BUREAU POUR t.:ENSEIGNEMENT DELA LANGUE ET DELA CIVILISATION FRANCAISE At.:ETRA
BUREAU POUR t.:ENSEIGNEMENT DELA LANGUE ET DELA CIVILISATION FRANCAISE At.:ETRANGER · A. Ali Bouac~hA-:::---- .. a - D. Bertrand --- BELC 1981 9 rue Lhomond 75005 Paris ge revu et corrigé tylogrophie: Catherine Marie Reprographie : Dominique Bottin! Reliure : Annick Mocudé INTRODUCTION GENERALE L'une des rètombées les plus marquantes des recherches en : didactique des langues ces vingt dernières années a été, para- llèlement à la mise en place des méthodologies structura-globales et audiovisuelles, l'éviction brutale de la littérature. Jadis triomphant, le texte littéraire devenait brusquement un objet illégitime, voire honni. Or, dans le même temps, le dévelop- pement considérable des travaux théoriques dans les domaines de la linguistique textuelle et de la sémiotique renouvelait radicalement les perspectives d'approche des textes et per- mettait de posèr les jalons méthodologiques qui devaient, à terme, rendre une place à la littérature dans la pédagogie. Elle n'était plus considérée de l'extérieur comme un produit exemplaire, modele privilégié d'un univers culturel donné, mais de l'intérieur, comme un lieu, parmi d'autres, de .la mise en oeuvre du langage et de la signification. "Chaque fois ( ... ) que les sciences sociales ont à traiter d'un objet de langage (ou, pour être plus précis, d'un "discours"), elles auraient bien tort, de ne pas recourir au corpus littéraire ; sans doute, sauf exception (nous pensons à Proust), elles n'y trouveront pas des "analyses", des "explications", mais en contrepartie, des des- criptions, des reproductions, des simulacres si bien agencés, que l'intelligence première du propos se double virtuellement d'une intelligence théorique et comme structurale, du langage 1 ui -même" (1 ).• . Par sa richesse et sa disponibilité, le texte littéraire se prête en tant qu'objet à des activités discursives extrêmement variées : sans cesse repris, commenté, analysé, il est au coeur d'une diffusion de parole infinie. Que faire face à un tel foyer de discours, où se multiplient et se complexifient les ré- seaux du sens ? La difficulté pour l'enseignant de français, que ce soit en langue maternelle ou en langue étrangère, est bien dans cette "prolixitl' sur laquelle se greffent, comme autant (1) R. Barthes et F. Berthet, Communications 30, 1979,_ p, 4 b d'effets de sens supplémentaires, des investissements esthéti- ques, idéologiques et moraux. En deça et au-delà de ces inves- tissements, il revient au professeur de situer, de délimiter et de' circonscrire les différents usages pédagogiques du texte lit- téraire. C'est pourquoi nous proposons ici une réflexion métho- dologique sur le texte narratif qui vise, non pas à se donner comme une grille générale et finie de lecture, mais au contrai- re à poser la question de la lecture et à mettre en place les éléments d'une approche explicitement localisée. 1 . LIRE LES TEXTES Exagérons : l'apport de 1 "'analyse structurale" en matière de littérature a été d'abord de mettre un terme aux instances régnantes de 1 "'auteur" et du "personnage" ; jusque là, entre histoire littéraire et psychologie, la bonne lecture est avant tout affaire de "sensibilité" et d'érudition. Depuis, en sépa- rant clairement la problématique qui gravite autour de l'auteur et celle qui est centrée sur le texte même, les travaux ont fait émerger deux disciplines distinctes et autonomes, l'une et l'au- tre attirées dans le champ de deux nébuleuses : d'un côté la théorie de 1 'histoire, et de l'autre la linguistique et la théo- rie des textes. Dans le cadre de cette dernière, le texte est donc consi- déré en lui-même comme un objet de connaissance : on émet alors l'hypothèse qu'en tant qu'unité complexe il obéit à des règles fonctionnelles de récurrence et de systématicité qui lui sont inhérentes. Le travail du théoricien consiste à dégager cette "gramnaire" à laquelle tbute production textuelle renvoie et que justifie le consensus relatif de la lecture. Sur quoi se fonde ce consensus ? Comment déterminer l'intuition de la cohé- rence ? A quel niveau d'analyse situer les règles d'organisa- tion et de clôture ? A partir des principes fondamentaux de la différence et de la relation, par lesquels un élément ne peut être identifié que par son opposition à un autre élément iso~ tope, l'analyse structurale s'est attachée à construire des unités syntaxiques et sémantiques minimales, organisatrices de , réseaux de signification hiérarchisés. En considérant l'objet d'analyse dans sa stricte matérialité textuelle, elle rejette la transparence et l'adéquation du texte au monde, elle marque un temps d'arrêt sur le fonctionnement interne du sens qu'elle n'envisage plus comme une donnée évidente et immédiate, et, du même coup, elle renvoie à sa périphérie le rapport "auteur- lecteur". Bref, elle rend possible une approche "objective" du fait littéraire. 