p.1 Le développement d’habiletés d’ordre logique au coeur de la formation unive
p.1 Le développement d’habiletés d’ordre logique au coeur de la formation universitaire — la méthode des 88 clefs Résumé Les programmes universitaires de premier cycle visent à transmettre certaines connais- sances ou habiletés de haut niveau propres à une discipline ou à un champ professionnel. Mais ils visent aussi certains objectifs qui concernent directement ou indirectement diverses habiletés à appréhender de nouvelles connaissances ou à organiser et à exprimer les connaissances déjà acquises. Cependant, ces objectifs sont souvent négligés dans les programmes d’études. C’est pourquoi l’auteur du présent article propose l’utilisation d’une méthode qui permet à un enseignant de contribuer significativement à la formation de ses étudiants sur le plan de l’organisation et de l’expression de la pensée en même temps qu’il les forme sur le plan disciplinaire ou professionnel. Il s’agit de la méthode des 88 clefs pour annoter les textes des étudiants et des étudiantes. Abstract Transmission of certain kinds of advanced knowledge or abilities is the aim of undergraduate studies. But it also aims at imparting the ability to acquire new knowledge or to organize and express properly knowledge already acquired. Nevertheless, the transmission of these latter abilities is often neglected. That is why this paper proposes the use of a method which enables a teacher to help his students to develop these further abilities, while transmitting the knowledge or abilities proper to their discipline or professional field. That is the method of the 88 keys for annotating students’ papers. p.2 Introduction1 Chaque programme d’études universitaire vise de toute évidence à transmettre certaines connaissances ou habiletés de haut niveau propres à une discipline ou à un champ professionnel. Mais la formation universitaire vise aussi certains objectifs qui, tout en le présupposant, transcendent le cadre disciplinaire ou professionnel. En effet, on attend par exemple d’un bachelier2 qu’il soit capable de percevoir les limites de sa discipline ou de son champ d’études et qu’il soit capable de les situer par rapport à d’autres disciplines ou champs d’études connexes; on veut qu’il ait acquis la capacité de penser de nouveaux sujets de manière autonome et rigoureuse et qu’il soit capable d’entretenir des rapports féconds avec des spécialistes formés en d’autres domaines; enfin, on souhaite qu’il sache exprimer par écrit ce qu’il connaît, avec simplicité, précision et cohérence3. Or, il n’est pas toujours évident que les programmes d’études arrivent à former des spécialistes qui ont toutes ces habiletés, ou qui les ont à un degré que l’on serait en droit d’attendre de la part de diplômés du premier cycle. C’est là du moins une critique adressée aux universités par certains observateurs extérieurs aussi bien que par les membres de diverses commissions d’études mises sur pied notamment par les universités mêmes4. 1 Je me permets ici, avant d’entrer dans le vif du sujet, de remercier mon collègue et ami Denis Rhéaume, professeur à l’INRS. Ses commentaires sévères et pénétrants m’ont beaucoup aidé à terminer à ma satisfaction le présent article. 2 ... et de toute bachelière, etc. 3 De tels objectifs sont clairement énoncés par exemple dans la Politique des études de 1er cycle de l’Université du Québec (voir le chapitre 2.1.5) et dans le Règlement du premier cycle de l’Université Laval (voir les sous-sections I-1 et I-6). Les politiques ou règlements de ces universités incluent également des objectifs ayant trait à la formation de la personne en tant que citoyen : on parle par exemple de développer chez le diplômé une sensibilité à l’éthique et aux conséquences sociales de son action. On pourrait aussi rattacher à ce chapitre la question du sens critique. 4 Voir par exemple l’Avis de la Commission des études sur la formation personnelle, Université Laval, 14 novembre 1997, p.1-2. Voir aussi le Rapport de la Commission d’orientation de l’Université Laval, mars 1998, p.21-22. Ces idées sont également très clairement énoncées dans le document Les États généraux sur l’éducation, Exposé de la sitaution, MEQ, 1995-1996, p.54 et dans le Rapport final de la Commission des États généraux sur l’éducation, MEQ, 1996, p.31-32. Le document de consultation déposée par la ministre québécoise de l'Éducation en 1998 (L'université devant l'avenir : perspectives pour une politique gouvernementale à l'égard des universités québécoises) se fait aussi très explicite au sujet de ces lacunes de la formation au premier cycle. Voir en particulier les pages 29 et 34-35. Voir enfin l’essai de Laurent Laplante, L’université : questions et défis, Institut québécois de recherche sur la culture, 1988, p.85-86. p.3 Le présent article veut éclairer le sujet en montrant que le développement de diverses habiletés d’ordre logique serait susceptible de contribuer significativement à l’atteinte de tels objectifs. Il ne propose pas cependant de corriger