En français dans le texte Émission diffusée le 26 décembre 2020 Objet d’étude :

En français dans le texte Émission diffusée le 26 décembre 2020 Objet d’étude : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle Parcours : science et fiction Œuvre : Jules Verne, Voyage au centre de la Terre Pour les classes de première de la voie technologique Extrait : chapitres XXXIX et XL, du début du chapitre XXXIX à « nous rejoignîmes le chasseur1 ». I. ANALYSE LITTÉRAIRE Introduction/présentation « Ah ! quel voyage ! quel merveilleux voyage ! » (chapitre XLIX), s’écrie Axel au terme de ses aventures. Poussé dans le cratère d’un volcan par son oncle le professeur Lidenbrock, un savant original épris de minéralogie, Axel est entraîné de surprises en découvertes à travers un voyage extraordinaire. L’aventure commence par un message tombé d’entre les pages d’un vieux livre. Signé du nom d’un alchimiste islandais du XVIe siècle, Arne Saknussemm, le message demeure indéchiffrable jusqu’à ce qu’un geste nonchalant d’Axel en livre par hasard la clé. Effroyable lecture pour le jeune homme : le vieil alchimiste indique un chemin possible dans les entrailles de la Terre jusqu’à son centre. Admirable révélation pour le professeur Lidenbrock qui achève bientôt les préparatifs du voyage. Le savant et son neveu gagnent l’Islande. Ils y font la connaissance de Hans qui sera leur guide dans les régions polaires et leur compagnon dans les régions souterraines. Au-delà des fjords de la côte islandaise occidentale, au-dessous du soixante-cinquième parallèle nord, se trouve le Snæfell, un volcan éteint depuis plusieurs siècles. C’est dans son cratère que Saknussemm situe son passage vers le centre de la Terre. Descendant des parois abruptes, les voyageurs atteignent des galeries dans lesquelles ils s’égarent, visitent une grotte de diamant, découvrent une mer aussitôt nommée Lidenbrock, naviguent sous une tempête électrique, abordent en un port dès lors baptisé Graüben, du nom de la fiancée d'Axel. La géographie des profondeurs réserve d’autres surprises encore sur les rivages de cette mer souterraine, car le voyage sous la surface terrestre est une aventure vers les temps passés. Le sol primordial conserve les restes d’animaux antédiluviens. Une flore inattendue vit dans cette région privée de la lumière du soleil. Des monstres marins surgissent de la mer intérieure, 1 Gallimard, Folio , 2013, p. 323-335. offrant le spectacle d’un terrible combat. Plus loin, dans un immense ossuaire, c’est devant le corps fossilisé d’un être humain que nos héros s’émerveillent. Axel s’interroge alors : « Jusqu’ici, les monstres marins, les poissons seuls, nous étaient apparus vivants ! Quelque homme de l’abîme errait-il encore sur ces grèves désertes ? » (chapitre XXXVIII). C’est ici que commence notre extrait. Contexte et enjeu de l’explication Voyage au centre de la Terre compte parmi les premiers romans de Jules Verne. Publié en 1864 avec le concours de l’éditeur Pierre-Jules Hetzel, le roman est édité une seconde fois en 1867, illustré et augmenté de deux chapitres dont notre extrait. L’éditeur Hetzel donnera le titre général de « Voyages extraordinaires » à la série des quatre-vingt récits que Jules Verne publiera avec lui. Récits de voyages, récits d’aventures, ces « Voyages extraordinaires » parcourent la géographie du globe et débordent vers le ciel, les abysses et les abîmes. Au cours de ses voyages en Allemagne et en Scandinavie, Jules Verne a parcouru certains des paysages qu’il décrit. Lecteur investi d’une curiosité encyclopédique, il invente la matière de ses romans en prenant acte des savoirs de son temps. Pour écrire Voyage au centre de la Terre, Jules Verne a lu La terre avant le déluge de Louis Figuier, ouvrage de vulgarisation scientifique paru en 1862, illustré par des gravures de Riou. C’est à Riou que Hetzel confiera l’illustration de Voyage au centre de la Terre. Dans l’imaginaire collectif, le texte de Jules Verne paraît indissociable des premières gravures qui l’ont illustré. Cette association n’est peut-être pas qu’un trompe-l’œil : Jules Verne a écrit certaines pages de son roman en regardant des images du monde antédiluvien, et l’on sait par la correspondance avec son éditeur combien il était soucieux de la précision des illustrations de ses œuvres. Le Voyage offre un panorama du monde où s’articulent l’imaginaire visuel et la rêverie poétique, où se rencontrent le savoir et la fiction, où la science enfin cède volontiers le pas à la merveille. L’élan de l’aventure Dans un article publié en 1913, Jacques Rivière écrit à propos du roman d’aventure que « c’est un roman qui s’avance à coup de nouveauté2 » et qui nous éveille ainsi à la beauté du monde. Le chapitre