1 L’incomplétude des politiques de revalorisation des langues nationales en Afr
1 L’incomplétude des politiques de revalorisation des langues nationales en Afrique sub-saharienne Stéphanie Engola 1,* Emailengolaamougou@yahoo.fr Département d'Etudes Bilingues, Université de Yaoundé I, Yaoundé, Cameroun Résumé Les études en sociolinguistique africaine constituent de plus en plus le centre d’intérêt des chercheurs sur le continent. La description des langues et la création de départements de linguistique et de langues africaines dans les universités témoignent de cette effervescence. La traduction pouvant être l’un des moyens de (re) valorisation les langues africaines, il est question dans cet article d’examiner le potentiel de ce domaine, qui semble peu exploité jusqu’ici. Même s’il existe des écoles de traduction dans certains pays, il est important de mentionner que ces écoles sont généralement des répliques des institutions étrangères. Les langues de travail en sont d’ailleurs la preuve patente. Or, la traduction vers les langues africaines serait un levier incontestable du développement de la sociolinguistique africaine. Par ailleurs, l’édition qui est un véhicule des savoirs connaît des remous qui nécessitent une reconsidération des politiques éditoriales en Afrique. Cet article se focalise sur l’éventuel apport de la traduction et de l’édition dans le développement des langues africaines. Pour cela, la méthodologie utilisée est l’examen de la tendance actuelle en matière de marché et de nécessité, les conditions d’épanouissement des langues, de la traduction et de l’édition au Magreb et au Cameroun. Abstract Studies in African sociolinguistics are increasingly the focus of the researchers on the continent. Language description and the creation of Linguistics and African Languages departments at universities reflect this development. Translation can be one way to (re)develop African languages, and this article examines the potential of this area, which seems little exploited so far. Even if there are translation schools in some countries, it is important to mention that these schools are usually replicas of foreign institutions. The working languages of these schools are also proof positive of European language bias. However, translation into African languages is an indisputable entry into African sociolinguistic development. Furthermore, publications that are vehicles of knowledge require a reconsideration of editorial policies in Africa. This article focuses on the potential contribution of translation and publishing in the development of African languages. The methodology involves the examination of current trends in the market and the conditions necessary for the development of languages, translation and publishing in the Maghreb and Cameroon. 2 1. Introduction En général, les travaux en sociolinguistique portent sur l’examen de l’hybridisme des textes, la description des processus de contact de langues et les influences culturelles (flux et migrations) qui interviennent dans l’évolution ou la régression de la langue en termes du nombre de locuteurs. Une autre approche sociolinguistique concerne les politiques linguistiques en Afrique et, plus particulièrement, les efforts des gouvernements à rétablir l’équilibre entre les langues africaines et les langues européennes. Le volet pédagogique est généralement le plus questionné parce qu’il implique un enseignement tant des langues nationales que des cultures véhiculées par ces langues (Assoumou 2008). Mais, peut-on réellement parler d’une sociolinguistique africaine sans véritable littérature en langues africaines préservée par des politiques éditoriales orientées sur les besoins culturels et linguistiques de l’Afrique ? En d’autres termes, la sociolinguistique africaine aujourd’hui rend compte des situations africaines par rapport à un centre, notamment les langues européennes. Ce raisonnement amène un autre volet, beaucoup moins inquiété par la recherche, mais qui constituerait un catalyseur important dans l’affirmation des langues africaines sur les plans culturel, social, politique et économique. Il s’agit de l’édition en langues africaines dont la matière première dans le cadre de la revalorisation des langues serait la traduction. Pour prétendre à une sociolinguistique africaine, il faudrait lire les situations sous le prisme des langues africaines dont le potentiel littéraire, scolaire et éditorial est amenuisé par la quasi inexistence des mécanismes de production littéraires dans ces langues. Or, la modernité et, surtout la mondialisation, ont apporté une dimension capitale aux échanges humains comme le souligne Gerbault (2010) lorsqu’elle affirme que "les activités de traduction sont devenues extrêmement centrales dans les échanges langagiers des sociétés modernes. Elles sont partout un partenaire incontournable de la communication pour les acteurs privés et publics, et elles le sont aussi dans les contextes multilingues des pays d’Afrique sub-saharienne". Dès lors, il faudrait examiner l’éventuel destin de la sociolinguistique au travers de la traduction et de l’édition. Chaque œuvre traduite est, comme son