La pensée romanesque suivi de La ballade d’un schizophrène Jean-Nicolas Paul Th
La pensée romanesque suivi de La ballade d’un schizophrène Jean-Nicolas Paul Thèse soumise dans le cadre des exigences du programme de doctorat ès arts en lettres françaises Département de français Faculté des arts Université d’Ottawa © Jean-Nicolas Paul, Ottawa, Canada, 2019 ii RESUME Cette thèse de recherche-création se divise en trois parties. La première présente une recherche sur le monologue intérieur en tant que genre littéraire. Il s’agit, pour sortir des apories critiques entourant le monologue intérieur, de remonter aux origines de la notion de genre et de définir le monologue intérieur par ses finalités plutôt que par ses traits formels. D’abord, un des effets propres de ce genre romanesque est de donner au lecteur le sentiment d’une reconnaissance échouée. L’expression littéraire de cet échec de la reconnaissance amène à sa suite une esthétisation des processus spéculatifs reposant sur l’aperception, la mémoire et la fabulation. Il en découle également que l’un des thèmes centraux du monologue intérieur est la question de l’identité personnelle. La deuxième partie de la thèse est une fiction d’environ quarante mille mots utilisant le monologue intérieur. Ce récit débute alors que le héros est au volant de sa voiture, la nuit, et qu’il voit un poids lourd venir en sens inverse ; il envisage de tourner le volant pour traverser la ligne jaune et réaliser un face-à-face mortel, mais hésitant au dernier moment, il poursuit sa route en se replongeant dans ses souvenirs et ses pensées. On apprend rapidement que le personnage principal vient de commettre un crime. La troisième partie de la thèse vise, dans un dialogue critique et constructif entre composition et théorisation, à évaluer la force productive des concepts proposés dans la première partie. iii REMERCIEMENTS C'est avec émotion que je remercie Christian Milat, mon directeur de thèse pendant ces quatre années de belles écritures. C'est pour son aide inestimable, pour ses encouragements, pour sa disponibilité et surtout pour sa compréhension de mon projet que je souhaite, du fond du cœur, le remercier. Je garde un souvenir impérissable de notre première rencontre. C’était un certain vendredi après-midi de 2013 et, par simple curiosité, alors que je n’étais même pas étudiant, j’étais allé visiter l'Université d’Ottawa. La porte de son bureau était ouverte. Dans mon esprit, cette image d'hospitalité symbolise parfaitement sa grande ouverture. Puis, spontanément, nous avons eu une belle discussion à propos du Nouveau Roman et des auteurs que nous aimons. Cette rencontre aura eu un effet déterminant sur ma vie. Je ne peux manquer de mentionner ma femme, Ly Lam, qui est l'étoile magique de ma vie. Depuis que je l'ai rencontrée, je suis invincible et tout avance à grande vitesse. Elle est la constante de toutes mes réussites, la force qui me propulse, le chemin et le but de mon existence. J’aimerais aussi souligner l’importance qu’ont eue Alice et Chloé, mes filles adorées qui, en m'empêchant d'écrire quand je le voulais, m'ont forcé à écrire quand je le pouvais. De plus, je remercie mes parents de m’avoir toujours soutenu dans mes projets et d’avoir été présents pour m'aider lorsque j’en avais le plus besoin. Maintenant, j'aimerais adresser un remerciement tout spécial à Benjamin Lalonde. Il a été à mes côtés de façon indéfectible depuis le tout début. Lorsque je me demandais si je devais ou non entreprendre des études doctorales, il m’a écouté et conseillé, il a aussi pris le temps de discuter avec moi des théories autant que des orientations artistiques de cette thèse. iv J’aimerais remercier Marie-Aude Samson de son intérêt porté à mon travail. Enfin, je remercie le gouvernement de l'Ontario d'avoir soutenu mon projet en m’accordant la Bourse d'études supérieures. 1 INTRODUCTION Les programmes de création littéraire aux cycles supérieurs sont encore assez récents1 et leur place dans les départements de littérature reste marginale et questionnée. C’est pourquoi, dans cette introduction, je me vois en quelque sorte appelé à justifier mon parcours de troisième cycle. Ce faisant, j’expliquerai, dans un premier temps, pourquoi le doctorat en création littéraire me semble la voie la plus prometteuse pour les études littéraires en général. Cette partie revêtira par moment un caractère pamphlétaire et programmatique. Puis, dans un second temps, en m’inspirant de certains travaux en poïétique, je tenterai d’élucider les raisons qui m’ont amené à travailler sur le monologue intérieur dans le cadre d’une thèse en recherche- création. Pourquoi le doctorat en création littéraire? Comme l’affirme récemment Raphaël Baroni, le récit est devenu un concept central pour une multitude de domaines d’étude, et pourtant, « à une époque où l’intérêt que l’on porte aux phénomènes narratifs n’a peut-être jamais été aussi fort »2, la narratologie et les études littéraires semblent « moribondes »3. Une des causes du désintérêt pour les théories littéraires serait liée « au paradigme de l’histoire littéraire comme principe fondamental d’organisation de la connaissance »4 dans les départements de lettres. C’est pourquoi, selon moi, la recherche- création, qui aborde les théories non pas dans le but de classer et d’analyser les œuvres, mais 1 Danielle Boutet, « La création de soi par soi dans la recherche-création : comment la réflexivité augmente la conscience et l’expérience de soi », Approches inductives, vol. 5, nº 1, hiver 2018, p. 292. 