La non-réception de The Fairies are Thirsty au Canada anglais Chantal Gagnon Un
La non-réception de The Fairies are Thirsty au Canada anglais Chantal Gagnon Université Concordia On disait, quand j’ai commencé, le théâtre de femme, ce n’est pas de l’art, c’est du témoignage : les femmes, ça raconte leur vie. Pol Pelletier, auteure et comédienne Miroir sur la scène L’histoire littéraire québécoise est marquée par la création de certaines pièces de théâtre qui ont révolutionné le genre théâtral tout en créant un "remue-ménage " au sein de la société du temps. On le comprend facilement à la lecture de l’ouvrage Sociocritique de la traduction d’Annie Brisset. Elle y écrit : "Le théâtre est en prise directe sur la société, sur son imaginaire et ses représentations symboliques, le système de ses idées et de ses valeurs " (BRISSET, 1990, p. 27). Ainsi, le théâtre québécois exprime les tendances, les idéaux et les valeurs de la société et parfois, même, les influencent. Ce fut le cas pour la pièce Les fées ont soif de Denise Boucher , qui souleva un tollé de protestations dans la population québécoise en 1978. En fait, cette pièce féministe a suscité à la fois de vives controverses et un grand enthousiasme du public québécois, comme le témoigne la description qu’en fait le site Internet de l’Association québécoise des auteurs dramatiques : Créée en 1978, [la] pièce Les fées ont soif devient vite un sujet de controverse. Objet de censure et d'invectives à cause de sa forme, de son langage et de l'image de la Vierge qui y est proposée, l'œuvre obtient néanmoins un grand retentissement ; le texte est réédité trois fois et la pièce est reprise hors du Québec, après avoir tourné à travers la province l'année même de sa création. En septembre 1984, le Théâtre des Cuisines en propose une lecture-spectacle lors de la visite du pape. Quelques années plus tard, lorsque la pièce de Denise Boucher fut jouée en anglais à Montréal à l’Université Concordia, par une troupe étudiante semi-professionnelle, la réaction de la communauté anglophone ne fut pas aussi vive que celle de la communauté québécoise. La version anglais de la pièce n’a été jouée qu’une seule fois au théâtre professionnel, à Vancouver . The Fairies are Thirsty n’est pas citée dans les anthologies de théâtre canadiennes-anglaises, à l’exception près de la Canadian Theatre Encyclopedia, un site Internet qui présente les pièces marquantes du théâtre canadien. Qu’est-ce qui a influencé la non-réception de la traduction des Fées ont soif dans la communauté canadienne-anglaise ? Pourquoi ce quasi-silence ? La traduction d’Alan Brown fut-elle en cause ? Nous tenterons sommairement de répondre à ces questions, afin de comprendre pourquoi une pièce comme Les fées ont soif, qui a joué un rôle historique au Québec, est restée inconnue en traduction anglaise. Une méthodologie polysystémique Gideon Toury, dans Descriptive Translation Studies and Beyond, commente la relation qui existe entre une traduction et la culture qui la reçoit : "Translations have been regarded as facts of the culture which hosts them, with the concomitant assumption that whatever their function and identity, these are constituted within the same culture and reflect its own constellation " (TOURY, 1995, p. 24). Il est pertinent de se Orees: Soumettreunarticle http://orees.concordia.ca/archives/numero2/essai/gagnon.shtml 1 sur 9 2013-10-16 20:41 demander que type de lien existait dans les années 1980 entre les sociétés canadienne-anglaise et québécoise. Gideon Toury peut nous aider à formuler cette problématique : "The systemic position most relevant to the kind of questions we wish to pursue is of course the one a translation was designed to occupy when it first came into being " (TOURY, 1995, p. 30). À la lumière de cette précision, un certain nombre de questions surgissent : Quel vide comblait la traduction The Fairies are Thirsty dans la société canadienne-anglaise ? La traduction de la pièce était-elle destinée à contribuer à l’avancement de la cause féministe, comme elle l’avait fait au Québec, ou était-elle, par exemple, destinée à rapprocher deux des cultures fondatrices du Canada ? Nous argumenterons que la traduction faite par Alan Brown n’est pas une traduction féministe, selon les critères établis par les traductologues féministes Luise von Flotow et Kathy Mezei. Nous irons même plus loin : les choix de traduction d’Alan Brown affaiblissent la portée blasphématoire, nationaliste et féministe du texte, ce qui a influencé la réception de la pièce dans la communauté anglophone. Pour bien comprendre quelle place occupe The Fairies are Thirsty dans la société canadienne-anglaise, nous établirons une comparaison entre le contexte de réception de la pièce en français et en anglais. Une attention particulière sera portée à l’histoire du théâtre féministe de ces deux sociétés, afin de bien comprendre quelle était la norme en terme de théâtre