A propos des "Caractères": ordre ou fantaisie? Author(s): Pierre Laubriet Sourc

A propos des "Caractères": ordre ou fantaisie? Author(s): Pierre Laubriet Source: Revue d'Histoire littéraire de la France , Jul. - Sep., 1967, 67e Année, No. 3 (Jul. - Sep., 1967), pp. 502-517 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40523060 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Presses Universitaires de France and Classiques Garnier are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue d'Histoire littéraire de la France This content downloaded from 132.174.250.76 on Fri, 06 Aug 2021 01:28:31 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms A PROPOS DES «CARACTÈRES»: ORDRE OU FANTAISIE? De la fabrication des Caractères, il faut bien admettre que nous savons peu et que nous sommes presque uniquement réduits aux hy- pothèses. A quelle date La Bruyère les a-t-il commencés ? il est im- possible de le dire x. A-t-il gardé en portefeuille des caractères prêts avant la première édition pour les insérer dans les éditions sui- vantes ? si oui, à quelle fin ? timidité, ou habileté, d'auteur ? 2 ex- ploitation de l'actualité ? 3. Les trois éditions de 1688 n'étaient-elles que des ballons d'essai, fragments d'un livre tout fait dont l'édition quatrième aurait été l'édition complète ? 4 La Bruyère au contraire aurait-il composé ses additions dans l'intervalle des éditions ? C'es ce qu'ont pensé en premier Sainte-Beuve, puis E. Fournier et Et. Allaire, se fondant sur la déclaration de la préface : « Je rends au public ce qu'il m'a prêté », à laquelle ils auraient pu ajouter une addition de la cinquième édition, où La Bruyère se fait dire qu'il n'y a pas de raison pour qu'il cesse d'accroître son ouvrage, car « il n'y a point d'année que les folies des hommes ne puissent vou fournir un volume ». Les Caractères, prenant ainsi leur source dans l'actualité immédiate, apparaîtraient alors comme les annales d'u moraliste rapportant et commentant pour l'édification des hommes les extravagances observées au jour le jour 5. Il nous a semblé qu cette hypothèse, qui entraîne à refuser la thèse selon laquelle les 1. Les quelques allusions de Brill on (Ouvrage nouveau dans le goût des Caractères de Théophraste et des Pensées de Pascal, 1697) ou de Vigneul-Marville (Mélanges d'histoire et de littérature, Paris, 1700-1701, t. I, p. 342 sq.) ne sont guère éclairantes, et n'est pas suffisamment convaincante l'allégation selon laquelle certains caractères font allusion à des événements bien antérieurs à la date de publication (XIII, 2 ; III, 81 ; XIV, 53). Cf. note 3. 2. P. Morillot par exemple, tient pour le scrupule (La Bruyère, Hachette, 1904). 3. C'est ainsi que les événements cités dans la note I avaient connu un regain d'ac- tualité au cours de la publication du livre : l'ouvrage de l'amateur de fruits a été réédité en 1690 et son caractère apparaît en 1691 ; le Mercure de 1688 avait rappelé l'histoire de XIV, 53, qui apparaît aussi dans l'édition de 1691 ; et R. Couaillier a montré que l'histoire d'Emire tenait d'assez près à cœur à La Bruyère pour qu'il en eût gardé le souvenir pendant longtemps (« Histoire d'Emire. Une interprétation d'un texte de La Bruyère », Revue des Sciences humaines, octobre-décembre 1694). 4. C'est l'opinion de P. Morillot et celle de Michaut (La Bruyère, Boivin, 1937). 5. C'est ce qui a pu autoriser Fournier, et plus encore Allaire, à chercher pour chaque addition le fait de la petite ou de la grande histoire qu'il pouvait cacher ; même en faisant la part de l'outrance, nombre d'exemples sont convaincants et invitent à penser à une composition échelonnée. This content downloaded from 132.174.250.76 on Fri, 06 Aug 2021 01:28:31 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms A PROPOS DES « CARACTÈRES » 503 Caractères auraient été entièrement composés avant 1688 tait de fournir également une explication plus satisfaisante d tions dans l'ordonnance de l'ouvrage. Il peut paraître vain de revenir, après tant de voix autori ce problème de l'ordre dans les Caractères, qui n'a reçu en ce qui concerne le plan d'ensemble, que des solutions pro et n'en a pas reçu du tout en ce qui concerne l'ordonnan culière à chaque chapitre2. C'est essentiellement ce dern que nous voudrions examiner, en nous réservant toutefois d au premier à l'occasion. A. RÉFLEXION SUR LES TRANSPOSITIONS