La soumission intellectuelle des écrivains algériens off- shore : Le prix à pay

La soumission intellectuelle des écrivains algériens off- shore : Le prix à payer par Chems Eddine Chitour. « Être un homme, c’est réduire la part de la comédie. » (André Malraux) *** Résumé Mon attention a été attirée par une polémique qui n’a pas lieu d’être, concernant l’écrivain Yasmina Khadra lors de son passage en Algérie et notamment à sa rencontre avec l’ambassade France, évènement qui a fait ressurgir les démons d’un conflit culturel résultat d’une occupation sanguinaire de 132 ans véritable plaie toujours aussi béante. C’est un fait les reproches faits aux écrivains algériens « installés rive gauche du Quartier Latin » plongent leur racine dans un inconscient collectif qui est celui de la mémoire. On ne peut reprocher aux écrivains d’avoir l’ambition d’évoluer à leur guise ; Cependant s’ils ont choisi de vivre d’écrire et de rentrer dans le rang de la visibilité normative hexagonale Ils ne peuvent s’ériger en donneurs de leçons d’histoire de l’Algérie à leur entendement. Ils jouent aux réconciliateurs d’un bien indivis la mémoire séculaire, fruit d’un vécu et d’un souffert du peuple ventant indirectement le bon temps des colonies. En son temps Rachid Boudjedra écrivain iconoclaste a dit dans un brûlot qui n’a pas pris une ride ce qu’il pensait de cette reddition en rase compagne sur le dos et devrait dire le sang et les larmes d’une révolution et d’une douleur datant d’une invasion brutale un matin de juillet 2030 et dont les répliques sont encore actuelles en chacun de nous. L’un des dénominateur commun de cet aplaventrisme est le panthéon que l’on a voulu ériger voire imposer en Algérie à Albert Camus certes écrivain brillant, cet Européen d’Algérie que l’on veut à tout prix imposer sans qu’il y ait d’abord La nécessité d’aborder dans le calme et la sérénité le contentieux mémoriel d’un devoir d’inventaire qui ne trouvera sa guérison qu’à la condition que la puissance coloniale fasse son mea culpa, une anamnèse apaisée digne des principes de la Révolution française dont elle se réclame, ouvrira à terme, la voie à une coopération dans l’égale dignité des deux peuples. Le jugement sans appel de Camus « le politique » par Edward Saïd Albert Camus est sans conteste un écrivain de talent. Il a écrit et décrit son Algérie blanche où l’arabe est invisible avec un fil invisible qui cristallise les statuts de ces deux sociétés où le plus humble des pieds noirs se sent quand même supérieur aux Arabes ce qui expliquent en partie l’exode des Pieds Noirs refusant de vivre dans un pays gouverné par des Arabes. Albert Camus ne s’adresse pas dans ses ouvrages ou ses discours, il s’adresse aux Arabes, leur niant leur algérianité. Dans une analyse lumineuse le grand écrivain palestino- américain décrit le sacerdoce de Camus défendant au-delà de sa mère sa civilisation Camus aimait beaucoup sa mère, un choix douloureux qui lui fait préférer la France à la justice à rendre à ceux qui la réclament. « Il nous faut écrit Edward Saïd considérer l’œuvre de Camus comme une transfiguration métropolitaine du dilemme colonial : c’est le colon écrivant pour un public français, dont l’histoire personnelle est irrévocablement liée à ce département français du Sud ; dans tout autre cadre, ce qui se passe est inintelligible. « Camus joue un rôle particulièrement important dans les sinistres sursauts colonialistes qui accompagnent l’enfantement douloureux de la décolonisation française du XXe siècle. C’est une figure impérialiste très tardive : non seulement il a survécu à l’apogée de l’empire, mais il survit comme auteur « universaliste », qui plonge ses racines dans un colonialisme à présent oublié. Même si, selon tous ses biographes, Camus a grandi en Algérie en jeune Français, il a toujours été environné des signes de la lutte franco-algérienne. Il semble en général les avoir esquivés (…). Quand, dans les dernières années de sa vie, Camus s’oppose publiquement, et même violemment, à la revendication nationaliste d’indépendance algérienne, il le fait dans le droit-fil de la représentation qu’il a donnée de l’Algérie depuis le début de sa carrière littéraire, même si ses propos font alors tristement écho à la rhétorique officielle anglo-française de Suez. Ses commentaires sur le « colonel Nasser », sur l’impérialisme arabe et musulman, nous sont familiers Pour lui : « En ce qui concerne l’Algérie, l’indépendance nationale est une formule purement passionnelle. Il n’y a jamais eu encore de nation algérienne. Les juifs, les