et de revendications féministes pour ces sociétés réceptrices. De plus, nous examinerons brièvement comment d’autres œuvres québécoises sont reçues au Canada anglais. Nous avons choisi quelques exemples types, tels que Gabrielle Roy, Marie-Claire Blais et Nicole Brossard. Ces quatre auteures ont reçu un très bon accueil chez les littéraires ou chez les féministes anglophones. En dégageant les caractéristiques de réception de leurs œuvres, nous pourrons analyser ce qui s’est passé avec The Fairies are Thirsty de Denise Boucher . Il faut souligner que les résultats présentés dans notre recherche sont fragmentaires. En effet, nos recherches dégagent les tendances d’un phénomène intéressant, mais les hypothèses soulevées devraient être appuyées par des recherches plus approfondies. Le théâtre féministe québécois Dans les années 1970, les femmes de théâtre québécoises ont eu envie de raconter leurs souffrances et le poids de la domination masculine. C’est ainsi qu’en 1975, avec la naissance du Théâtre expérimental de Montréal, Pol Pelletier , actrice et dramaturge, crée les premiers ateliers de recherche sur le personnage féminin afin de "créer d’autres personnages que les éternelles mamans, amoureuses et servantes. FINI, ASSEZ, TANNÉES, autre chose" (PELLETIER, 1995, p. 16). Les découvertes du groupe de Pol Pelletier donnent lieu à plusieurs créations collectives. Par exemple, le Théâtre expérimental de Montréal présentera les pièces féministes Essai en trois mouvements pour trois voix de femmes en 1976 et Finalement en 1977. En 1976 également, le Théâtre du Nouveau Monde (TNM), considéré alors comme "le théâtre de répertoire le plus ancien et le plus respecté " (PELLETIER, 1995, p. 21) donne la parole aux femmes sur la place publique avec La Nef des sorcières. Cette pièce, écrite par Marthe Blackburn, Marie-Claire Blais, Nicole Brossard, Odette Gagnon, Luce Guilbeault, Pol Pelletier et France Théoret, remporte un vif succès auprès du public. L’année suivante, Denise Boucher présente Les fées ont soif, toujours au TNM. Le théâtre féministe ne s’est pas arrêté avec Les fées ont soif. Ainsi, en 1979 naît le Théâtre expérimental des femmes, avec à sa tête, Pol Pelletier , Louise Laprade et Nicole Lecavalier : plusieurs créations collectives et textes d’auteures y seront présentés. De plus, en 1993, la Compagnie Pol Pelletier , en collaboration avec le Festival de théâtre des Amériques, présentait Joie, une pièce de théâtre racontant l’histoire du théâtre féministe au Québec. Le théâtre féministe canadien-anglais Orees: Soumettreunarticle http://orees.concordia.ca/archives/numero2/essai/gagnon.shtml 2 sur 9 2013-10-16 20:41 Au Canada anglais, on assiste à la naissance timide du théâtre canadien-anglais en général au début des années 1970. En 1971, un groupe de dramaturges canadiens se rassemblait pour réfléchir sur la condition du théâtre au Canada. Leur conclusion : "We believe there is no meaningful Canadian theatre except where our playwrights take a major role in it. That they have not done so to date is a scandal and a disgrace " (THE GASPE MANIFESTO, 1971/1996, p. 302). Cette absence du théâtre canadien-anglais est intimement liée, on le comprend, à l’idée que se font les Canadiens et les Canadiennes de leur culture. Susan Crean, auteure de Who’s Afraid of Canadian Culture publié en 1976, s’est prononcée à ce sujet : The chief reason why Canadian culture tends to be invisible, especially to Canadians, is that at the very word "culture " our attention is directed elsewhere, usually far from the plane of mundane existence. (…) In this context, cultural deprivation could scarcely be called genuine hardship, since culture is really nothing but a frill for ladies and dilettantes with a lot of spare Les artisanes et artisans du théâtre canadien-anglais n’ont pas manqué d’analyser le succès du théâtre québécois des années 1970. Peter Hay, dramaturge de Vancouver et fondateur du programme d’édition théâtrale chez Talonbooks livrait ses commentaires en 1974 dans un article intitulé "Cultural Politics " : In this regard, the position of writers, entertainers and theatre artists in Quebec has generally been the envy of their English counterparts. No amount of grants can replace popular success, or compensate for a lack of it. A surprising number of Quebecois artists enjoy both, simply because they work in a society which insists on political definition of culture, as a vital factor in survival. (HAY , 1974/1996, p. 315) Cette comparaison entre le théâtre québécois et le théâtre canadien-anglais se fait également au pour le théâtre féministe : "As there was, in Quebec, Les fées ont soif and La Nef des uploads/Litterature/ la-non-reception-de-the-fairies-are-thirsty-au-canada-anglais.pdf
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- Publié le Nov 21, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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