Romania Nouvelles catalanes inédites Paul Meyer Citer ce document / Cite this d
Romania Nouvelles catalanes inédites Paul Meyer Citer ce document / Cite this document : Meyer Paul. Nouvelles catalanes inédites. In: Romania, tome 13 n°50-51, 1884. pp. 264-284; doi : https://doi.org/10.3406/roma.1884.6302 https://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1884_num_13_50_6302 Fichier pdf généré le 04/04/2018 NOUVELLES CATALANES INÉDITES Le manuscrit 1 1 1 de la collection Libri, actuellement en la possession de M. le comte d'Ashburnham, est un petit in-folio en papier épais, me¬ surant 295 millimètres de haut sur 220 de large. L'écriture, qui est de deux mains, ou plutôt simplement de deux encres différentes, peut être attribuée à la seconde moitié du xve siècle. Il n'y a pas de doute que les quarante-six feuillets dont il se compose en son état actuel ne formaient pas la totalité du manuscrit primitif. On distingue au haut des pages les traces d'une ancienne pagination qui a été grattée1. En ce cas, comme en maint autre, Libri a dû prendre dans le corps d'un volume paginé une suite de feuillets dont le contenu formait, au moins en apparence, un tout complet2. Pour dissimuler cette opération, il fallait naturellement supprimer les traces de l'ancienne pagination, et c'est ce qui a été fait. Le manuscrit Libri 1 1 1 correspond, comme l'a établi M. Delisle ?, au n" 214 de l'ancien catalogue de Marmoutier, ainsi décrit dans un inven¬ taire fait au milieu du siècle dernier : « Volume in-4. Le manuscrit coté « 214 est un recueil de vers et de prose en langue espagnole, et qui a « tout au plus trois cents ans d'antiquité. » On ne sera point surpris qu'au xvme siècle des textes catalans aient été pris pour espagnols. Quant à la date assignée au manuscrit, elle correspond tout à fait à mon appréciation. Je suppose que ce manuscrit est un de ceux que l'abbaye de Marmoutier a acquis en 1716 de la famille de Lesdiguières, et qu'il 1. La pagination actuelle, au crayon, est de ma main. 2. C'est notamment ce qu'il a fait à Lyon lorsqu'il a détaché du Pentateuque, depuis publié par M. U. Robert, les feuillets qui contenaient le Lévitique et les Nombres. 5. Notice sur les manuscrits disparus de la Bibliothèque de Tours , p. 132 (n° XCIX); p. 200. NOUVELLES CATALANES INÉDITES. 20$ doit être identifié avec le n° 1 9 de l'ancien inventaire des manuscrits que possédait le célèbre connétable1. A la vérité, le titre donné par ledit inventaire : « Chansons provençales vieilles », est bien vague, et le ma¬ nuscrit dans son état actuel ne porte pas la marque à laquelle se recon¬ naissent beaucoup de manuscrits ayant appartenu à Lesdiguières2; néanmoins l'identification proposée paraîtra probable, si on considère que la même collection renfermait d'autres manuscrits catalans. Le manuscrit a la reliure moderne en bois à dos de cuir que Libri a fait mettre à bon nombre des volumes qu'il avait volés. Au dernier feuillet se trouve 'une fausse signature de Francesco Redi. C'est l'éminent direc¬ teur du Musée britannique qui a éveillé mes soupçons à l'endroit de cette signature, que d'abord j'avais bonnement crue authentique. Dans l'état où se présente le manuscrit il y a une interversion de feuillets : le feuillet 1 2 doit prendre place entre les feuillets 20 et 21. L'ordre est donc celui-ci : 1-11, 13-20, 12, 21-46. De plus il manque un feuillet après le feuillet 2. Les feuillets 12 et 21-46 sont écrits avec une encre encore plus pâle que le reste ; peut-être par une autre main. Les ouvrages qu'il renferme sont les suivants : I. Fol. 1-7 : La nouvelle de Frère-de-joie et de Sœur-de-plaisir. II. Fol. 8-1 1 et 13-16: Requête amoureuse. III. Fol. 17-20 : Poème à la louange de Dieu, par Aymo de Sestars. ? IV. Fol. 12 et 21-34 c •' Description allégorique de l'armure du che¬ valier, par Peire March. V. Fol. 35-45 : Histoire de Frondino et de Brisona. VI. Fol. 46 : Petit traité du comput, en vers. Ces divers poèmes sont, autant qu'il m'a été possible de m'en assurer, non seulement inédits, mais inconnus. Ils apportent à ce que nous savons de la littérature catalane un supplément important de notions nouvelles. Il y a notamment un point qui a pour nous un intérêt particulier, sur lequel de ces deux compositions apportentdes données précieuces. Il s'agit de l'influence, d'ailleurs bien constatée, de la littérature française sur la littérature catalane. Au début de la nouvelle ci-après étudiée et publiée, nous verrons l'auteur s'excuser, pour ainsi dire, de ne s'être pas servi de i. Voy. Romania, XII, 339. 