le livre et le rouleau Le Rouleau d’Ézéchiel Traduction annotée et présentée pa

le livre et le rouleau Le Rouleau d’Ézéchiel Traduction annotée et présentée par Frans De Haes Frans DE HAES Le rouleau d’Ézéchiel Nouvelle traduction annotée avec une étude préliminaire © 2019 Éditions jésuites, 7, rue Blondeau, 5000 Namur (Belgique) 14, rue d’Assas, 75006 Paris (France) www.editionsjesuites.com ISBN : 978-2-87299-365-9 D 2019/4255/12 Le livre et le rouleau, 54 Une collection dirigée par Didier Luciani et Jean-Pierre Sonnet s.j. Du même auteur Chez Lessius Le rouleau des Douze. Prophètes d’Israël et de Juda, 2012. Chez Gallimard Poésie hébraïque du ive au xviiie siècle, 1992. Chez AML/Luc Pire Les pas de la voyageuse. Dominique Rolin, 2008. À Elena Di Pede pour son aide amicale et efficace Aleph ’ Beth b Guimel g (guttural) Daleth d Hé h (fortement aspiré) Waw v Zaïn z Ĥeth ĥ (comme la jota espagnole) Thet th Yod y Kaph k ou kh (comme la jota espagnole) Lamed l Mèm m Nun n Samèkh s Aïn ‘ Pèh p ou ph Tsadè ts Qoph q Resh r Shin sh (Sin s) Taw t Remarque — La voyelle u se prononce toujours ou. TRANSLITTÉRATION DE L’HÉBREU BHS Biblia Hebraica Stuttgartensia (Deutsche Bibelgesellschaft) TM Texte massorétique LXX Version grecque des Septante KJV King James Version NBS Nouvelle Bible Segond TOB Traduction œcuménique de la Bible BZA Beihefte zur Zeitschrift für Alttestamentische Wissenschaft VT Vetus Testamentum SBL Society for Biblical Literature ABRÉVIATIONS Une figure et un style singuliers Des trois grands prophètes hébreux, Ézéchiel est sans conteste le plus étrange, sinon le plus désarçonnant. D’abord par son style ample et riche qui ne recule guère devant la répétition ou la redondance. Viennent ensuite ses nombreuses visions, celles notamment de la « gloire » de Yhwh, de la profanation du temple par les idolâtres, de la résurrection des ossements desséchés ou de la guerre menée par Dieu contre les monstrueuses armées de Gog, prince suprême des nations qui veut en finir avec l’Israël nouveau. Ces visions s’avèrent à la fois très élaborées, construites avec soin, mais aussi, lorsqu’il s’agit de la gloire divine, « déconstruites » dès l’abord : ce sont des simulacres, des «formes» ou des «apparences» nous dit alors le pro- phète, transcendées par la présence et la parole qui s’y manifestent. Déconcertantes aussi sont certaines paraboles, nourries de méta- phores riches, glissant les unes dans les autres comme les roues des chérubins qui portent le trône de Yhwh. Ajoutons-y le goût pro- noncé du prophète pour les détails (commerciaux quand il s’agit d’évoquer l’opulence des exportations de Tyr ou architecturaux dans la description du nouveau temple). Çà et là surprennent la brutalité du propos, la cruauté des mises en scène, mais également le bouleversement que le même prophète Préliminaire ÉZÉCHIEL PROPHÈTE, PRÊTRE ET LÉGISLATEUR OUVRIR LE ROULEAU 10 Préliminaire provoque dans les habitudes, dans certaines traditions ancestrales, figées dans des lois doublées de dictons ou de proverbes : c’est Ézé- chiel qui dénonce ainsi l’ancienne justice « distributive » (elle faisait peser la culpabilité d’une génération sur l’autre), afin de promou- voir la pleine responsabilité individuelle ; c’est encore lui qui fait entendre une miséricorde trouant comme une soudaine éclaircie la rigueur des jugements, lorsqu’un Dieu ému s’exclame : « Dési- rerais-je, désirerais-je la mort du méchant ? », ou lorsque le même Yhwh s’apitoie sur la nouvelle-née abandonnée dans le désert (image de Jérusalem qui deviendra sa femme, mais le trahira), en lui criant « dans ton sang, sois vivante ! » N’oublions pas enfin la position contrastée du prophète, non seu- lement par rapport au peuple, mais aussi face à Yhwh lui-même, position qui change du tout au tout au cours du livre: à l’humiliation de l’exilé, à son abjection, à l’inutilité de ses remontrances, à son mutisme forcé, à son deuil