7 En raison même de la dimension polémique qui a caractérisé son développement, en raison aussi de la très grande complexité de la tâche qu'elle s'est donnée, cette démarche analytique a eu pour effet d'hypertrophier l'objet, au détriment de ses ins- , tances-source : celle qui produit le sens en écrivant, celle qui produit le sens en lisant. La prise en compte de cette deu- xième dimension permet d 'envisager le texte, non plus seulement du point de vue des structures qui agencent des réseaux auto~ nomes d'organisation, mais aussi du point de vue de ses méca- nismes d'effectuation en tant que construction signifiante ins- crite dans un acte de communication. C'est cette double perspec- tive qui nous paraît fonder une possible lecture des textes .. Notre objectif est donc, dans cette brochure, d'alimenter une réflexion avec les enseignants portant sur les conditions d'une pédagogie de la signification à l'oeuvre dans les textes que les étudiants produisent "en lisant" et "en écrivant". Cette ré- flexion ne peut s'appuyer, à notre sens, que sur une méthodolo- gie qui explicite autant que possible ses moyens propres. 2. SUR LE RAPPORT TEXTE-DISCOURS Le texte désigne un "objet empirique", dans sa forme im- primée, avec ses paragraphes, sa pagination et sa signature. En tant que trace écrite d'une activité de production, il renvoie nécessairement à du discoUrs, construction th~orique élaborée à partir de catégorisations hétérogènes sur du texte : catégo- risations qui peuvent être rhétoriques (discours didactique, discours polémique, etc.) qui peuvent être métalinguistiques (discours référentiel, discours cognitif, etc.), qui peuvent aussi porter sur des classes de textes (discours politique, dis- cours scientifique, discours littéraire, etc.).De telles caté- gories, évidemment, ne sont pas isomorphes à tel ou tel texte- ici, ne poge guère de problèmeg, la notion de discours en ~~v~~ che est dans toutes ses acceptions une cons truc ti on abs trai tP qui suppose un choix théorique clairement formulé. La relation texte-discours peut être appréhendée de multi- ples manières ; c'est qu'en effet "les textes produits et dif- fusés à -1 'intérieur d'une formation sociale donnée ( ... ) sont 8 pour ainsi .dire les lieux de manifestation d'une pluralité de systèmes de contraintes ; ils s.ont "traversés" par des lois qui relèvent d'or~eR différents de détermination et de fonctionne- ment" ( 1 ). Deux modèles généraux peuvent être dégagés, pour cher- cher à rendre compte du rapport texte-discours. -Le premier considère le discours comme l'ensemble des conditions de production qui, inscrivant le texte dans une "for- mation discursive" donnée, font partie intégrante de sa signi- fication et doivent nécessairement être prises en compte dans l'analyse qui en est faite. Le développement de ce point de vue a été tenté en particulier dans le cadre de la sociologie de la littérature et de l'approche idéologique du discours politique (2). - Le second envisage le texte comme un tout de significa- tion qui renvoie à une activité de construction du sens. A ia différence du modèle précédent, qui rejette toute possibilité · d'analyse consistant à envisager le texte "en soi", celui-ci tente d'articuler une double attitude : prendre en compte, d'une part, les opérations d'agencement qu'effectue un sujet énoncia- teur dans son activité langagière, opérations repérables à la surface du texte, et assumer, d'autre part, une décision théo- rique qui postule certaines formes d'organisation immanentes au texte. Dans cette perspective le texte est régi par des lois de fonctionnement propres (ses différents paliers structurels) tout en résultant d'une activité de discours (ses mécanismes d'effec- tuation). C'est ce second modèle que nous choisissons de développer ~c~. Une telle prise de position ne consiste pas pour autant à invalider a priori l'approche du discours centrée sur les conditions de production. Lmpossible en effet d'échapper au fait que LIRE un texte c'est t~ujours en produire un sens dans un ici et. un maintenant historiques et socialisés. Cette volonté de ne pas séparer le fait 'social de la production discursive est sans doute une préoccupation fondamentale dont l'enjeu théori- que passe par l'éclatement des frontières entre théorie de ( 1) E. Véron, '1Le hibou", Communications 28 "idéologies, dis- cours, pouvoirs", 1979 . (2) cf. Langages, 41, "Typologie du discours politique", 1976. 9 l'histoire, théorie du discours et sociologie. Les méthodolo- gies susceptibles de permettre des analyses concrètes restent cependant largement en retrait. Le second modèle, plus localisé dans son ambition et plus soucieux de son efficacité heuristi- que, possède à nos uploads/Litterature/ publication-pdf.pdf
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- Publié le Mai 09, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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