XXXIX du Voyage au centre de la Terre s’ouvre sur une interrogation qui suspend le regard à une attente : « Quelles autres merveilles renfermait cette caverne, quels trésors pour la science ? Mon regard s’attendait à toutes les surprises, mon imagination à tous les étonnements. » Le chapitre se construit selon un mouvement de découvertes successives qui s’intensifient jusqu’au début du chapitre suivant. L’environnement des personnages se caractérise par la surprise de ce qui advient, et c’est là toute leur aventure : ce qu’ils croient savoir est frappé d’incertitude, et seules les circonstances éclairent progressivement une trajectoire qui se découvre pas à pas. Ainsi, la pleine lumière projetée dans la grotte par un phénomène électrique est trompeuse. Loin de révéler le paysage, sa clarté uniforme en efface tout point de repère. Le foyer de cette lumière reste introuvable : elle n’émane d’aucun centre, de telle sorte que la quête des personnages, précisément tournée vers le centre de la Terre, ne 2 Jacques Rivière, « Le roman d’aventure », La Nouvelle Revue française, mai-juillet 1913, cité par Jean-Yves Tadié, Le roman d’aventures, Paris, Gallimard, « Tel », 2013, p. 190. trouve aucun jalon pour se diriger. À la fin du chapitre, la trajectoire qu’ils croyaient rectiligne leur apparaît rétrospectivement spiralée : croyant gagner un centre, ils ont gravité autour. Le récit se dirige « à coup de nouveauté » d’un phénomène inexplicable vers un paysage indescriptible. S’étant éloignés du rivage, Axel et son oncle découvrent une forêt de l’époque tertiaire. Jules Verne établit la nomenclature du paysage forestier, et rend compte de la variété des espèces qui abondent en ce lieu avec la précision d’un botaniste : « palmacites », « hépathiques », « légumineuses », « acérines », « rubiacées ». Ces noms chantent pour l’oreille autant qu’ils composent pour les yeux le paysage paradoxal de « gigantesques taillis ». Le voyage est extraordinaire, et la nature prend des aspects inattendus qui dépassent le champ du savoir. Ainsi, s’épanouissant à l’abri de la lumière du jour, les plantes sont dépourvues de couleur, et la variété des espèces végétales en présence échappe aux classifications usuelles. Poussé par l’élan de l’aventure, le récit se prolonge vers une découverte plus stupéfiante encore : celle de mastodontes vivants dans cette forêt tertiaire. « Nulle créature humaine ne peut braver impunément la colère de ces monstres ! », prévient Axel pour éloigner son oncle intrépide du danger qui le menace. Mais un nouveau phénomène surgit, qui met à mal cet axiome : les monstres ont un berger humain. Ultime effet de surprise, la découverte du poignard de Arne Saknussemm et de ses initiales gravées sur une roche relance la quête des voyageurs qui croyaient s’être égarés. Lidenbrock livre alors un éloge de Saknussemm, faisant de ce dernier un passeur de merveilles, un éclaireur. L’inscription de ses initiales dans la roche apporte un démenti à l’incrédulité récurrente d’Axel, et définit une nouvelle étape dans son voyage : mené jusque- là par la volonté de son oncle, c’est lui qui l’entraînera, quelques instants après, en reprenant à son tour l’injonction par laquelle Lindenbrock propulsait l’aventure : « en avant ! ». Le savoir et la vision Quelle valeur peut-on donner à l’aventure d’Axel et de son oncle ? Les voici dépourvus d’héroïsme, fuyant devant le danger du géant et des mastodontes. Mais leur triomphe est d’un autre ordre : ils ont vu vivre cet humain primitif et ces animaux monstrueux, ils ont répertorié la flore subterrestre, ils ont marché sur les traces de Saknussemm, l’explorateur victorieux de ces contrées inconnues. Si leur voyage est une aventure, c’est l’aventure d’un savoir qui se construit dans des visions fantastiques et se conforte au gré des découvertes les plus inattendues. Axel et Lidenbrock sont les spectateurs du monde souterrain qu’ils traversent. Le sens de la vue est en effet saturé dans notre extrait. La luminosité du rivage et de la « forêt claire » inverse le motif infernal de la forêt obscure dans une représentation en négatif. Le récit, dont Axel est le narrateur, exprime une hésitation entre confiance et défiance à l’égard de ses visions : « J’avais cru voir… », dit-il, « Non ! réellement, de mes yeux, je voyais des formes immenses s’agiter sous les arbres ! ». Ces visions sont tout droit sorties d’une rêverie devant un ossuaire racontée au chapitre XXXII, au cours de laquelle des ossements préhistoriques jonchant le sol s’incarnent pour Axel dans des formes vivantes. Rapportées par le narrateur plusieurs mois après uploads/Litterature/ fc-analyse-jules-verne-chap39v2.pdf

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