Fiche littérature Introduction aux grandes théories du roman de Pierre Chartier
Fiche littérature Introduction aux grandes théories du roman de Pierre Chartier Introduction : un genre introuvable ? 1. Définitions Les généralités des dictionnaires nous donnent : « le roman est particulièrement difficile à cerner. Il ne connaît pas de règles formelles, ses origines sont floues et discutées, son objet a évolué avec le temps, sa manière et son ton sont multiples, infiniment variables ». Il y a donc peu d’acquis, on constate une grande plasticité et une multitude formelle. 2. Le parvenu des lettres. Le seul genre qui est « en perpétuel devenir, et encore inachevé ». Cela pose en permanence un problème cette liberté de la forme, comme le souligne Marthe Robert dans Roman des origines et origine du roman : « l’irrégularité du roman, le désordre qui lui est naturel, son immoralité aussi bien au regard de la tradition qu’au point de vue du monde social réel, le laissent plus exposé que les genres classiques à cette tutelle morale sans quoi l’imaginaire paraît toujours trop libre, trop hors la loi pour n’être pas dangereux. ». L’absence des règles est donc une donnée constitutive du roman. Pour Mikhaïl Bakhtine, dans l’esthétique et théorie du roman, « le roman parodie les genre, il les dérange, dénonçant leurs conventions, leurs formes et leur langage convenu, éliminant les uns, intégrant les autres. » Le roman peut souvent être considéré come dangereux : il dit tout, sous toutes les formes. Cela montre la volonté progressive de vouloir exprimer « la totalité du réel ». I. Arts poétiques : la paternité paradoxale d’Aristote 1. le roman n’est pas un genre Les classiques le considèrent comme mineur, notamment parce qu’Aristote ne le considère pas dans ses catégories : la poésie et le drame sont donc toutes puissantes pour les Classiques. « si le roman n’est as un genre, c’est qu’il est lesté du poids prestigieux mais lourd à porter que constitue la théorie aristotélicienne de l’épopée » 4. Le roman, genre au dessus des genres ? Le roman a d’importantes relations avec l’épopée. Il puise dans l’épopée mais aussi dans la comédie et la tragédie pour exister : « il s’agirait donc d’un moule dont s’est extrait un être nouveau ». Ainsi le roman émerge par de multiples interrogations, de manière incertaine, et sans origine précise. II. Mythes, épopée, roman 1. Antiquité du roman ? Pour P. Grimal, dans Romans grecs et latins, le roman est au contraire partout : l’odyssée d’Homère est le premier roman d’aventure, et « l’ébauche du roman se voit à tous les stades du mythe ». Le thème tout puissant du romanesque antique est l’amour ( Cf. Les métamorphoses d’Ovide). Il y a donc dans toute cette période de gestation une permanence du romanesque. 2. Du mythe au roman Le mythe est universel, il est intrinsèquement lié au récit. Dans la confrontation de certaines structures mythologiques rédigées on constate une même structure : « le roman se lit comme une intériorisation, une prise en compte par l’individuel de ce qui dans le mythe, est donnée pour extérieur, collectivement assumé ». Pour Claude Lévi- Strauss, le roman est né « de l’exténuation des mythes ». On serait passé du mythe (sociétés primaires sans écriture) à l’épopée (sociétés organisées) au roman (sociétés modernes). 3. Epopée et roman « roman » signifie d’abord le fait d’effectuer une transposition de n’importe quel type de texte en langue romaine ou barbare par opposition au latin. Déjà au XIV c’est un terme péjoratif. Le roman médiéval est issu de la convergence de deux traditions : les chansons de geste et les historiographies. A l’opposé de l’épopée, le roman ne tire sa vérité que de la cohérence d’une fiction ». Lenteur épique ≠ rapidité romanesque : Détails vrais Style pluri-dimensionnel 4. Le premier « roman » moderne : Don Quichotte Il est écrit et publié vers 1615. Le héros, Don Quichotte, « s’élance dans l’aventure pour transcrire dans le réel ce qu’il a vécu par la lecture des romans de chevalerie ». On a de manière massive l’utilisation de la parodie du roman de chevalerie. Don quichotte met en place les problèmes et les données propres au roman : « où donc passe la frontière entre la raison et la déraison, le normal et le pathologique, l’admissible et l’irrecevable, le risible et le sérieux ». Le sujet de Don Quichotte est le roman lui-même dont i évalue la portée et les pouvoirs. Avec Don Quichotte, le roman prend conscience de ses contradictions. 