Turcs, les Grecs, les Italiens, les Berbères auraient autant de droit à réclamer la direction de cette nation virtuelle. Actuellement, les Arabes ne forment pas à eux seuls toute l’Algérie. L’importance et l’ancienneté du peuplement français en particulier suffisent à créer un problème qui ne peut se comparer à rien dans l’histoire. Les Français d’Algérie sont eux aussi et au sens fort du terme des indigènes. Il faut ajouter qu’une Algérie purement arabe ne pourrait accéder à l’indépendance économique sans laquelle l’indépendance politique n’est qu’un leurre. (…) » 1. Ce que pensent les écrivains algériens de Camus On l’aura compris les écrivains algériens ont été profondément déçus par les prises de position de Camus. Il est donc scandaleux d’écrire comme les écrivains que Boudjedra qualifie de contrebandiers de l’histoire de dire que Camus plus algérien que les Algériens que c’est un grand ami des Arabes On sait que : « Kateb était exaspéré par les silences de Camus et se dit « douloureusement frappé » par sa déclaration sur l’Algérie après la remise du prix Nobel. Mouloud Mammeri va plus loin il décortique le cheminement de pensée de Camus qui écrit est un écrivain d’envergure internationale né en Algérie ; Lui déniant de ce fait de se proclamer Algérien Pour Mourad Bourboune Camus est « un très grand écrivain français, empêtré dans ses contradictions, souffrant et avançant sur un chemin de ronces » et conclut un article qu’il lui consacre par ces mots : « sans rancune et sans amertume, il est, pour nous, devenu l’Étranger » 2. Dans le même ordre une interview qui résume à elle seule le ressenti d’écrivains algériens vis à vis de l’européen d’Algérie que fut Albert Camus Nous lisons : « Je sais très bien quel argument pourraient opposer à Camus enfin le petit nombre de personnages algériens qui apparaissent dans ses œuvres et qui ne sont toujours peut être vues sous le meilleur angle. Enfin je pense à « l’Étranger » quand je pense à autre chose, au fond c’était je crois une preuve de sa sincérité profonde, parce que le personnage de Camus si grand qu’il ait été ne pouvait échapper à sa condition objective. Enfin sa condition objective était la suivante ; C’est ce qu’il est convenu d’appeler un pied noir bon français. Quel que soit l’effort intellectuel ou idéologique enfin qu’il faisait pour dépasser ce que cette condition avait d’astreignant, il ne pouvait pas ne pas en être, si j’ose dire enfin ne pouvait pas faire qu’il ne soit pas malgré tout un fils de petits blancs de l’Algérie. Or dans cette optique particulière qui je crois a été assez onirique de la société coloniale avant 1962, les personnages algériens n’intervenaient pas tellement dans leur réalité que comme élément de décor. C’est le fait qu’on a imposé par exemple à tous le même prénom Ahmed et à toutes les femmes le même prénom Fatma. Je crois que c’est une caricature mais quand même une image de l’idée que se faisait la société pied noir de la société algérienne réelle. (…) En réalité sa vie profonde n’était pas la leur qu’on le veuille ou non il y avait une espèce de rideau qui séparait les deux sociétés » 3. Avec des mots choisis et moins clivants même le sage Mouloud Feraoun s’est ému de la condition des Arabes dans les romans d’Albert Camus ! « Albert Camus était sans doute prisonnier de stéréotypes coloniaux. Son point de vue est marqué d’une sorte de cécité : sa méconnaissance de la langue arabe et de l’Islam, ses préventions grandissantes à l’égard du panarabisme de Nasser, puis sa haine du FLN ont fait que, malgré ses liens avec des amis arabes, il n’a pas saisi l’acuité de ce qui se passait en Algérie. Albert Camus avait le 23 août 1944 fait l’éloge des Français qui s’étaient levés contre l’occupant allemand : « Un peuple qui veut vivre n’attend pas qu’on lui apporte sa liberté. Il la prend ». Mais il s’est toujours refusé à mettre le nationalisme algérien sur un pied d’égalité avec le patriotisme des résistants français (…) il revient à Feraoun d’avoir, le premier, mis le doigt sur l’absence des indigènes dans l’œuvre de Camus, Dans une lettre datée du 27 mai 1951 et expédiée de Taourirt Moussa où il est en poste, il écrit à Camus : « J’ai lu La Peste et j’ai eu l’impression d’avoir compris votre livre comme je n’en avais jamais compris d’autres. J’avais regretté que parmi tous ces personnages il n’y eût aucun indigène et qu’Oran ne fût pour vous qu’une banale préfecture française ». uploads/Litterature/ la-soumission-intellectuelle-des-ecrivains-algeriens.pdf

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