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5/25/18, 8(45 AM Lʼarchive de lʼexception littéraire : une logique de la littérature dans le discours philosophique français après 1950 (Acta Fabula) Page 1 of 10 http://www.fabula.org/acta/document8034.php La parution de cet article s’accompagne d’un entretien avec Guillaume Artous-Bouvet, à lire dans l’Atelier de théorie littéraire : La logique des discours « L’exception est une espèce de l’exclusion. Elle est un cas singulier qui est exclu de la norme générale. Mais ce qui caractérise proprement l’exception, c’est que ce qui est exclu n’est pas pour autant absolument sans rapport avec la norme ; au contraire, celle-ci se maintient en relation avec elle dans la forme de la suspension. La norme s’applique à l’exception en se désappliquant à elle, en s’en retirant. L’état d’exception n’est donc pas le chaos qui précède l’ordre, mais la situation qui résulte de sa suspension. En ce sens l’exception est vraiment, selon son étymologie, prise dehors (ex- capere) et non pas simplement exclue [1]. » Giorgio Agamben, Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue Engager cette recension avec une citation de Giorgio Agamben, c’est souligner à la fois l’instabilité générique du travail qui nous occupe ici, d’où il tire sa force, mais aussi ses zones d’ombre, qui seraient autant de possibles faiblesses. En effet, lire en premier lieu un titre comme « L’Exception littéraire », c’est se remémorer une série de discussions sur le statut de la littérature, que l’auteur réarticule autour de la question fondamentale : « Qu’est-ce que la littérature [2] ? ». La Parole muette semble à cet égard le modèle le plus proche du travail de Guillaume Artous-Bouvet, ce « livre de Rancière, qui nous paraît une tentative remarquable de penser historiquement les avatars du statut de la littérature, à travers les discours qui n’ont cessé de la (re)fonder » (p. 119). En note de cet italique, l’auteur nous livre cependant un détail important de son projet : Accueil> Acta> Septembre 2013> Essais critiques | 2013 | SEPTEMBRE 2013 (VOLUME 14, NUMÉRO 6) Pierre-Victor Haurens et Edgar Henssien L’archive de l’exception littéraire : une logique de la littérature dans le discours philosophique français après 1950 Guillaume Artous-Bouvet, L’Exception littéraire,Paris : Belin, coll. « L’extrême contemporain », 2012, 320 p., EAN 9782701162904. 5/25/18, 8(45 AM Lʼarchive de lʼexception littéraire : une logique de la littérature dans le discours philosophique français après 1950 (Acta Fabula) Page 2 of 10 http://www.fabula.org/acta/document8034.php Notre propre travail nous paraît se différencier sur ce point de celui de Rancière en ce qu’il cherche à se distraire de l’histoire du statut de la littérature, pour en définir la logique (qui n’est rien d’autre qu’une logique des discours). (n. 13, p. 289) Ce qu’illustre encore la citation de G. Agamben, c’est la question du corpus. En effet, en reconstituant une série de discours philosophiques qui viennent saisir la littérature dans sa singularité, comprise comme une « mise en exception » (p. 8), l’auteur procède lui-même à une mise en exception du discours sur la littérature dans le corpus des auteurs évoqués. Aussi l’usage de cette notion est-il lié en grande partie à la discussion du statut d’exception dans les domaines du droit et de la philosophie politique. Ceci nous permet de comprendre une modalité de l’écriture du livre, qui consiste en la mise en exception sérielle de « moments » (p. 24), d’archives [3], dans le corpus de chaque auteur (Paul Ricœur, Jean-Paul Sartre, Jean-François Lyotard, Jacques Derrida, Gilles Deleuze), qui appartiennent tous les cinq au « moment philosophique français » (p. 7) que l’auteur fait commencer avec Sartre à partir de 1950 [4]. L’instabilité générique dont il est ici question est donc bien un problème de dehors discursif : il s’agit de poser la question de la captation du discours de l’autre par excellence, soit la littérature, par la philosophie. Ce mouvement de captation se rejoue dans le livre de G. Artous-Bouvet, entre la littérature, la philosophie et notamment l’anthropologie. Citer, c’est enfin poser la question de l’articulation (articulation des parties, des chapitres, de la syntaxe de l’ouvrage). Ce livre superpose les citations : du texte littéraire, du texte philosophique, de l’original dans la traduction, du métadiscours. On peut ainsi comprendre l’ensemble de ce travail comme une réflexion en pratique sur le rôle de la citation dans la diversité des régimes de commentaire. De ce point de vue, le modèle mis en avant est bien plus « inscriptif » qu’« herméneutique [5] », pour reprendre la propre terminologie de l’auteur. À nous, donc, de chercher à saisir la logique de l’articulation de ces corpus, de ces discours, de ces citations, tel que l’auteur