1 /25 CONTES ET METAPHORES EN TRAVAIL SOCIAL « IL ÉTAIT UNE FOIS… DES HISTOIRES
1 /25 CONTES ET METAPHORES EN TRAVAIL SOCIAL « IL ÉTAIT UNE FOIS… DES HISTOIRES, LES HISTOIRES DE NOS VIES… GOUBILLE Nicole, assistante sociale et sociologue, enseignante à l’ESAS-HELMO Ecole Supérieure d’Action Sociale, rue d’Harscamp, 60C, 4020 Liège ( n.goubille@helmo.be ) INTRODUCTION 1. RACONTER DES HISTOIRES 1.1. Fondement de l’art narratif 1.2. Distinctions entre les différentes histoires 2. TRANSFORMER LES REPRESENTATIONS SOCIALES 2.1. Notions de représentations sociales 2.2. Evolution des représentations sociales 3. DEVELOPPER UN PROCESSUS D’APPLICATION ET/OU DE CREATION DES CONTES ET METAPHORES 3.1. Application d’expressions métaphoriques 3.2. Adaptation d’expressions métaphoriques 3.3. Processus créatif d’expressions métaphoriques en trois étapes CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE 2 /25 INTRODUCTION Comme le « Petit Prince » de Saint-Exupéry demandait à l’aviateur « dessine-moi un mouton… », nous pourrions vous demander à notre tour : « Raconte-moi une histoire, une belle histoire… Raconte-moi des histoires, des histoires anciennes… Raconte-moi ton histoire, l’histoire de ta vie… ». Et si nous racontions ensemble des histoires pour cheminer pas à pas, pour nous éclairer sur une zone d’ombre et nous révéler un éclat lumineux…Chacun de nous est concerné par son histoire personnelle et familiale, par sa trajectoire de vie inscrite dans un contexte socio- culturel. Nous sommes tous invités à cultiver notre intériorité, à rechercher des sens à nos vies… En tant qu’intervenants sociaux, nous rencontrons professionnellement « des blessés de la vie » et « des explorateurs en quête de sens et de bien-être ». Tout en leur assurant un cadre sécurisant, nous tentons de les rejoindre là où ils vivent. Avec empathie, nous co créons et nous cherchons à : - Écouter leur histoire ; - Accueillir leurs émotions ; - Identifier leurs besoins ; - Révéler leurs ressources personnelles et celles de leur entourage ; - Evoquer leurs responsabilités et les inviter à en faire leur part ; - Stimuler leur recherche identitaire individuelle et collective ; - Favoriser leur intégration socio-culturelle ; - Susciter leur créativité ; - Accompagner leur cheminement vers d’éventuels changements… Très souvent, nous sommes confrontés à des difficultés d’expression, perdus dans le labyrinthe d’un vague sentiment de malaise « je suis souffrant », avec quelles significations ? Est-ce en lien avec la maladie, le handicap, le deuil, la tristesse, la déception, la solitude, le rejet, la colère, la jalousie, le manque, la perte de sens… ? Interrogeons-nous : dans un cadre psycho-socio-culturel, comment favoriser l’expression, la compréhension empathique et l’évolution de ses représentations afin d’envisager d’autres possibles ? Et explorons la voie ou la voix des contes et des expressions métaphoriques… 3 /25 Avant de commencer ce voyage des contes et des métaphores, voici trois préalables : 1. Raconter son histoire personnelle en termes de trajectoire de vie, qui fait référence aux récits de vie n’est pas l’objet de cet écrit. 2. Raconter des histoires peut signifier exprimer ses versions des faits, selon le regard posé avec parfois certaines exagérations ou même pures imaginations ; nous éviterons les termes mensonge ou vérité qui sous-entendent des considérations justicières pour insister sur les interprétations multiples des évènements vécus. 3. Raconter des histoires, goûter au plaisir et à la profondeur du langage métaphorique, se laisser toucher et comprendre pour ensuite, déconstruire et reconstruire avec son regard critique et ses références personnelles… Telle est l’invitation de cet écrit … « Il n’y a pas de vérité, pas de mensonge, tout est une histoire d’opinions. » Terry GILLLIAM 4 /25 1. RACONTER DES HISTOIRES « C’est l’humain qui fait l’histoire et non pas l’histoire qui fait l’humain. » Henri MASSIS 1.1. Fondement de l’art narratif Depuis la préhistoire, depuis notre plus jeune âge et partout dans le monde, nous racontons des histoires, nous racontons les histoires de nos vies. Avant les traces écrites de ces histoires, cet art narratif s’est exprimé par la tradition orale. Certains maîtrisent davantage « l’oralité » soit en que tant que « leadership » pour imposer ses valeurs et ses idées, soit en tant que traducteur ou porte-parole des « non-dit », des « sans- voix »…Nous, intervenants sociaux, veillons à ce que chacun se réapproprie « cette oralité ». Chercheur en psychologie culturelle et éducative, Jérôme BRUNIER explique le lien narratif entre individu et collectivité dans un contexte culturel :1 « Notre expérience est traduite sous forme narrative dans les conventions du récit, qui permet de convertir l’expérience individuelle en monnaie collective, qui en quelque sorte peut entrer en circulation sur une base plus large que la seule relation interpersonnelle.