Tous droits réservés © Les Presses de l’Université du Québec, 1973 This documen
Tous droits réservés © Les Presses de l’Université du Québec, 1973 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 11/06/2021 4:46 a.m. Voix et images du pays L’oeuvre d’Albert Pelletier : une satire sociale des années 1930 Alonzo Le Blanc Volume 6, Number 1, 1973 URI: https://id.erudit.org/iderudit/600255ar DOI: https://doi.org/10.7202/600255ar See table of contents Publisher(s) Les Presses de l'Université du Québec ISSN 0318-921X (print) 1918-5499 (digital) Explore this journal Cite this article Le Blanc, A. (1973). L’oeuvre d’Albert Pelletier : une satire sociale des années 1930. Voix et images du pays, 6(1), 33–49. https://doi.org/10.7202/600255ar L'oeuvre d'Albert Pelletier : une satire sociale des années 1930 « Dans un pays qui n'a pas été dit, et que nous aimons secrètement parce qu'il est pavoisé de si- lence, la moindre page des aînés ressemble à ces petites coupes en forêt que pratiquaient les ancê- tres qui n'avaient que ce moyen de s'approprier la patrie » Fernand Dumont, préface à André Laurendeau, Ces choses qui nous arrivent, Montréal, HMH, 1970, p. xii. NOTICE BIOBRAPHIQUE Albert Pelletier naît le 28 janvier 1896, à Saint-Pascal de Kamouraska. Il fait ses humanités classiques au Collège de Sainte-Anne de la Pocatière. Après avoir entrepris ses études de droit à l'Université Laval, il les complète à l'Université de Montréal. Il pratique quelque temps le notariat à Saint-Jovite, puis devient fonctionnaire provincial, sous l'autorité du solliciteur général de la Province. Il sera député-régistrateur au bureau d'enregistrement de Montréal, poste qu'il occupera jusqu'à sa retraite. Collaborant déjà par ses articles à divers journaux, Albert Pelletier publie, en 1931, un premier recueil de critiques, Carquois1, qui sera suivi, en 1933, d'Égrappages8, édité par Albert Lévesque. Il fonde sa propre maison d'édition : les Éditions du Totem, qui publieront, entre autres œuvres, en 1933, Un homme et son péché de Claude-Henri Grignon ; puis, en 1934, les Demi-civilisés de Jean- Charles Harvey ainsi que Siraf de Georges Bugnet. En 1935, il fonde les Idées, revue mensuelle ouverte à des collaborateurs de diverses tendances. Éditée par les Éditions du Totem et imprimée par La Parole limitée à Drummondville, la revue paraîtra de janvier 1935 à juin 1939, veille de la Seconde Guerre mondiale. 1. Albert Pelletier, Carquois, Montréal, Action canadienne-française, 1931, 219 pages. 2. Id., Egrappages, Montréal, Albert Lévesque, 1933, 234 pages. 34 VOIX ET IMAGES DU PAYS VI À cette époque des années 1930-1940, Albert Pelletier recevait chez lui, quatre ou cinq fois par année, des écrivains tels qu'Alfred Desrochers, Henri Girard, Lucien Parizeau, Emile Coderre, Claude-Henri Grignon, Robert Choquette et quelques autres. De fait, il recevra tout au long de sa carrière de jeunes écrivains qui lui soumettent leurs manuscrits. En 1942, Roger Lemelin présente un manus- crit au concours du Prix David. Albert Pelletier (qui a lui-même remporté le Prix David pour ses Égrappages, en 1936) est membre du jury. Il vote pour Lemelin, ainsi que M. Auguste Viatte : les deux critiques avaient reconnu la puissance latente du jeune romancier québécois. Mais le roman est bourré de fautes et Lemelin ne reçoit aucune mention. Albert Pelletier lui rend visite à l'hôpital et lui propose de revoir avec lui le manuscrit. Dès sa sortie de l'hôpital, l'apprenti ro- mancier commence ses « pèlerinages du dimanche » chez « l'impitoyable directeur de la revue les Idées » et reçoit à chaque semaine, pendant dix mois, une formation littéraire d'où sortit un nouveau manuscrit, celui <¥Au pied de la pente douce2. Robert Choquette, qui eut à subir quelquefois ses sévères « égrappages », resta profondément attaché à cet homme qu'il trouvait dur et exigeant, mais sincère, honnête et constructif. Peut-être faut-il chercher dans la haute conception qu'Albert Pelletier se faisait de l'art d'écrire les motifs de son abstention sur le plan de la création littéraire. Albert Pelletier est mort le 4 septembre 1971, à l'âge de soixante-quinze ans. Ceux qui l'ont connu se souviennent de l'allure élancée et très mince, des yeux profonds, de la physionomie réservée et tendre de cet homme qui, à une époque où l'on prêchait la résignation, la patience et le silence, avait osé élever une voix franche et virile. Outre les flèches de son carquois, trempées dans un style original, dont on verra ci-dessous quelques exemples, Albert Pelletier a laissé à son pays ces deux enfants terribles du théâtre et de la télévision nationale : Denise et Gilles Pelletier, qui comptent parmi les meilleurs comédiens québécois de leur génération. * * * Vers