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IV CONGRESSO INTERNACIONAL DA ASSOCIAÇÃO PORTUGUESA DE LITERATURA COMPARADA 1 LA CRITIQUE POSTCOLONIALE (DANS LE MONDE FRANCOPHONE): QUELQUES ORIENTATIONS DE RECHERCHES ACTUELLES JEAN-MARC MOURA UNIVERSITE DE LILLE Le titre de cette communication réunit deux termes soupçonnés des milieux universitaires français. L’origine anglo-saxonne des études postcoloniales les expose en effet à la méfiance de maint ‘francophoniste’ préoccupé par le statut croissant de l’anglais dans les communications internationales. En outre, dans ‘postcolonial’, le Français entend surtout, et à tort, ‘colonial’, d’où une péjoration a priori. Quant à la notion de francophonie, elle renvoie à une catégorie qui n’est homogène ni linguistiquement ni littérairement et qui a pu être accusée d’impérialisme prolongé. Je crois qu’en l’occurrence, il est utile de conjuguer les négativités, selon le principe mathématique du « moins par moins égale plus», car la critique postcoloniale permet d’éclairer tout un pan de la francophonie littéraire, et l’un des plus créatifs actuellement. J’évoquerai donc les rencontres entre postcolonialisme et francophonie, quelques procédures d’étude actuelles avant de réfléchir à l’avenir de la critique postcoloniale francophone et à ses rencontres possibles avec les aires lusophones. I.FRANCOPHONIE ET CRITIQUE POSTCOLONIALE Le français est l’une des langues européennes à vocation mondiale, mais derrière l’anglais. Il est défendu par de grandes organisations (AUPELF/UREF ; Agence de la Francophonie…) mais il relève de situations hétérogènes. Ce qui regroupe les pays francophones est, selon la terminologie officielle, d’avoir « le français en partage » : dans ces pays et dans certaines situations de communication entre deux locuteurs, le français fait partie IV CONGRESSO INTERNACIONAL DA ASSOCIAÇÃO PORTUGUESA DE LITERATURA COMPARADA 2 des langues envisageables. En ce sens, la francophonie est un espace virtuel situé à l’intersection de plusieurs espaces particuliers (linguistique mais aussi géographique, politique-économique-stratégique, culturel, néo-colonial). La critique postcoloniale découpe une partie homogène de cet espace, une partie concernant les études littéraires. C’est ici qu’apparaît une seconde difficulté. La francophonie littéraire est en effet une notion qui reste à construire1. L’œuvre francophone est parfois étudiée par les Français comme un simple objet linguistique, l’approche de celle-ci étant articulée sur une certaine vision de la francophonie et de son avenir dans le monde. La littérature peut alors être mise au service d’une promotion voire d’une propagande pour le français et son usage international qui n’a guère à voir avec sa « littérarité ». Par ailleurs, le corpus littéraire francophone est le plus souvent déterminé par le « centre » de la francophonie, parce que c’est en ce centre que se trouvent réunies les conditions matérielles de sa constitution. Il s’agit là d’une histoire littéraire qui avoue rarement ses présupposés2. Comme l’a remarqué M.Beniamino, une solution vient à l’esprit : laisser le corpus être déterminé par ceux se trouvent à la « périphérie » de cette francophonie. Mais une telle démarche montre que c’est souvent telle institution ou telle classe sociale qui va alors imposer ses normes. Un autre problème est celui de l’objet même de l’étude. Les littératures francophones sont souvent considérées comme un « donné de fait », un objet naturel que l’on n’aurait plus qu’à enseigner sans se donner la peine de le construire. D’où des approches anthropologiques, ethnologiques, sociologiques de ces lettres qui délaissent les aspects littéraires au profit d’une analyse de type « littérature et civilisation ». En réalité, il convient d’affirmer, avec 1 Cf. Michel Beniamino : La Francophonie littéraire, Paris : L’Harmattan, 1999. 2 Cf. Pierre Halen : « Notes pour une topologie institutionnelle du système littéraire francophone », P.S.Diop, H.J.Lüsebrink (Eds) : Littératures et sociétés africaines. Mélanges offerts à Jànos Riesz, Tübingen : Gunter Narr Verlag, 2001, pp.55-66. IV CONGRESSO INTERNACIONAL DA ASSOCIAÇÃO PORTUGUESA DE LITERATURA COMPARADA 3 M.Beniamino, que nous n’avons pas comme objet d’étude la francophonie mais que nous devons nous poser le problème de « la fondation d’une discipline dont l’objet pourrait être très grossièrement défini comme une étude des littératures en contact, c’est-à-dire des situations où coexistent des littératures écrites en langues différentes dont l’une est le français. »3 La critique postcoloniale intervient à ce niveau, comme définition des conditions de possibilité et des pratiques de cette discipline. L’apparition de textes non occidentaux de langues européennes dans les programmes universitaires, l’émergence d’un ensemble d’ouvrages critiques occidentaux les prenant pour objet ont été rangés sous l’étiquette globale de postcolonial. Les principaux critiques, Edward Said, Homi K. Bhabha, Bill Ashcroft, Gareth Griffiths, Helen Tiffin, Gayatri Spivak sont désormais bien connus. Mais leurs noms montrent précisément que la majorité des recherches postcoloniales est menées dans le monde anglo-saxon (ou germanique), bien que la francophonie soit pleinement concernée par cette dynamique théorique. La critique postcoloniale s'enracine dans une réalité historique, un ensemble de contraintes et de pratiques vécues, comme le rappellent Ashcroft, Griffith et Tiffin dès le début de leur ouvrage, lorsqu’ils remarquent que les trois quarts de la population mondiale contemporaine ont vu leurs conditions de vie influencées par l’expérience du colonialisme. En ce sens --qu'on ne saurait limiter à une nouvelle version de la littérature comme reflet de la société--, le postcolonialisme constitue l'une des rares théories littéraires actuelles qui s'efforce de rendre justice aux conditions de production et aux conditions socio-culturelles dans lesquelles s'ancre ce que nous appelons littérature. 