Baldassare Galuppi Le Monde à l’envers Akadêmia Françoise Lasserre Vendredi 15

Baldassare Galuppi Le Monde à l’envers Akadêmia Françoise Lasserre Vendredi 15 février 2019 – 20h30 SALLE DES CONCERTS – CITÉ DE LA MUSIQUE Vous avez la possibilité de consulter les programmes de salle en ligne, 5 jours avant chaque concert, à l’adresse suivante : www.philharmoniedeparis.fr Concert enregistré par France Musique PROGRAMME Baldassare Galuppi Le Monde à l’envers Sur un livret de Carlo Goldoni Acte I Acte II ENTRACTE Acte II (suite et fin) Acte III Akadêmia Chœur de l’Opéra Grand Avignon Françoise Lasserre, direction Marie Perbost, soprano (Tullia) Dagmar Šašková, mezzo-soprano (Aurora) Alice Habellion, contralto (Cintia) Armelle Marq, soprano (Rinaldino) Olivier Bergeron, baryton (Graziosino) David Witczak, baryton (Giacinto) João Pedro Coelho Cabral, ténor (Ferramonte) Vincent Tavernier, mise en scène Claire Niquet, scénographie Erick Plaza-Cochet, costumes Carlos Perez, lumières Marie-Louise Duthoit, assistante à la mise en scène Ce concert est surtitré. FIN DU CONCERT VERS 23H50. 4 Baldassare Galuppi (1706-1785) Il mondo alla roversa o sia Le donne che comandano [Le Monde à l’envers ou Que les femmes commandent] Drame burlesque (dramma bernesco) en trois actes composé sur un livret de Carlo Goldoni sous le pseudonyme de Polisseno Fegeio. Création : le 29 janvier 1750, au Teatro San Cassiano de Venise, dans des décors de Domenico Mauro, avec Angela Conti dite la Taccarini (Rinaldino), Agata Sani (Tullia), Serafina Penni (Cintia), Annunciata Manzi (Aurora), Girolamo Piani, virtuoso della Real Capella di Napoli (Giacinto), Giovanni Leonardi (Graziosino) et Anastasio Massa (Ferramonte). Effectifs : 7 solistes – chœur mixte – 2 hautbois, basson – 2 cors – clavecin – 8 violons, 3 altos, 2 violoncelles, contrebasse – timbales. Durée : première partie, environ 90 minutes ; seconde partie, environ 90 minutes. Si Carlo Goldoni (1707-1793) est aujourd’hui célèbre, c’est essentiellement pour avoir été, avec Carlo Gozzi, le plus important auteur dramatique du Settecento. Mais l’on oublie souvent que le créateur de La locandiera fut également un influent librettiste d’opéra, dont les vers ont été mis en musique par les plus grands musiciens de son temps : Vivaldi, Gluck, Haydn, Salieri, Traetta, Piccinni, Duni et surtout Baldassare Galuppi. Ce dernier, comme Goldoni, est d’origine vénitienne. Né sur l’île de Burano (d’où son surnom usuel d’Il Buranello), il commence sa carrière comme organiste dans diverses églises de la lagune avant d’intégrer la somptueuse chapelle de la basilique San Marco. Il y gravit tous les échelons hiérarchiques, de simple organiste jusqu’au prestigieux poste de maestro di capella, qu’il obtient en 1762. Par ailleurs, il dirige les musiques des deux ospedali (les Mendicanti et les Incurabili : deux institutions accueillant les orphelines et les filles illégitimes de la bonne société vénitienne), et mène simul- tanément une brillante carrière de compositeur dramatique, qui le fait acclamer tant dans la Sérénissime République qu’à Vienne, Berlin, Londres ou Saint-Pétersbourg. À Venise, dès 1740, Galuppi noue une fructueuse collaboration avec Goldoni. Ils créent ensemble pas moins de dix-huit opéras : deux opere serie, divers opere buffe et, surtout, d’inédites formes L’ŒUVRE 5 dramatiques de « demi-caractère » comme Il mondo alla roversa, représenté pour la première fois le 29 janvier 1750 au Teatro San Cassiano, le plus ancien opéra de Venise (il a même été, à son ouverture en 1637, le premier théâtre lyrique et payant de l’histoire). Dénommé dramma giocoso, cet opéra d’un nouveau genre révèle la profonde mutation du goût musical et théâtral au Siècle des Lumières (Mozart et Da Ponte reprendront en 1787 cette désignation pour leur Don Giovanni). Goldoni, qui considérait le dramma per musica comme un « genre imparfait », a entrepris, dans ses « drames joyeux », une véritable réforme mélodramatique du genre bouffe, comparable à celle que Gluck et son librettiste Calzabigi ont réalisée dans le genre sérieux. Le poète a une conscience aiguë des liens particuliers qui doivent unir musique et livret, comme il le rappelle dans ses Mémoires, publiées à Paris en 1787 : « L’Auteur des paroles doit fournir au Musicien les différentes nuances qui forment le clair-obscur de la musique, et prendre garde que deux airs pathétiques ne se succèdent pas ; il faut partager, avec les mêmes précautions, les airs de bravoure, les airs d’action, les airs de demi-caractère, et les menuets et les rondeaux. » Le librettiste a surtout reconsidéré ses personnages d’opéra, leur insuf- flant une plus grande profondeur psychologique mais aussi une nouvelle conscience sociale. En témoigne Il mondo alla roversa : sous