2. Une marque qui paraît devoir se lire propia ou propria ; voir Romania, XII, 340, note 4. Depuis la publication de ma note sur les manuscrits de Lesdi¬ guières, j'ai constaté l'existence de cette même marque à la fin de plusieurs manuscrits de la Bibliothèque nationale, p: ovenant presque tous du cardinal Mazarin et dans un grand nombre de manuscrits de Tours provenant de Mar- moustiers. Je crois être en mesure d'établir à quelle famille appartenaient les nombreux manuscrits qui portent cette marque. Ce sera l'objet d'un prochain mémoire. 206 P. MEYER. la langue française. Cette nouvelle est du xive siècle. Il y avait donc des auteurs catalans qui, à cette époque, écrivaient en français1. Puis, dans le roman de Frondino, qui est de la fin du même siècle, ou peut-être des premières années du suivant, nous rencontrerons une quantité de poésies françaises intercalées dans la teneur du poème. Ce sont là des témoignages bons à recueillir sur la propagation du français, en tant qu'idiome littéraire, hors de la région où il était parlé. I. LA NOUVELLE DE FRÈRE-DE-JOIE ET DE SŒUR-DE-PLAIS1R. Cette nouvelle, sans avoir un grand mérite littéraire, peut cependant donner lieu à certains rapprochements intéressants. C'est pour en faci¬ liter l'étude aux personnes qui, sans posséder du catalan une connais¬ sance approfondie, s'occupent de littérature comparée, que j'ai fait pré¬ céder le texte d'une traduction légèrement abrégée. Ce texte est d'ailleurs en certains endroits difficile à entendre, souvent par suite de l'incorrection du manuscrit. Raison de plus pour le traduire, car une traduction, pourvu qu'elle soit faite consciencieusement, est ce qui fait le mieux reconnaître les difficultés d'un texte. Bien que les Français aient beau langage, c'est une nation que je ne goûte pas, car ils sont orgueilleux sans merci 2, et l'orgueil ne me plaît nullement, ayant été élevé parmi des gens aux mœurs douces ; et c'est pourquoi je ne veux pas parler français. Une belle dame m'a commandé de lui rimer un conte sans rimes rares ni mots recherchés ; plus facilement il sera appris par maintes per¬ sonnes courtoises et bien enseignées. J'obéirai donc à ses ordres et je conterai, sans rien ajouter ni retrancher, ce que la dame m'a conté. L'empereur de Gint-Senay, preux, courtois, vaillant, aimé et respecté de ses sujets, avait une fille d'une grande beauté. Un jour, elle mourut à la table même où elle mangeait, tandis qu'elle entendait les jongleurs, au moment où le festin était le plus joyeux. Le proverbe 1 dit justement : après grande joie, vient grande i. C'est ici le lieu de rappeler que dans une nouvelle dont M. Mila y Fon- tanals a publié des extraits reliés par une analyse, figurent divers personnages qui s'expriment en français (Les noves nmades, la codolada. Montpellier, 1876, p. 11, 15, 18, 20. — Publication spéciale de la Société pour l'étude des lan¬ gues romanes). 2. Le reproche d'orgueil adressé aux Français est presque un lieu commun au moyen âge ; voyez à ce sujet quelques témoignages dans une note de ma tra¬ duction du poème de la croisade albigeoise, pp. 351-2. 3. Le Roux de Lincy , Livre des Proverbes, II, 240 : Après grant feste grant pleur Et après grant joie grant doleur. NOUVELLES CATALANES INÉDITES. 267 douleur, et joie après grandes tristesses 5. Aucun bien n'est durable en ce monde. Archevêques, évêques, abbés, chanoines, vinrent pour enterrer le corps de la demoiselle, que l'empereur et l'impératrice avaient déjà fait laver avec du baume, de la myrrhe et d'autres onguents. Mais l'empereur déclara que sa fille ne serait jamais mise en terre; qu'il ne lui semblait pas qu'elle fût morte; qu'on avait beaucoup d'exemples de personnes qui avaient paru mortes et qui ensuite étaient revenues à la vie. Il la fit porter hors de la cité, en un lieu agréable où il y avait un jardin, au milieu duquel était construite une tour. Autour du jardin courait une rivière qu'on ne pouvait franchir que par un pont de verre construit par enchantement, de telle sorte que personne n'y pouvait passer, sinon le père et la mère. Les parents s'y rendaient chaque semaine pour voir leur fille dont le visage était frais comme la rose et le lys. Il y avait là des fleurs et des arbres qui répandaient une douce odeur. Le visage de la morte était si gracieux, son lit si beau, la guirlande qu'elle portait si riche et si précieuse, sa bouche si fraîche, ses dents, ses mains si uploads/Litterature/ fraire-de-joy-et-sor-de-plaser-paul-meyer.pdf
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- Publié le Jan 17, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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