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1 Thierry DELAMOTTE – Conseiller pédagogique / Mission cinéma – IA Orne - octobre 05 – revu mars 2015 Le Burlesque Définition (Larousse): adj. (ital. Burlesco ; du latin burla = farce). D’un comique extravagant ; ridicule, absurde, bouffon. Genre littéraire parodique traitant en style bas un sujet noble, spécial, en France au XVIIème siècle (Le burlesque de Scarron). Genre cinématographique caractérisé par un comique extravagant, plus ou moins absurde, et fondé sur une succession rapide de gags. Il est difficile, à la fois sur le plan sémiologique et esthétique, de décrire avec précision le burlesque, véritable nébuleuse au sein de la nébuleuse comique, traversant des pays, des époques, des arts, des genres, des oeuvres, des sujets et des styles différents. Cependant, l’on s’accorde pour dire que le burlesque au cinéma est un genre hérité des formes burlesques de la littérature : La commedia dell'arte et le roman comique du XVI et XVIIe siècle ; la pantomime du XIXè siècle. Le principe de fonctionnement en est presque identique : la farce, la caricature des personnages stéréotypés, la parodie sociale, le travail des corps, les gags… Le comique est emprunté aux situations de la comédie : comique de situation et comique de répétition… 1 - Quelques repères historiques : Au cinéma, le burlesque naît aux Etats-Unis au début des années 1910 et connaîtra sa période d’or de 1910 à 1930. Avant 1910 : On sait fort peu de chose des films antérieurs à 1910, mais il semble que, jusqu'à cette date, la plupart des films se limitaient soit à des courtes scènes du type «arroseur arrosé», soit à des farces sentimentales avec des personnages traditionnels. Les personnages de ces comédies sont stéréotypés et le ressort essentiel est le quiproquo, procédé encore très proche du théâtre pour l'intrigue et de la pantomime pour le jeu. Le ressort essentiel est le gag. A partir de 1910 : - Aux USA, début de la production de comédies : les films sont le plus souvent des courts métrages, phénomène lié à la longueur des bobines (une ou deux bobines correspondaient à 10 ou 20 minutes de film). La première grande star américaine du muet est Mabel Normand. - En France : le grand nom c'est celui de Max Linder idole du public dès 1912, après des débuts difficiles. D'abord engagé par Pathé, il cherche un moment son personnage. Quand il le trouve, il lui donne des attributs fétiches : chapeau haut de forme et canne. Il écrit des films, tourne en extérieur et fait une vraie carrière d'acteur et de metteur en scène. Il part aux USA après la guerre en 1916 chez Essanay. Il tourne plusieurs films puis fonde sa propre société de production. Il réalise entre autres "sept ans de malheur" et " l'étroit mousquetaire ". • 1915 : D. W. Griffith réalise le premier long métrage du cinéma " Naissance d'une nation " puis aide au développement de la société Keystone créée par le réalisateur Mack Sennet. Cette société se lance dans la production du "slapstick" (le burlesque). Dans ce genre, l'un des éléments essentiels est la course poursuite avec tous les moyens de locomotion possibles. • A partir de 1915 : début de l'âge d'or du burlesque : La Keystone tourne près deux films par semaine bien qu'ils coûtent cher (en raison des nombreuses acrobaties et cascades). Mack Sennet devient le maître du burlesque (utilisation du personnage créé par Max Linder et recours à des acteurs doués pour le mime). Mack Sennet tournera plus de 1500 films entre 1915 et 1935. Ces films sont réalisés sans scénario préétabli. Une vague idée est fournie aux acteurs qui se retrouvent dans l’improvisation la plus complète (ce sont les dialogues qui amèneront la nécessité du scénario). Des acteurs tels Fatty Arbuckle, Charlie Chaplin et Buster Keaton deviennent populaires. Joseph-Francis Keaton (alias Buster = « casse-cou ») qui vient du vaudeville et Charles Chaplin (qui vient de la pantomime anglaise) deviennent les acteurs principaux des burlesques. Charlie Chaplin campe son personnage de Charlot, le petit vagabond dès le début des années 20. Il joue sur les contrastes entre les types de personnages, utilise aussi la poursuite et la ruse. • Après 1915, travail sur le cadre : on passe de la scène de théâtre filmée à une réelle utilisation du langage cinématographique (angle de vue, cadrage et mouvements de caméra, montage). Le cinéma burlesque parodie tous les genres. • Fin des années 20 (environ 1929) : arrivée du cinéma parlant. Le burlesque paie le prix de ce changement en retournant au vaudeville. Seuls semblent s'accommoder du parlant Harold Llyod et Chaplin qui peuvent se permettre de tourner très peu. Le comique des années