original, destinée à être lue par un public qui, à son tour, se construit et perpétue la langue par l’usage. Dans le cas de la traduction en langues africaines, l’œuvre traduite peine encore à trouver un lectorat fidélisé en Afrique sub-saharienne du fait de plusieurs facteurs et enjeux. Par contre, au Maghreb, les avancés en matière de politique du livre et de traduction semblent augurer une restauration de la suprématie de l’arabe sur les langues étrangères. En Afrique Sub-saharienne, le paysage du marché de l’édition est différent de celui de l’Europe, où il existe des mécanismes de distribution, de consommation et de valorisation de l’œuvre tant originale que traduite. Sujet à des balbutiements exacerbés par le manque d’une politique éditoriale ficelée par les éditeurs locaux, le marché connaît des tribulations qui ne manquent pas de se répercuter sur le marché du livre traduit, et partant, sur l’originalité et la vulgarisation des langues africaines. 2.État des lieux de la traduction et de l’édition en langues africaines Pour Heilbron (2010), il existe un système mondial de la traduction dans lequel les interdépendances influencent la dynamique des langues et leur imposition sur la scène internationale. Ce système ne peut être cerné qu’au regard des flux internationaux des livres 3 traduits. L’UNESCO, à travers son instrument Index Translationum, montre que 55 à 60 % de tous les livres sont écrits en anglais. Donc, l’anglais est la première langue source de traduction. Le français et l’allemand lui emboitent le pas avec une représentation de 10%. Les langues telles que l’espagnol, l’italien et le russe occupent une position semi-centrale tandis que le japonais, le chinois et l’arabe ne représentent que 1% de la matière traduite et se situent à la périphérie du système. On note qu’aucune langue d’Afrique sub-saharienne ne figure parmi les cinquante premières langues sources de traduction, ni parmi les cinquante premières langues cibles vers lesquelles sont effectuées les traductions. Cette configuration met les langues africaines en minorité pour ce qui est de leur possibilité d’expansion. Les pays du Maghreb ayant intégré l’importance du déploiement de la langue sur un long terme se sont engagés dans de vastes projets de traduction. L’Égypte est en tête de ce mouvement, car c’est ‘l’un des plus grands foyers de traduction à l’échelle du monde arabe’ (Varlet 2010: 4). Cette polarisation s’explique par plusieurs facteurs. Le plus important de ces facteurs est l’interventionnisme de l’État et de ses institutions. En effet, ce pays s’organise depuis 1935, année où Mohammed Ali fonde l’École des Langues et le Bureau de Traduction. Ces deux structures visent l’appropriation des savoirs et de la production littéraire européenne. Ainsi, la traduction constitue un vecteur de développement culturel dont la mission est de renforcer le processus d’intégration nationale. L’État est au centre des grandes œuvres comme les projets des ‘Mille livres’ lancés dès le début du XXème siècle et plus précisément en 1914, 1955, 1986, 1995 et 2007. Il ordonne et finance les projets de traduction des ouvrages de langue étrangère en arabe. Le choix des ouvrages est orienté et porte sur des thématiques précises. Par exemple, entre 1996 et 2005, les domaines de traduction (du français en arabe) sont l’histoire, la géographie, l’archéologie et les sciences sociales, soit 26% des traductions globales vers l’arabe. Les traductions des autres langues vers l’arabe ne sont représentées qu’à 6%. Il faut préciser que le gouvernement a été l’instigateur de grands projets institutionnels qui ont projeté la culture arabe sur la scène éditoriale des pays de la méditerranée. De même, une collaboration avec le Ministère français des Affaires étrangères via le réseau de coopération culturelle et le Centre national du livre du Ministère de la Culture et de la Communication a favorisé la vulgarisation des ouvrages traduits. Les programmes clés comme les ‘Mille livres bis’ de 1986, la série ‘Al-Gawâ’iz’ de 2005, le projet national de traduction de 1994, etc. montrent un engagement institutionnel dans la traduction. Il est nécessaire d’insister sur le rôle primordial qu’a joué le Centre national de la traduction (CNT) dans ce processus. En effet, ce centre est créé par décret présidentiel le 19 octobre 2006 et est la continuation de l’œuvre entreprise dans les années antérieures. Il a pour objectif principal de porter le nombre d’ouvrages traduit à mille. Mais, la thématique reste de rigueur parce que le centre répond à une politique étatique précise : l’importation des savoirs. De ce fait, les ouvrages d’histoire et d’archéologie sont privilégiés alors que la littérature passe de 30% à 53% (Varlet 2010). Avec le CNT, l’Égypte est passée à une phase de mise en œuvre des dispositifs d’aide à la dynamisation de l’arabe sans précédent. Le soutien apporté à la traduction par le Programme d’aide à la uploads/Litterature/ l-x27-incompletudes-des-politiques.pdf
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- Publié le Mar 28, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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