Une remarque générale paraît d'abord s'imposer. On sa le plan d'ensemble du livre, c'est-à-dire la division en chapi resté inchangé au long des éditions, le contenu de chaqu en revanche s'est vu transformé non seulement par des mais par des transpositions, particulièrement nombreus quatrième édition : 178, et qui vont décroissant sensiblem les éditions suivantes : 43 dans la cinquième, 35 dans la s dans la septième, 11 dans la huitième ; il faut ajouter que la des transpositions dans ces éditions se rencontrent dans chapitres privilégiés : par exemple, le chapitre xn, « Des Jug contient à lui seul 16 des 35 transpositions de la sixième Quant aux transpositions de l'édition quatrième, elles on toutes lieu à l'intérieur d'un chapitre, 12 seulement ayant é d'un chapitre à l'autre. Enfin, si certains chapitres reçoivent de cette édition, des additions nombreuses, ils les voient fa place qui restera inchangée et ils ne connaissent à peu pr transpositions : par exemple les chapitres i, h, in, x, xni, x en revanche, les chapitres xi, « De l'Homme », et xn, « D ments », sont les chapitres les plus remaniés à travers les é à cause de leur longueur peut-être, mais aussi parce que, la généralité de leurs titres, ils peuvent offrir des remarqu tibles d'appartenir à des rubriques diverses. Tout se passe co La Bruyère avait eu son plan d'ensemble prêt, et avait im chapitres une ordonnance provisoire ; pour certains chap additions s'y sont intégrées sans apporter trop de remue pour d'autres, surtout ceux qui prirent une particulière l'ordre primitivement envisagé ne pouvant plus conveni nouvelle matière pu faisant trop voir ses défauts, l'auteur a 1. Cf. encore la tentative de Th. Goyet, « La Composition d'ensemble du l Bruyère », l'Information littéraire, janvier-février 1955. 2. Ainsi, M. Garapon, dans sa récente édition des Caractères, déclare-t-il que La Bruyère « s'en remet, pour la texture de ses différents chapitres comme pour le plan qu'il leur assigne dans son livre, aux deux règles qui régissent toute conversation : l'association des idées et l'opportunité » (Caractères, éd. Gamier, introduction, p. XXIII), affirmation peut-être un peu rapide. This content downloaded from 132.174.250.76 on Fri, 06 Aug 2021 01:28:31 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 504 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE cher, surtout pour l'édition qui connut le plus gros apport, la qua- trième, un ordre nouveau. Si cette matière avait été prête dans son ensemble avant cette quatrième édition, il paraît logique de penser que La Bruyère, même s'il réservait la publication d'une partie, aurait dès l'abord donné à ces chapitres leur ordonnance définitive x. Une étude des remaniements apportés à ces deux sortes de chapi- tres éclaire davantage encore ; nous ne prendrons que quelques exemples : deux chapitres peu bouleversés, celui « Des Ouvrages de l'esprit » et celui, très discuté, parce qu'il touche au problème du plan général de l'ouvrage, « Des esprits forts », et deux chapitres très remaniés, « De la Société et de la Conversation », et « De l'Homme », le plus long du livre ; mais l'enquête peut être menée sur l'ensemble sans que changent les conclusions. B. DÉDAIN OU AMOUR DE L'ORDRE Le premier chapitre des Caractères se présentait comme suit dans la première édition. Les § 1 à 7 et le § 9 2, qui sont des considéra- tions générales sur les ouvrages de l'esprit, tournent autour de la difficulté de faire un bel ouvrage ; puis les § 10 à 14 traitent du goût et des qualités nécessaires à l'écrivain ; le § 15, 2e alinéa, fait un éloge rapide des Anciens; les § 17 et 18 traitent de Fart de l'expression; les § 19, 20 et 21, 1er al, ainsi que le § 46 sur le Mercure galant, sont consacrés à la critique 3 ; viennent ensuite les alinéas 1, 2 et 3 du § 47 sur l'opéra, puis les § 53, 54 (le parallèle Corneille-Racine) et 55, 1er, 2e et 3e al. : il y est traité des genres, roman, théâtre, éloquence, et la conclusion en vient avec le § 65 : les grands sujets sont impossibles ; les § 66 et 67 apportent quelques conseils, et le chapitre se termine sur le § 69, où il est affirmé qu'il est malgré tout possible d'être original. Les linéaments du chapitre définitif sont déjà dessinés, et le plan est solide : examen uploads/Litterature/ laubriet-pierre.pdf

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