les années 1915-1925, la querelle du régionalisme avait divisé en deux camps les écrivains de ce pays. Deux tendances s'étaient alors révélées clairement dans la conscience québécoise. Tous sentaient le besoin de créer, de contribuer à créer une littérature nationale. Les uns, obéissant à un instinct centripète, pré- 3. Roger Lemelin, «Un homme: Albert Pelletier», dans la Presse, le 14 septembre 1971, p. A4. L'ŒUVRE D'ALBERT PELLETIER : UNE SATIRE SOCIALE DES ANNÉES 1930 35 conisaient l'enracinement dans les valeurs nationales : le groupe du Terroir voulait qu'on s'en tienne aux sujets nationaux, exprimant l'homme et les réalités d'ici, avec ses particularismes et son idiosyncrasie terrienne. Les autres, qui firent paraî- tre pendant une année (1918) la revue le Nigog, ne boudaient pas leur pays, mais obéissant à une tendance culturelle centrifuge, affirmaient le besoin d'une aération et d'une ouverture sur le monde, surtout sur le monde parisien des arts et de la littérature modernes. Les critiques ou les feuilletonistes littéraires de cette époque semblent éprou- ver une réelle difficulté à se situer par rapport à ces deux tendances. Camille Roy se montre apparemment très ouvert, mais son idéologie, ses œuvres et son influence soutiennent, de fait, les partisans du régionalisme et du Terroir. Louis Dantin, qui vit à Boston, voit ce problème de plus loin ; consacrant une bonne partie de ses loisirs à la littérature canadienne, il marque sa préférence pour une totale liberté d'inspiration, pour la primauté de la valeur esthétique des œuvres. Victor Barbeau joue un rôle prédominant dans cette querelle, ainsi que l'a montré Gaston Pilotte4 : il attaque successivement Léo-Paul Desrosiers, Arthur Saint-Pierre, Lionel Groulx, Claude-Henri Grignon et Harry Bernard, tous partisans, à divers degrés, d'un régionalisme inconditionnel. En 1929, Marcel Dugas, qui se situe du même côté que Barbeau, avec les « exotistes », fait un bref historique du Nigog et, voyant avec un recul de dix ans sa propre polémique avec Arthur Letondal, il conclut : « En définitive, malgré nos irrévérences d'alors, nous n'étions pas si loin de penser comme lui, et lui comme nous5.» La même année toutefois, Harry Bernard ouvre de nouveau le débat sur « le régionalisme littéraire », avec ses Essais critiques6. Il s'attire cette fois la colère de son collègue Grignon qui invite les écrivains cana- diens à se servir du vocabulaire canadien. La querelle du régionalisme est donc encore très actuelle au moment où Albert Pelletier entreprend de publier ses feuilletons dans un premier recueil. En 1931, il ouvre son Carquois avec cette question de la littérature nationale et du nationalisme littéraire : La littérature nationale est chez nous un but à atteindre bien plus qu'un fait accompli. 4. Gaston Pilotte, «Victor Barbeau et le régionalisme», dans Etudes françaises, VIL 1, février 1971, p. 23-47. 5. Marcel Dugas, Littérature canadienne-française. Aperçus, Paris, Firmin-Didot, 1929, p. 127. 6. Harry Bernard, Essais critiques, Montréal, Éditions A. C. F., 1929. 36 VOIX ET IMAGES DU PAYS VI Et le nationalisme littéraire, qui en a jamais parlé si ce n'est comme moyen de faire au Canada une littérature distincte de celle des autres pays ? moyen préconisé par les uns, non pas comme le seul, mais comme le plus facilement accessible et le meilleur, et jugé par les autres indifférent, futile et irréalisable, à cause de notre formation7. Cette entrée en matière permet à Pelletier de soulever d'autres questions fondamentales, d'un caractère plus sociologique que littéraire, et qui serviront de leitmotive à ses deux recueils : qu'est-ce qu'une littérature nationale ? mais encore, qu'est-ce que la littérature ? qu'est-ce qui caractérise nos auteurs ? comment expli- quer la faiblesse des œuvres d'ici ? quelle formation avons-nous reçue ? dans quelle sorte de société vivons-nous ? Albert Pelletier apporte à ces questions des réponses qui prennent aujour- d'hui l'allure d'un véritable procès — ou, si l'on préfère, d'une véritable satire, ce qui explique notre titre — à l'égard des institutions, des personnes, de la men- talité collective et de l'atmosphère qui régnaient en cette époque des années 1930-1940. C'est pourquoi nous mettons volontairement ici l'accent sur la dimen- sion sociologique de la pensée d'Albert Pelletier, afin de contribuer à un inventaire de ce que Jacques Pelletier appelait, dans le dernier numéro de cette revue, « une uploads/Litterature/ l-x27-oeuvre-d-x27-albert-pelletier-une-satire-sociale-des-annees-1930 1 .pdf
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- Publié le Mar 03, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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