(…) Et dans la mesure où le conte populaire et le récit en général s’articule autour de cette dialectique entre les normes attendues et porteuses d’une part ; et d’autre part, l’évocation de transgressions possibles, il n’est pas surprenant que le récit, comme la culture elle-même soit à la fois la monnaie et la devise d’une culture. » Jérôme BRUNIER poursuit en expliquant l’art narratif qui consiste à construire des histoires pour se raconter soi-même. « Cette construction très irrégulière procède à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. L’intérieur, c’est la mémoire, les sentiments, les croyances, la subjectivité. Une part de cette intériorité est très certainement innée, propre à notre espèce. (…) Mais une grande partie du récit que nous faisons de nous-même est également fondée sur des sources extérieures ; sur l’apparente estime que les autres nous portent et sur les innombrables attentes que nous avons très tôt puisées, sans même y penser dans la culture où nous sommes immergés. » Transmises par les voies de la communication, les histoires évoquent un lien de réciprocité ; prendre la parole suscite le fait d’être écouté ; créer une œuvre d’art provoque l’espérance d’être rejoint dans la contemplation ; offrir ses services attire l’accueil de ceux-ci… 1 BRUNIER Jérôme, Pourquoi nous racontons-nous des histoires ?, éd. Retz, France, 112 pages, 2002, p.18 5 /25 D’après Patrick TRAUBE, psychothérapeute belge, donner et recevoir, demander et refuser : quatre actions clés qui fondent les relations humaines épanouissantes et respectueuses. Balancier entre réalité et imaginaire, le processus narratif remplit plusieurs fonctions telles la transmission d’informations et de rituels de la vie quotidienne, le partage d’émotions liées à des évènements de vie ou à des univers imaginaires, le passage de l’identité individuelle vers une identité collective ou encore la recherche de sens existentiels. « Peu importe les époques, les modes et les coutumes, le - dis, tu me racontes une histoire – est une demande intemporelle, sans appartenance de lieux, ni de races. Chacun de nous a établi un rapport avec ces histoires et a créé un lien indélébile, ineffaçable, indestructible. Léger cordon ou amarre pesante, ce lien est là agissant dans notre imaginaire dont il est un des constituants. Le récit, ce lieu magique de tous les possibles est l’endroit où on invente ou réinvente le passé, où l’on crée ou recrée le présent et où on l’on imagine l’avenir. C’est l’espace de l’apparente liberté d’où seraient bannies entraves et pressions, c’est le lieu où l’on déplace les contraintes de la vie vers celles, moins violentes, de la narration orale ou écrite. Personnages de fiction ou réels, quelle importance ? Le sens général qui se dégagera du récit est celui que l’auteur voudra bien lui conférer. »2 Durant leur croissance, les enfants s’identifient à leurs parents pour ensuite prendre conscience de leur individualité en découvrant entre autre leur reflet dans le miroir ou l’écho de leur voix…Par le mimétisme et l’imaginaire, les enfants entrent très tôt dans la narration, confrontés aux obstacles de la vie, aux processus inconscients liés aux pulsions, aux mécanismes défensifs, aux angoisses et fantasmes. « En matière d’histoires, les enfants sont de fameux conservateurs. Ils veulent les réentendre avec les mêmes mots que la première fois, pour le plaisir de les reconnaître voir de les apprendre par cœur avant de se lancer dans l’aventure des variantes ou de l’improvisation. Les mots constituent l’ancrage des sentiments éprouvés. Lorsque l’enfant apprivoise un coin de son univers, il en refait le tour du propriétaire avant de se risquer ailleurs. Ce n’est que plus tard qu’ils accepteront la surprise des variantes et d’une autre exploration du thème ; qu’un point de vue neuf en renouvellera l’intérêt. »3 L’étape suivante de socialisation permet soit le renforcement du modèle groupal identitaire, soit l’altérité identitaire où l’autre est différent de soi. Toute cette évolution est inscrite dans des histoires culturelles, des récits mythologiques aux paraboles bibliques, des contes populaires aux contes de fée ou encore récemment des histoires magiques destinées principalement aux adolescents, telles que les épisodes d’Harry Potter, du Seigneur des anneaux, Twilight… 2 GRAITSON Isabelle avec la collaboration d’Elisabeth NEUFORGE, L’intervention narrative en travail social, essai méthodologique à partir des récits de vie, éd. L’Harmattan, France, 219 pages, 2008, p.26 3 FEVRE Louis, Contes et métaphores, 2ème éd. Chronique Sociale, France, 192 pages, 2004, p.57 6 /25 1.2. Distinctions entre les différentes histoires Les histoires définies en tant que récits mettent en scène de manières diversifiées des faits réels ou imaginaires, telles que les mythes, les paraboles, les légendes, les contes et les métaphores. Approfondissons uploads/Litterature/ methaphores.pdf
Documents similaires
-
20
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 01, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2231MB