3 M.Beniamino : « La Francophonie littéraire », in Didier de Robillard et alii : Le Français dans l’espace francophone, Paris : Champion, 1993, p.522. IV CONGRESSO INTERNACIONAL DA ASSOCIAÇÃO PORTUGUESA DE LITERATURA COMPARADA 4 Cette théorie concerne deux ensembles textuels, selon qu'elle se réfère à une période (littérature venant après les empires coloniaux européens4) ou à un ensemble de textes échappant aux formes et aux thèmes caractéristiques d’une vision (néo-) coloniale du monde. Dans ce second sens, 'Post-' est à entendre dans une valeur adversative et critique et non pas chronologique, un peu comme le post-moderne n’est pas le successeur du moderne mais une forme de développement critique de celui-ci. Le danger d’une conception purement chronologique a été souligné par Anne Mc Clintock : l'opposition binaire colonial/postcolonial fait du colonialisme le marqueur déterminant de l'histoire. Elle fait retomber l'analyse dans le schéma linéaire du temps propre à l'Europe, avec au fondement la téléologie coloniale du 'progrès' et de la 'civilisation'5. Il y aurait là tous les symptômes d'une histoire monolithique à éviter en ce qu'elle accorde à toutes les littératures différentes de la littérature occidentale un statut prépositionnel. En outre, une acception purement chronologique ne rend pas compte de certains enjeux postcoloniaux importants, pour les femmes par exemple, dont la fin de la colonisation n'a pas toujours été l'avènement de l'émancipation, ou pour les auteurs qui combattaient le colonialisme et avaient déjà rejeté ses catégories alors que leur pays était encore sous la tutelle coloniale (Senghor ou Mongo Beti). Enfin, le concept chronologique pourrait être prématuré, masquant de ses accents optimistes le néo-colonialisme de l'époque actuelle. Le concept de stratégie ou de résistance postcoloniale est plus intéressant. Des modes d'écriture sont considérés : polémiques à l'égard de l'ordre colonial mais surtout caractérisés par le déplacement, la transgression, le jeu, la déconstruction des codes européens tels qu'ils se sont affirmés dans la culture concernée. Puis de grandes évolutions du champ littéraire, 4Dans le domaine francophone, Bernard Mouralis l'utilise en ce sens dès 1984, en parlant de "civilisation post-coloniale" (Littérature et développement, Paris : Silex/ACCT, 1984, p.43). 5A.Mc Clintock : "The Angel of Progress : Pitfalls of the Term 'Post-Colonialism'", in P.Williams, L.Christman (Eds.), Colonial Discourse and Post-Colonial Theory : A Reader, New York : Columbia U.P., 1994, pp.291-304. IV CONGRESSO INTERNACIONAL DA ASSOCIAÇÃO PORTUGUESA DE LITERATURA COMPARADA 5 caractérisées par la négociation de plusieurs cultures, se sont organisées à partir des premières tentatives postcoloniales. 'Postcolonial' désigne en ce sens un ensemble de pratiques dont la critique va étudier les formes et les enjeux. L'approche est de facto contemporaine (le XXe siècle est le siècle de référence), internationale, et translinguistique le plus souvent. Les deux dangers qui guettent une telle théorie sont évidents : soit demeurer une globalisation eurocentrique, incapable d'appréhender la diversité des pratiques d'écriture et des situations culturelles ; soit, à l'inverse, éclater en une multitude de domaines littéraires différents6. Il semble donc que l'on ait intérêt, avec H. Tiffin, à distinguer 1/les écrits provenant des ex-colonies de l'Europe, 2/un ensemble de pratiques discursives où domine la résistance aux idéologies colonialistes (qu'elles concernent la colonisation européenne de l'Outre-mer ou d'autres types de colonisations). Le second ensemble paraît trop vaste pour faire l’objet d’une étude postcoloniale, au moins dans un premier temps. II.PROCEDURES D’ETUDE Du point de vue du corpus, la critique postcoloniale se définit précisément. Pour les démarches analytiques en revanche, on doit distinguer différentes procédures d’étude. Ashcroft, Griffiths et Tiffin distinguaient quatre modèles d'analyse (non des écoles 6 Dans un numéro de la Canadian Review of Comparative Literature consacré aux littératures postcoloniales, Steven Tötösy de Zepetnek, adoptant une approche Centre/Périphérie (de préférence à l'approche, plus polémique, pouvoir/non-pouvoir), distingue ainsi plusieurs champs de recherches, à la fois larges et différents : -"obvious post-colonial situations" : "Middle Eastern, East Indian, and African Post- Colonialities"; "Latin-American and Caribbean Post-Colonialities"; -"less obvious uploads/Litterature/ la-critique-postcoloniale.pdf
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- Publié le Sep 07, 2022
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