Tous droits réservés © Département des littératures de l'Université Laval, 1980

Tous droits réservés © Département des littératures de l'Université Laval, 1980 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 07/01/2020 5:01 p.m. Études littéraires Le livre haïtien en diaspora : problèmes et perspectives Max Manigat La littérature haïtienne Volume 13, Number 2, août 1980 URI: https://id.erudit.org/iderudit/500519ar DOI: https://doi.org/10.7202/500519ar See table of contents Publisher(s) Département des littératures de l'Université Laval ISSN 0014-214X (print) 1708-9069 (digital) Explore this journal Cite this article Manigat, M. (1980). Le livre haïtien en diaspora : problèmes et perspectives. Études littéraires, 13 (2), 335–345. https://doi.org/10.7202/500519ar LE LIVRE HAÏTIEN EN DIASPORA : PROBLÈMES ET PERSPECTIVES max manigat Il s'avère de plus en plus que le centre de la production littéraire et scientifique haïtienne valable s'est déplacé de l'intérieur vers l'extérieur (voir Tableau n° 1).Quelles en sont les raisons? Georges Anglade nous apprend que la population haïtienne en 1975 approchait les 6 millions d'habitants, dont «une diaspora de 1 million d'émigrés et de descendants d'émigrés» (Anglade 1977, p. 53). Ce phénomène qui va en s'exacerbant ces derniers temps est le résultat d'une situation politique et sociale si bien connue qu'il serait superflu d'en faire état, ici. L'émigration haïtienne qui fait la une des journaux, ces jours- ci, les «boat-people» de la Floride, est plutôt récente. Com­ posée en majeure partie de paysans et de prolétaires des villes côtières d'Haïti, elle prive le pays d'hommes et de femmes décidés à combattre pour la survie mais qui ont opté pour la fuite en avant. Partir n'est plus « mourir un peu »... c'est vivre... Il n'en a pas toujours été ainsi. Dans les années 1960, la première vague d'émigration majeure comprenait surtout des intellectuels, des professionnels et des techniciens1. Des 300000 Haïtiens vivant en Amérique du Nord, plus du quart a atteint un niveau de scolarisation dépassant le cycle primaire. Contraste frappant avec la réalité nationale où le pourcentage est de beaucoup inférieur. Ajouter à ceci que des milliers de diplômés haïtiens fuyant la répression ont dû chercher du travail hors du pays. On en arrive à une situation où la majorité des Haïtiens de quelque valeur, dans n'importe quel domaine, mais surtout dans le domaine littéraire, vivent, ou ont vécu les années terribles du duvaliérisme, en dehors du pays. Qu'il s'agisse de J.S. Alexis, de R. Dépestre, de F. Fou- ché, d'A. Phelps, de L.F. Manigat, de R. Dorsinville, de F.M. Leroy, de J.F. Brierre, la règle demeure inchangée : le silence ou l'exil. Tous ils ont choisi l'exil, et dans le cas de Jacques S. Alexis le retour à la tête d'un commando et la mort. ÉTUDES LITTÉRAIRES — AOÛT 1980 336 Voici donc un pays qui n'a jamais brillé par le nombre de ses producteurs littéraires saigné à blanc par le départ de ses filles et de ses fils les plus doués fuyant l'intolérable condition décrite par le poète : ô mon Pays si triste est la saison Qu'il est venu le temps de se parler par signes (Anthony Phelps, Mon pays que voici, p. 34) Installés à l'extérieur : États-Unis, Canada, France, Belgique, Mexique, Venezuela, Puerto-Rico, Sénégal, etc., ils demeurent des poètes, essayistes, politicologues, romanciers haïtiens loin de la terre natale. Pour qui écrivent-ils? Comment arrivent-ils à se faire publier? Qui lit leurs oeuvres? Quel est leur rayonnement international ? Voilà des questions auxquelles cet article prétend apporter des réponses. □ □ □ Pour qui écrivent-ils? Ici, deux soucis constants : rester Haïtien et se faire entendre du monde. Des aînés aux plus jeunes, soit qu'ils chantent leur pays et ses souffrances soit qu'ils dénoncent les fossoyeurs de la patrie ou entonnent l'hymne au soleil nouveau, quelle que soit la nationalité que les circonstances les ont forcés à accepter, et quelle que soit la langue qu'ils empruntent pour écrire, Haïti demeure toile de fond et préoccupation première. Obligés, quelques fois, d'adapter l'expression nationale aux impératifs de la diffusion sur le marché international, ils s'escriment à «galliciser» certains haïtianismes. C'est ainsi qu'on rencontrera sous la plume de J.S. Alexis «télégueule» au lieu du mot créole «télédiôl». Mais un retour en force au plus pur haïtianisme s'amorce, actuellement, avec Gérard Etienne dans Le Nègre crucifié, Un Ambassadeur macoute à Montréal, et même René Dépestre dans Le Mât de cocagne. La présence de milliers d'Haïtiens vivant en diaspora rend la compréhension de ces haïtianismes facile pour qui s'intéresse vraiment à la littérature nationale d'Haïti. Certains travaux comme celui de Tatiana Pétrova2 et l'opuscule d'Antoine G. Petit3 contribuent à faire mieux connaître ce maître écrivain haïtien qu'est Jacques Roumain. LE LIVRE HAÏTIEN EN DIASPORA... 