l’apparence d’une fable utopique mêlant intrigues galantes et satire souriante, paré par Galuppi d’une musique séduisante aux riches développements concer- tants, le livret de Goldoni introduit une véritable critique sociétale (sur la hiérarchie des sexes et des classes) mais aussi politique (sur l’exercice des pouvoirs), aussi visionnaire que réjouissante. Denis Morrier 6 Synopsis Acte I Les trois protagonistes féminines font une démonstration de pouvoir sur leurs amants-esclaves. Mais elles commencent à douter de leur capacité à maintenir cette dominance encore longtemps. Malgré leur aptitude à manier alternativement autorité et douceur, elles craignent une rébellion du sexe fort. Chacune a sa recette : Tullia adopte une démarche tout en bienveillance, Aurora maintient son amant dans ses rets, Cintia est adepte de la méthode autoritaire. Mais dans ce monde « idéal », la jalousie apparaît quand Aurora tente de mettre la main sur l’Adonis de Cintia… Acte II Le concile des femmes est réuni. Tullia met en garde ses compagnes contre les périls que pourraient constituer une excessive tyrannie, l’infi- délité et la jalousie. Pour lutter contre leur possible affaiblissement, elle propose de modifier le gouvernement et d’opter pour une monarchie qui établira une règle commune. Toutes opinent, à ceci près que chacune se voit sur le trône ! On vote, mais aucune ne sort gagnante : aucune femme n’accepte d’être soumise à une autre. Dorénavant, elles passent à la manière forte pour s’emparer du pouvoir grâce à la complicité des sujets masculins. Mais voici qu’un bateau accoste, et avec lui un rebelle, Ferramonte, qui s’empresse d’apprendre à tous le danger qu’il y a à devenir sujets des femmes… Et effectivement, Cintia arme son amou- reux pour tuer cent femmes… mais devant Aurora, il bat retraite. Aurora tente de dresser son amant au combat, mais celui-ci avoue sa couardise. Acte III Conseillés par le machiste Ferramonte, les trois hommes renversent la tendance et obligent les femmes à se soumettre, ce qu’elles font volon- tiers, prouvant la sincérité de leur amour. « Le donne che comandano è il mondo alla roversa che mai non durerà » (Les femmes aux commandes font un monde à l’envers qui est voué à l’échec). 7 La fantaisie pour maître mot Il faut se méfier du texte de Goldoni « déshabillé » de la musique de Galuppi. Plutôt qu’une utopie savante (et un peu froide) à la manière de Marivaux – on pense évidemment à La Colonie ou à L’Île des esclaves –, Il mondo alla roversa est essentiellement une comédie, voire une farce – Goldoni qualifie son œuvre de « burlesque » –, où hommes et femmes sont également épinglés. Il serait en effet surprenant que l’auteur de La Veuve rusée (1748) ou de La locandiera (1753), comédies quasi contemporaines du Mondo alla roversa, soit soudain devenu le porte-parole de ces « Rustres » qu’il ridiculisera magistralement en 1760. Goldoni l’explique lui-même : « Lorsque j’écris pour la musique, la dernière chose dont je me préoc- cupe, c’est de mon point de vue. Je me soucie des interprètes ; je me soucie – beaucoup – du compositeur ; et je me soucie de ce qui est susceptible de plaire au public dans la salle ! » Avec son opéra bouffe, Goldoni se propose donc d’abord de déclencher le fou rire des spectateurs, et surtout d’offrir à Galuppi un scénario plein « d’effets », des personnages aux caractéristiques surprenantes et des situations propices à la mise en musique. C’est précisément à l’écoute de la partition que se manifeste le carac- tère allègre, loufoque et truculent de l’œuvre. Surtout, surtout, donc, ne nous hâtons pas trop d’extraire une forte morale de la farce – ce qui ne veut pas dire que cette « extravagance » ne contient pas quelques saines leçons pour chacun des deux sexes… Voilà donc la difficulté : trouver le registre exact dans lequel l’ouvrage résonnera avec justesse. Puisque la fantaisie semble le maître mot du Mondo alla roverso, renversons à notre tour la réalité du monde, et donnons-nous les moyens de parcourir « cul par-dessus tête » cette mystérieuse île des antipodes où Goldoni et Galuppi placent leur action. Rêvons. Que toute cette histoire invraisemblable soit le rêve (ou le cauchemar !) d’un des personnages de l’intrigue, que l’on verra dès 8 l’ouverture, après s’être endormi tranquillement auprès de son conjoint, prendre le large sur un lit devenu bateau, pour aborder aux rivages de l’empire des Femmes… Un point reste cependant à résoudre : sera-ce le songe de l’épouse – ou de l’époux ? Et au réveil, que décidera-t-elle (il) de faire ? Vincent Tavernier L’édition de la partition a été réalisée par Michele Geremia – Coproduction Akadêmia, Opéra uploads/Litterature/ le-monde-a-l-x27-envers.pdf

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