Incipit et explicit L'incipit constitue le tout début d'un récit (roman ou nouv

Incipit et explicit L'incipit constitue le tout début d'un récit (roman ou nouvelle). C'est le moment où le cadre de l'histoire se met en place. L'explicit désigne, à la fin du récit, le moment où l'histoire se termine. L'incipit et l'explicit sont des moments clés de la narration. Souvent, les deux se répondent. VERS L’ANALYSE DE TEXTE → L'incipit du récit noue un contrat de lecture avec le lecteur et apporte des éléments essentiels à la compréhension de l'intrigue, mais aussi à l'esthétique de l'auteur. → L'explicit du récit revient sur ces éléments importants. En analysant l'évolution entre l'incipit et l'explicit, le sens de l'œuvre transparaît plus clairement. Annoter L'incipit  L'incipit répond à trois fonctions principales : – une fonction informative : il crée un monde fictif en donnant des informations sur le cadre spatio-temporel, les principaux personnages et le genre de l'œuvre (autobiographie, conte, roman…) ; – une fonction dramatique : il présente d'emblée un élément important de l'intrigue ou insiste sur une scène secondaire qui éclairera plus tard toute l'œuvre. Il peut annoncer la suite de l'œuvre ; – une fonction séductrice : il cherche à capter l'attention du lecteur et à lui donner envie de poursuivre sa lecture.  Il existe différents types d'incipit. L'incipit dit « statique » Il est très informatif et commence par la description d'un décor, d'un personnage ou d'un contexte historique, social ou économique. Lorsqu'on sort de Plassans par la porte de Rome, située au sud de la ville, on trouve, à droite de la route de Nice, après avoir dépassé les premières maisons du faubourg, un terrain vague désigné dans le pays sous le nom d'aire Saint-Mittre. Émile Zola, La Fortune des Rougon, 1870. L'incipit dit « progressif » Il distille peu à peu des informations mais ne répond pas à toutes les questions sur le cadre de l'intrigue et les personnages principaux. La première chose que je peux vous dire c'est qu'on habitait au sixième à pied et que pour Madame Rosa, avec tous ces kilos qu'elle portait sur elle et seulement deux jambes, c'était une vraie source de vie quotidienne, avec tous les soucis et les peines. Émile Ajar (Romain Gary), La Vie devant soi, Gallimard, 1975. L'incipit dit « dynamique » (ou « in medias res ») Il plonge le lecteur directement dans l'histoire sans explication préalable sur la situation, les personnages, le lieu et le moment de l'action. Doukipudonktan, se demanda Gabriel excédé. Pas possible, ils se nettoient jamais. Dans le journal, on dit qu'il y a pas onze pour cent des appartements à Paris qui ont des salles de bains, ça m'étonne pas, mais on peut se laver sans. Raymond Queneau, Zazie dans le métro, Gallimard, 1959. L'incipit dit « suspensif » Il donne peu d'informations et ne permet pas d'entrer dans l'action. Où maintenant ? Quand maintenant ? Qui maintenant ? Sans me le demander. Dire je. Sans le penser. Appeler cela des questions, des hypothèses. Aller de l'avant, appeler ça aller, appeler ça de l'avant. Samuel Beckett, L'Innommable, Éditions de Minuit, 1953.  Agrandir Annoter L'explicit  Il existe trois types d'explicit. L'explicit dramatique Il conclut l'histoire par un événement positif ou négatif qui clôt la destinée du héros. Cet événement peut être inattendu et créer un effet de chute. Il dégringola l'escalier quatre à quatre, et courut s'enfermer chez lui. Le lendemain, il apprit qu'elle était morte. Guy de Maupassant, « Le Lit 29 », Toine, 1885. L'explicit philosophique ou moral Il permet de fournir une leçon morale ou philosophique de l'histoire. Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin. Voltaire, Candide, 1759. L'explicit à fin ouverte Il n'y a pas de réelle conclusion à l'intrigue, une suite est possible et en suspens. […] devant ses yeux éblouis par l'éclatant soleil flottait l'image de Mme de Marelle rajustant en face de la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits au sortir du lit. Guy de Maupassant, Bel-Ami, 1885.  Agrandir Annoter Étudier l'incipit 1 ** Lisez les extraits suivants. a. À quel type d'incipit chaque extrait appartient-il ? b. Ces incipit ont-ils vocation à séduire, informer, dramatiser ? Justifiez votre réponse par des éléments du texte. c. Lequel des trois incipit préférez-vous ? Pourquoi ? 