2 Raphaël Baroni, « L’empire de la narratologie, ses défis et ses faiblesses », Questions de communication, n° 30, 2016, p. 233. 3 Ibid., p. 219. 4 Ibid., p. 220. 2 comme des outils de production de récits, pourrait intéresser les autres spécialistes qui emploient le récit dans leur discipline. Présentement, la façon dont la théorie est enseignée dans les départements de littérature relève d’un type de connaissance que John Dewey, philosophe américain et un des pères de l’école pragmatique, appelle une épistémologie spéculaire, qui consiste à observer les faits. Pour Dewey, par contre, savoir n’est pas voir, mais agir : « l’idée est l’instrument par lequel est construit le fait »5. Selon l’épistémologie pragmatique, la valeur d’une idée devrait donc être évaluée en fonction de sa capacité à produire des faits, c’est-à-dire, en littérature, des œuvres littéraires. La recherche-création en littérature pourrait ainsi donner une perspective nouvelle à l’appareil critique en privilégiant les réflexions qui concernent les procédés de production des œuvres, c’est-à-dire l’écriture ainsi que les effets recherchés par elles, ce qui réaffirmerait la pertinence de la théorie littéraire pour toute discipline qui utilise l’approche narrative. Malheureusement, nous sommes encore bien loin d’avoir trouvé un arrimage entre théorie et création littéraire. En fait, la recherche entretient actuellement avec la création une relation qui rappelle celle de la médecine avec la chirurgie au Moyen Âge. Dans un passé relativement récent, les médecins suivaient une longue formation universitaire qui les préparait principalement à discourir sur les maladies. Médecine et philosophie étaient encore deux disciplines assez proches et les médecins, qui jouissaient d’un grand prestige, s’intéressaient peu aux chirurgiens qui, eux, apprenaient leur humble métier chez des barbiers, qui n’avaient pas de connaissances théoriques bien poussées, mais qui savaient que faire concrètement dans une situation donnée. « L'histoire a montré que chaque fois qu'il y a eu un rapprochement entre 5 Emmanuelle Rozier, « John Dewey, une pédagogie de l'expérience », La lettre de l'enfance et de l'adolescence, 2010, n° 80-81, p. 26. 3 ces deux entités que sont la médecine et la chirurgie, cela a été bénéfique pour le progrès médico-chirurgical. »6 Cet exemple historique devrait nous faire réfléchir à la place que devrait occuper la création au sein des départements de lettres. Présentement, la formation dispensée dans leurs murs prépare les étudiants, un peu comme pour la médecine médiévale, à discourir sur les œuvres, à manier les concepts philosophiques pour exprimer leur perception de tel ou tel texte, tout en considérant comme anecdotiques les actes contingents de ceux qui se retroussent les manches et se salissent les mains pour transformer concrètement le monde littéraire par leur travail de création. Une des premières influences que la recherche-création pourrait avoir sur la théorie serait de hiérarchiser les connaissances selon leur puissance de création. De ce point de vue, la notion de genre acquiert une importance nouvelle, car elle donne corps à cette épistémologie pragmatique. Depuis la Grèce ancienne jusqu’à aujourd’hui, d’Aristote à Todorov, les genres littéraires ont en effet principalement servi à générer des œuvres d’un certain type. Ils disent ce que les œuvres qui se réclament d’eux doivent offrir comme contenu, comme forme, comme effet. Ils traitent « de la façon dont il faut composer les histoires si on veut que la poésie soit réussie », comme le dit Aristote au début de sa Poétique. Il convient donc de revenir à la racine du terme « poétique » et de réactualiser son étymologie pour redonner à la littérature sa « poïétique », comme l’appelait Valéry. Il serait également intéressant d’accorder la place qui lui revient aux questions d’émulation dans l’intertextualité qui, d’Édouard Dujardin à James Joyce, et de Joyce à William Faulkner, et de Faulkner à Claude Simon, ne cesse d’être un des principaux moteurs de la création littéraire. Mais comme le dit Jean-Simon Desrochers, 6 Wikipédia, Histoire uploads/Litterature/ la-pensee-romanesque-suivi-de-la-ballade-d-x27-un-schizophrene.pdf
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- Publié le Jan 02, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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