337 J'avançais tout à l'heure que la préoccupation première de l'écrivain haïtien en diaspora était de rester collé à son pays natal. Il le désire si fort que la forme, la langue, le sujet de ses oeuvres en témoignent avec éloquence. Même quand Roger Dorsinville écrit son expérience africaine, il le fait en «nèg d'Ayiti» avec la verve et le talent qu'on retrouve dans son Toussaint-Louverture. Diacoute 2 et Kasamansa de Félix Morisseau-Leroy se veulent des chants d'Afrique-Guinée qui n'ont jamais cessé d'être haïtiens tant est intime cette con- fusion qui permet aux vibrations de la partie de secouer le tout. Mais ce besoin, je dirais viscéral, de parler en Haïtien «conséquent» n'empêche nullement nos écrivains, nos publi- cistes, nos politicologues de se faire entendre de leurs milieux d'accueil. Utilisant de plus en plus la langue du pays-hôte, ils écrivent, maintenant, directement en espagnol ou en anglais quitte à se faire traduire à l'intention du public haïtien. Atteindre la communauté internationale et parler aux siens, tels sont, à mon sens, les buts visés par les écrivains haïtiens de la diaspora. D D D Comment arriver à se faire publier pour atteindre ces buts ? Question épineuse hier au pays, aujourd'hui à l'extérieur. Venant d'un milieu où les maisons d'édition dignes de ce nom n'existaient pas jusque dans les années 1970, les écrivains haïtiens ont toujours eu l'expérience de la publication à compte d'auteur. À part les grands noms de la littérature haïtienne : Roumain, Alexis, Dépestre, Dorsinville, Marie Chauvet, L.F. Manigat, A. Phelps et quelques autres, l'édition internationale n'a jamais choyé l'écrivain haïtien. On le comprend bien. L'émigration d'une notable partie de l'intellectualité haïtienne commencée dans les années 60 allait changer ces données. Nombreux seront les écrivains haïtiens à voir leurs manuscrits acceptés par des maisons d'éditions du Canada, de Cuba, des États-Unis, de France, du Mexique et du Sénégal. Les publications à compte d'auteur continuent mais se font de plus en plus rares avec l'augmentation drastique du coût de production du livre. Au cours de ces dix dernières ÉTUDES LITTÉRAIRES - AOÛT 1980 338 années (1971-1979) on peut parler de maisons d'édition étrangères se spécialisant dans le livre haïtien. Il s'agit au Canada des Éditions Leméac (une quinzaine de titres), des Éditions Naaman (une vingtaine de titres), des Presses de l'Université du Québec, des Presses de l'Université de Mont- réal. À Cuba, de Casa de las Americas (une dizaine de titres). En France, de Présence Africaine (une dizaine de titres), de L'Harmattan (une dizaine de titres). Au Mexique, de SigloXXI et de VU.N.A.M. Au Sénégal, des Nouvelles Éditions Afri- caines, dont le directeur littéraire est M. Roger Dorsinville. Aux États-Unis la liste est longue de maisons d'éditions qui publient les travaux de «scholars» américains sur Haïti. Les adresses de la plupart de ces maisons d'édition sont fournies en annexe. Par ailleurs, des Haïtiens en Amérique du Nord ont fait plusieurs tentatives dans le domaine de l'édition. Avec plus ou moins de succès. La plus ancienne maison d'édition haïtienne à l'extérieur, Nouvelle Optique, dirigée par M. Herard Jadotte, tient le coup depuis près de dix ans malgré des difficultés de toutes sortes. Elle a déjà publié une vingtaine de titres. Connaissance d'Haïti (New York) qui groupait des intel- lectuels et artistes haïtiens vivant aux États-Unis et au Canada n'a pas fait long feu. Cette société anonyme a dû être liquidée après publication de quatre brochures. Depuis 1973, le groupe Collectif Paroles s'est lancé avec succès dans l'édition. Il a déjà publié cinq titres dont l'un 1946-1976: Trente ans de pouvoir noir en Haïti peut être considéré comme un «best- seller». La première édition est épuisée et une réédition est à l'étude. À noter que ce livre n'a jamais pu se vendre en Haïti. Devant tenir compte des impératifs du marché, du nombre restreint de lecteurs haïtiens, des considérations budgétaires qui rendent d'onéreuses campagnes publicitaires impossibles, de la difficulté d'introduire le livre haïtien sur les marchés africain, caraïbe, français et latino-américain, même ces maisons d'édition spécialisées dans le livre haïtien adoptent une attitude de prudence bien compréhensible. Où trouver des débouchés pour le livre haïtien publié à l'extérieur uploads/Litterature/ le-livre-haitien-en-diaspora-problemes-et-perspectives-max-manigat.pdf

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