultisme et Christianisme» note : «Le mot ésotérisme, un peu pédant, serait peut-être préférable; occultisme n'est guère du XVIIIe siècle. «Théosophie», par ailleurs, a pris un sens trop précis. «Après une revue des études consacrées à l'ésotérisme (Guenon, Marques Rivière, L. Benoist, S. Hutin, etc), et une histoire rapide des grands dictionnaires (Moréri, Trévoux, Encyclopédie, La Crusca, etc), nous avons décidé de restreindre l'enquête au domaine de la Renaissance, qui vit naître, en milieu chrétien, l'étude de la tradition ésotérique juive, et proposer le programme de l'«oc- 428 uploads/Litterature/ faivre-antoine-et-secret-francois-histoire-de-l-x27-esoterisme-chretien-1971 1 .pdf

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