5 – De l’épopée au Roman Pour Don Quichotte ( le personnage), le roman de chevalerie, qui relève de l’épopée, est à la fois « source d’enchantement et objet de foi ». « DQ affiche par sa foi pour les livres, pour tous les livres, mais en particulier pour ceux qui, cultivant la veine héroïque, prétendent prendre tout à fait au sérieux nos rêves et nos désirs d’accomplissements selon lui les plus nobles, les plus dignes d’être honorés et cultivés. » Ainsi dans un discours à un chanoine, Don Quichotte montre qu’il mêle la réalité et les histoires des livres, qu’il confond des personnages historiques avérés et des héros de la fable. Don Quichotte dit lui-même à propos des livres : « ils renferment tant d’apparences de vérité, vu qu’ils nous content le père, la mère, la patrie, les parents, l’âge, le lieu et les exploits (…) que tel chevalier ou tels chevaliers ont faits. » Don Q va même jusqu’à affirmer que la Nature imite l’art, que la vie n’est que seconde par rapport à la fiction. Le Livre est donc un Modèle, il est libérateur, c’est lui qui a fait DQ ce qu’il est : c’et le livre qui a fait devenir DQ en chevalier vaillant ! Ainsi par Don Quichotte, Cervantès réunit dans une même œuvre le roman et l’épopée, qui disent de cette « folle réunion » son amour de la littérature dans son entier. 6- Baptême théorique du roman Le chanoine dans Don Quichotte exhorte celui-ci à chasser les romans de chevalerie, et pourtant, lors de l’épisode de l’autodafé, il complète son propos en mettant de côté certains romans de chevaleries et en incitant à un style épique élevé : « L’écriture décousue de ces livres, s’exclame-t-il, donne lieu à un auteur de se pouvoir montrer épique, lyrique, tragique, comique (….) la composition épique se peut aussi bien traiter en prose qu’en vers » éloge du décousu, du mélange des genres et de diversité de l’écriture ! Ainsi le roman moderne « accompagné par l’épopée antique et par le roman de chevalerie médiéval, a été porté par le génie de Cervantès sur ses fonds baptismaux théoriques et pratiques, anticipant hardiment des décennies de recherches et d’expérimentations » III. le roman à l’âge classique : procès en légitimation 1. le discours des censeurs classiques : une théorie négative Les classiques considèrent de manière négative et médiocre le roman. Cependant, à l’âge classique, des auteurs tel que Madame de Sévigné témoignent d’un grand goût à ces romans, un goût coupable et fautif, à l’opposition de l’importante critique qui les touche. J. Du Bellay reproche ainsi au roman, dans Défense et illustration de la langue française d’être « plus propre à bien entretenir damoizelles qu’à doctement écrire ». De même, P. Porée, Supérieur collège Louis le Grand, l’accuse : il « nuit doublement aux mœurs, en inspirant le goût du vice et en étouffant les semences de la vertu. » dans les Mémoires de Trévoux. Ainsi, la lecture du roman est vue dans l’ensemble du XVIIIème siècle comme une dégradation de l’esprit. Néanmoins certains pensent autrement : Ainsi, l’abbé Desfontaines, dans Observations sur les Modernes affirme-t-il qu’un roman « bien fait et bien écrit (…) est un ouvrage digne d’un homme de lettres ». La critique portée contre le roman porte bien plus souvent sur la morale que sur le style, elle concerne les mœurs. Les eux reproches faits au roman : « la lecture des romans gâte le goût, elle corrompt les mœurs ». 2. Le roman, corrupteur de goût Ce reproche est d’abord d’ordre esthétique. Il se fonde sur la conception classique d’une hiérarchie de valeurs artistiques : les Anciens ne l’ayant pratiqué, le roman est comme nul : Pour Boileau, donc, le roman manque de noblesse et est donc simplement à « dédaigner ». Boileau reconnaît lui-même avoir lu avec »admiration » ces romans étant jeune, mais avec le recul, il considère cette lecture indigne. C’est une façon de reconnaître la séduction « que de tels romans exerçaient sur l’imagination de leurs lecteurs ». Il faut que le beau langage soit allié à la vraisemblance et au raisonnable pour avoir de l’intérêt. Par ailleurs, Boileau critique très fortement la position du roman précieux qui prend pour habitude de transformer des héros historiques (Jeanne d’Arc) en bergers ou bourgeois frivoles, ou en amoureux transis. Les principaux reproches faits au roman sont : « les invraisemblances dans l’action, les excès dans les caractères, les subtilités quintessenciées de sentiments et d’amphigouris de uploads/Litterature/ fiche-introduction-aux-grandes-theories-du-roman.pdf
Documents similaires
-
23
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 31, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1264MB