nous en propose la lecture. Partie I : Quelques lignes de force & une lecture alternative Considérant les enjeux de ces questions (corpus, dehors, articulation), il s’agit pour nous de rendre compte de la possibilité de lectures alternatives de l’ouvrage. Il apparaît qu’en faire un résumé linéaire n’est ni pertinent, ni réellement possible (si ce n’est en paraphrasant le texte) : recenser l’ouvrage de G. Artous-Bouvet serait au contraire faire l’effort de cette reconstruction du sens que nous avons évoquée plus haut, et qui nous force à interroger le mécanisme de la dissémination de la logique de l’exception dans le texte en diverses lignes de force. Un premier fil conducteur : le texte de Proust La première de ces lignes d’intensité dans l’ouvrage tient à l’analyse de la Recherche : Proust permet à G. Artous-Bouvet de donner de la cohérence à sa réflexion, par la confrontation continue des théories de l’exception avec la singularité du texte littéraire. L’ouvrage oscille ainsi dans chacune de ses parties entre l’étude précise de configurations discursives, et la mise en œuvre d’une pensée qui dépasse cette analyse pour s’élaborer dans la lecture des œuvres. De cette manière, nous pouvons procéder à un repérage, dans le texte, des occurrences de l’œuvre proustienne : l’auteur occupe une place importante dans la première partie de l’ouvrage, où il fait l’objet d’une double analyse, entre le commentaire de Ricœur et sa reprise critique par G. Artous-Bouvet à partir de la lecture de Temps et récit. De fait, la lecture ricœurienne s’appuie avant tout sur l’aporéticité du temps, c’est-à-dire le fait qu’en dernier lieu il enveloppe le sujet, et est donc inobjectivable. Il s’agit pour le philosophe de montrer en quoi la poétique du récit est une approche spécifique des apories de la temporalité : par la configuration du récit (soit la synthèse de l’hétérogène), la narration rend compte de l’expérience aporétique du temps, entre temps phénoménologique et temps cosmologique, entre temps totalisé et temps irreprésentable. La lecture de Paul Ricœur se tient alors dans la tension duelle de la Recherche, entre l’apprentissage des signes et la trouvaille finale d’un Temps révélé, entre la puissance configurante du récit et son impossibilité à contenir le temps. Dans cette lecture, la puissance configurante du récit est permise par la solution stylistique technique de la métaphore et par la solution complémentaire d’une optique [6], tandis que l’impossibilité de sortir du Temps qui enveloppe le sujet tient à la distance qui demeure entre l’errance et la vérité. G. Artous-Bouvet, cependant, voit dans le tiret de la dernière phrase de la Recherche (« — dans le Temps ») la marque stylistique de la division du temps et de sa « puissance de discontinuité » (p. 62), à l’inverse de Ricœur qui comprend la distance entre le début et la fin de la Recherche comme une distance traversée. Le philosophe insiste donc sur la valeur liante du Temps, sa valeur de localisation : le temps apparaît « comme le dimensionnel continu d’un milieu qui donne sa ‘‘place’’ aux hommes » (p. 64). À l’inverse, G. Artous-Bouvet choisit d’insister sur la dimension d’articulation du texte de Proust : l’articulation se différencie ici de la configuration ricœurienne, et les dernières lignes de la Recherche l’excèdent comme signe (la promesse d’œuvre, celle de Marcel qui n’est pas Proust) et comme dislocation syntaxique (« — dans le Temps » : le temps exorbité du roman) [7]. S’il n’est pas convoqué dans la partie concernant Sartre, Proust réapparaît plus longuement dans la réflexion consacrée à Lyotard 5/25/18, 8(45 AM Lʼarchive de lʼexception littéraire : une logique de la littérature dans le discours philosophique français après 1950 (Acta Fabula) Page 3 of 10 http://www.fabula.org/acta/document8034.php et les violences du discours : reprenant, pour illustrer sa conception du figural, l’analyse de la Recherche, G. Artous-Bouvet oppose à l’approche ricœurienne l’idée selon laquelle le principe d’exception est en lui-même un acte de violence, fondateur d’un ordre du discours, d’une différence entre discours du récit et discours théorique. Définie à partir de la pensée lyotardienne du différend, cette violence effectue un mouvement de retour à l’intérieur du texte, sous la forme d’une figure du discours. Reprenant la définition du figural de Laurent Jenny [8] comme ce qui marque l’événementialité (l’actualisation) du langage (p. 148), G. Artous-Bouvet propose de nommer figure ce qui dans le texte nous ouvre à la dimension du figural. Le figural devient ainsi à la fois l’espace d’une violence uploads/Litterature/ l-x27-archive-de-l-x27-exception-litte-raire-une-logique-de-la-litte-rature-dans-le-discours-philosophique-franc-ais-apre-s-1950-acta-fabula.pdf

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