la situation en incluant tout bonnement dans chaque programme d’études un cours centré sur le développement de ces habiletés. Cette approche nous semble trop partielle; elle soulève aussi diverses difficultés qui expliquent en partie pourquoi on fait si peu en cette matière alors que plusieurs intervenants, à tous les niveaux, et depuis longtemps, attirent l’attention sur ces problèmes et demandent divers changements. Nous proposons plutôt d’utiliser dans les cours disciplinaires ou professionnels une méthode que nous avons développée et qui a été expérimentée depuis deux ans par plusieurs professeurs et dans plusieurs programmes : la méthode des 88 clefs pour annoter les textes des étudiants et des étudiantes. Comme nous le verrons, cette méthode semble répondre au besoin évoqué sans comporter les inconvénients des autres approches. L’acquisition d’habiletés d’ordre logique : un objectif important mais négligé de la formation universitaire Remarquons d’abord qu’à côté des objectifs énoncés plus haut, les règlements ou politiques du premier cycle de plusieurs universités comportent, de façon plus ou moins explicite, une référence à l’acquision de compétences d’ordre logique1. On fait mention de capacités approfondies d’analyse et de synthèse; on y parle de cohérence du discours, de discipline de l’esprit, de pensée critique — toutes des notions ou des habiletés d’ordre proprement logique. Mais on pourrait être plus explicite et énoncer un certain nombre d’habiletés qui sont à ranger sous ce terme et qui devraient manifestement faire partie d’une formation universitaire complète. Ainsi : • Une personne terminant un baccalauréat devrait être capable d’ordonner facilement et systématiquement les connaissances qu’elle acquiert d’une même réalité; elle devrait savoir distinguer l’essentiel de l’accessoire et classer au bon endroit ce qui vient avant ou après, ce qui est un fait et ce qui est une hypothèse, ce qui est une cause et ce qui est un effet. • Elle devrait avoir pris l’habitude en abordant une nouvelle étude ou en commençant une recherche, de définir les objets considérés; et surtout, elle devrait être capable de le faire correctement. • Elle devrait être capable d’identifier une définition ou un argument circulaire, un énoncé ambigu, une affirmation gratuite, une contradiction cachée, un sophisme. 1 Cela est très clair dans les passages de la Politique des études de 1er cycle de l’Université du Québec et du Règlement du premier cycle de l’Université Laval déjà donnés en référence. p.4 • Elle devrait pouvoir distinguer un indice faible d’une preuve rigoureuse et une simple opinion d’une connaissance fermement établie; par suite, elle ne devrait pas être dupe et prendre l’un pour l’autre. • Enfin, elle devrait pouvoir exprimer par écrit ce qu’elle connaît, avec simplicité, précision et cohérence. De telles habiletés devraient être acquises ou développées au cours d’une formation universitaire, ne serait-ce que parce qu’elles aident à apprendre. Il est bien connu en effet que l’on n’apprend pas simplement en empilant les connaissances, mais en les structurant1. Or, pour cela, il faut être capable de faire (consciemment ou non) diverses distinctions et analyses d’ordre logique. C’est pourquoi un spécialiste possédant une bonne formation en logique a de bonnes chances d’être un meilleur spécialiste — c'est-à-dire une personne qui connait beaucoup de choses précisément mais qui, surtout, a une tête bien faite, une tête remplie de connaissances bien organisées, une tête consciente de la portée et des limites de ce qu’elle connait. Mais un spécialiste capable de faire facilement les opérations d’ordre logique énumérées précédemment est aussi une personne qui a plus de facilité à aborder de nouveaux sujets avec rigueur; par le fait même, elle est mieux préparée à poursuivre par elle-même sa formation et elle a plus de facilité à comprendre le langage ou les préoccupations des gens formés en d’autres disciplines ou champs d’études. Enfin, une formation en logique est sans doute ce qui peut contribuer le plus à rehausser la qualité de l’expression écrite — qui fait défaut à plusieurs diplômés. En effet, s’il est parfois si difficile d’exprimer une idée par écrit de manière claire, précise et cohérente, ce n’est pas tellement parce qu’on a des difficultés avec l’orthographe ou la grammaire ou qu’on a un style très pauvre. Le problème principal est généralement plus profond; il trouve sa racine dans une pensée mal organisée2. Certes, une formation d’ordre logique n’est pas une panacée — la suite de notre texte le manifestera amplement. Il n’en demeure pas moins qu’elle constitue presque un préalable à l'acquisition méthodique et approfondie uploads/Litterature/ la-methode-des-88-clefs-pour-identifier-dans-un-texte-un-probleme-de-logique-ou-d-x27-expression-de-la-pensee-fondements.pdf
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- Publié le Jui 06, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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