1. L'amour est plus fort que la Mort, a dit Salomon : oui, son mystérieux pouvoir est illimité. C'était à la tombée d'un soir d'automne, en ces dernières années, à Paris. Vers le sombre faubourg Saint-Germain, des voitures, allumées déjà, roulaient, attardées, après l'heure du Bois. L'une d'elles s'arrêta devant le portail d'un vaste hôtel seigneurial, entouré de jardins séculaires ; le cintre était surmonté de l'écusson de pierre, aux armes de l'antique famille des comtes d'Athol, savoir : d'azur, à l'étoile abîmée d'argent, avec la devise « Pallida Victrix », sous la couronne retroussée d'hermine au bonnet princier. Les lourds battants s'écartèrent. Un homme de trente à trente-cinq ans, en deuil, au visage mortellement pâle, descendit. Sur le perron, de taciturnes serviteurs élevaient des flambeaux. Sans les voir, il gravit les marches et entra. C'était le comte d'Athol. Chancelant, il monta les blancs escaliers qui conduisaient à cette chambre où, le matin même, il avait couché dans un cercueil de velours et enveloppé de violettes, en des flots de batiste, sa dame de volupté, sa pâlissante épousée, Véra, son désespoir. Auguste de Villiers de L'Isle-Adam, « Véra », Contes cruels, 1883. 2. Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier. L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à 2 heures et j'arriverai dans l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. Albert Camus, L'Étranger, Gallimard, 1942. 3. La chaleur du soleil semblait fendre la terre. Pas un souffle de vent ne faisait frémir les oliviers. Tout était immobile. Le parfum des collines s'était évanoui. La pierre gémissait de chaleur. Le mois d'août pesait sur le massif du Gargano avec l'assurance d'un seigneur. Il était impossible de croire qu'en ces terres, un jour, il avait pu pleuvoir. Que de l'eau ait irrigué les champs et abreuvé les oliviers. Impossible de croire qu'une vie animale ou végétale ait pu trouver – sous ce ciel sec – de quoi se nourrir. Il était deux heures de l'après-midi, et la terre était condamnée à brûler. Sur un chemin de poussière, un âne avançait lentement. Il suivait chaque courbe de la route, avec résignation. Rien ne venait à bout de son obstination. Ni l'air brûlant qu'il respirait. Ni les rocailles pointues sur lesquelles ses sabots s'abîmaient. Il avançait. Et son cavalier semblait une ombre condamnée à un châtiment antique. Laurent Gaudé, Le Soleil des Scorta, Actes Sud, 2004. Annoter Étudier l'explicit 2 * À quel type d'explicit chaque extrait appartient-il ? Justifiez votre réponse. 1. Les amants Thérèse et Laurent ont assassiné Camille, l'époux de Thérèse. Ils prennent soin de la mère de Camille, Mme Raquin, qui est paralysée. Mais le remords et la culpabilité dégradent leur vie de couple. Ils décident de se donner la mort en ingérant un poison mortel, sous les yeux de Mme Raquin. Alors, au souvenir du passé, ils se sentirent tellement las et écœurés d'eux-mêmes, qu'ils éprouvèrent un besoin immense de repos, de néant. Ils échangèrent un dernier regard, un regard de remerciement, en face du couteau et du verre de poison. Thérèse prit le verre, le vida à moitié et le tendit à Laurent qui l'acheva d'un trait. Ce fut un éclair. Ils tombèrent l'un sur l'autre, foudroyés, trouvant enfin une consolation dans la mort. La bouche de la jeune femme alla heurter, sur le cou de son mari, la cicatrice qu'avaient laissée les dents de Camille. Les cadavres restèrent toute la nuit sur le carreau de la salle à manger, tordus, vautrés, éclairés de lueurs jaunâtres par les clartés de la lampe que l'abat-jour jetait sur eux. Et, pendant près de douze heures, jusqu'au lendemain vers midi, Mme Raquin, roide et muette, les contempla à ses pieds, ne pouvant se rassasier les yeux, les écrasant de regards lourds. Émile Zola, Thérèse Raquin, 1867. 2. Qui pourrait ne pas frémir en songeant aux malheurs que peut causer une seule liaison dangereuse ! et quelles peines ne s'éviterait-on point en y réfléchissant davantage ! Quelle femme ne fuirait pas au premier propos d'un séducteur ? Quelle mère pourrait, sans trembler, voir une autre personne qu'elle parler à sa fille ? Mais ces réflexions tardives n'arrivent jamais qu'après l'événement ; et l'une des plus importantes vérités, comme aussi peut-être des plus généralement reconnues, reste étouffée et sans usage dans le tourbillon de nos mœurs inconséquentes. Adieu, ma chère et digne amie ; j'éprouve en ce moment que notre raison, déjà si insuffisante pour prévenir nos malheurs, l'est encore davantage pour nous en consoler. Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, Lettre CLXXV, 1782. 3 ** uploads/Litterature/ incipit-et-explicit.pdf

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