trente, ceux des Marx Brothers de W.C. Fields, de la comédie américaine est différent de celui des années vingt. La crise de 1929 a des multiples conséquences sur la société américaine et, entre autres, sur son désir et sa manière de rire. 2 - La formation de l'école burlesque Ce qui fut le succès du comique américain furent les méthodes de Mack Sennett, celle de la commedia dell'arte, de la formation des comédiens par les séries de court métrage, d'une expression fondée sur le geste. Sennett avait un style bien à lui, fondé sur l'accumulation des gags et des truquages, la multiplication des figurants et leur accoutrement caricatural. Ses troupes formées selon les méthodes de la commedia dell'arte improvisaient leur action en plein air, sur un simple canevas. Chaplin était passé par cette indispensable école. Autour de lui, chaque comédien avait un emploi bien défini (le bon gros, le rageur, le maladroit, le fantaisiste, l'ahuri ensommeillé). Chaque type était caractérisé par le costume et le maquillage comme ceux de Polichinelle, Arlequin et Pierrot. L'improvisation, la liberté, la gaieté, la jeunesse conduisaient la troupe, et ces qualités font aujourd'hui le charme inimitable des films de la Keystone. 3 - Une parodie du social Les burlesques ont affronté le monde réel avec tant de détermination qu'ils expriment quelque chose d'une vision du monde. Cette commedia dell'arte moderne met en scène les moeurs et les spectacles de la rue de son époque. Mais si le burlesque utilise ou prend appui sur le réel, il le dépasse aussi pour arriver à un réalisme au second degré. C'est pourquoi on a souvent évoqué le surréalisme en parlant du burlesque, à cause de ce monde bien réel mais traversé de surprise et d'inattendu. Le genre burlesque renvoie au merveilleux : «le merveilleux, c'est ce qui tend à devenir réel». D'où le pouvoir de fascination et la valeur de ce monde de palissades, de constructions en bois, de trappes ouvrant sur les trottoirs rappelant la vie quotidienne américaine mise au service d'une gigantesque entreprise de démolition, faisant de chaque objet une possibilité de détournement. 2 Thierry DELAMOTTE – Conseiller pédagogique / Mission cinéma – IA Orne - octobre 05 – revu mars 2015 L'univers mis en scène par les burlesques révèlent l'absurdité d'une civilisation qui se croyait rationnelle, et tout l'art consiste à jouer des extrêmes, déplacer les signes, mêler les inconciliables et intervertir l'ordre des facteurs en y apportant du merveilleux poétique. 4 - Le héros burlesque Ambigu, le personnage du burlesque échappe à la tradition classique du clown et du bouffon, allié à une image d'enfant, d'adulte, d'inconscient et de somnambule. Tantôt clochard, vagabond, prolétaire, bourgeois involontaire, évadé de prison, explorateur, immigrant, pionnier, les héros du burlesque sont des portraits de l'inadéquation sociale. Fabrice Revault d'Allonnes (critique de cinéma) épingle dans un article quelques caractéristiques communes du personnage burlesque: «Un inadapté qui peut donc s'adapter à tout métier, tout milieu social, toute situation, cependant qu'il demeure inaliénable. Un individu sans vraie caractérisation psychologique, et qui n'évolue pas, ne change pas, ne progresse pas, ne prend pas conscience. Cependant que son rapport au monde est problématique, procède de confrontations et de ratage.» 5 - Forme burlesque: sens de la forme et de la mise en scène Dans le domaine de l'art en général, le XXème siècle se caractérise par des exigences formelles et un effort de structuration. L'avant-garde cinématographique des années vingt recherchait essentiellement une distribution organisée dans le temps et l'espace des objets et de la personne humaine souvent traitée comme des objets. Ces principes se trouvent réalisés dans les meilleurs burlesques. L'éjection irréprochable des Keystone cops (« flics ») se déversant en chapelet de leur panier à salade ou investissant un immeuble, l'échange méthodique et réparti des coups de pieds et des tartes à la crème dans Laurel et Hardy, les aller-retour planifiés de Keaton dans Cops ou Le mécano de la General, l'agencement méticuleux des chutes et des rebondissements s'enchaînant pour conduire à un inévitable paroxysme, tous ces exemples attestent le sens de la forme burlesque. Ce sont autant les gags irrésistibles que les moments de pure beauté formelle qui sont caractéristiques de la forme burlesque. Les mêmes motifs se répètent, se compliquent par des procédés de chassés-croisés, révélant une utilisation de l'espace et de la profondeur de champ où les personnages se répartissent selon uploads/Litterature/ le-burlesque.pdf

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