interdit lors du décès de sa femme, à la moquerie dont il est l’objet et à son impuissance apparente, succè- dent la stature et l’autorité d’un autre Moïse qui s’apprête à guider le peuple dans un deuxième exode, celui des exilés quittant la Baby- lonie pour une Jérusalem, une alliance et un temple nouveaux. Ce sont en réalité toutes ces tensions qui animent les registres variés et surprenants du langage ézéchelien ; aussi son baroquisme ne semble-t-il pas étranger à ce qu’exigeait naguère Franz Kafka, pour qui il était impérieux d’« agiter de fond en comble le flux du discours, toujours trop inerte pour le tempérament juif1». Peut- être l’auteur du Château désignait-il dans cette proposition le point où le divin électrise la parole humaine pour la réveiller et l’habiter. Il est vrai aussi qu’au cours d’une tout autre méditation sur la ques- tion de la langue et du style sacrés, Edith Stein, de son côté, enten- dait Dieu « accorder son langage à celui des hommes pour nous rendre l’incompréhensible moins obscur2». Ce faisant, Kafka et Stein ne répondaient-ils pas, chacun sur son versant, à l’ancienne réflexion de Grégoire le Grand à propos de la vision inaugurale Franz Kafka, Journal, Paris, Grasset, 1954, p. 215. 1. Edith Stein, La puissance de la Croix, éd. Waltraud Herbstrith, Nouvelle 2. Cité, Montrouge, 1982, p. 64. d’Ézéchiel : « … une bouche d’homme, pertuis de chair, est toujours étroite pour l’esprit ; et quand il essaie d’épuiser l’immensité qui s’offre à sa vue, le langage multiplie ses expressions3? » L’histoire d’Israël et de Juda Ne négligeons pas pour autant le fait que le rouleau ou livre prophétique surgit et s’élabore au cœur de l’histoire concrète et mouvementée d’Israël et de Juda. C’est dans le deuxième Livre des Rois et dans la deuxième partie des Chroniques que la Bible retrace l’arrière-fond historique de ce que le livre d’Ézéchiel mettra symboliquement en scène. Un bref rappel : en 721 av. J.-C., le royaume du Nord (Israël) dis- paraît après la destruction de sa capitale Samarie par les troupes assyriennes. Vingt ans plus tard, celles-ci envahissent la Philistie et menacent Jérusalem, capitale de Juda, le royaume du Sud. Mais bientôt mis en difficulté dans son propre pays, Sennachérib, roi des Assyriens, doit lever le siège. L’épisode est évoqué de manière très vive dans le livre d’Isaïe (chap. 36 – 38), présenté comme un véri- table miracle et ponctué par les échanges dramatiques entre le grand prophète et le roi Ézéchias. Le fils de ce dernier s’appelle Manassé, souverain qui s’abîme dans la plus grave idolâtrie durant son très long règne : « Il rebâtit les hauts lieux qu’Ézéchias, son père, avait démolis […]. Il bâtit des autels pour toute l’armée des cieux dans les deux cours de la maison de Yhwh. Il fit passer ses fils par le feu dans la vallée de Ben-Hinnom ; il pratiqua incantation, magie et sorcellerie. Il établit des nécromanciens et des devins » (2 Chro- niques 33, 3-6). Toutes « abominations » (to‘ebot) qu’à de multiples reprises le livre d’Ézéchiel rappellera (e.a. dans le chap. 8) et qu’il désignera comme cause profonde de la rupture d’alliance entre Yhwh et son peuple, et de la destruction de Jérusalem, inéluctable 11 Ézéchiel prophète, prêtre et législateur Grégoire le Grand, Homélies sur Ézéchiel, Texte latin, introduction, tra- 3. duction et notes par Charles Morel s.j., vol. 1, Cerf, coll. Sources chrétiennes 327, Paris, 1986, p. 283. En lecture partielle… Leslie C.Allen, Ezekiel 1-19/Ezekiel 20-40, Word Books Publisher, coll. World Biblical Commentary 28-29, Dallas (TX), 1986 et 1990. Michael E. Stone, Benjamin G. Wright et David Satran (éd.), The Apo- cryphal Ezekiel, Society of Biblical Literature, coll. Early Judaism and its Literature 18, Atlanta (GA), 2000. Jean-Marie Assurmendi, « Ézéchiel », dans Cahiers Évangile 38 (1981). (Numéro entièrement consacré au livre du prophète.) Ehud Ben Zvi, A Historical-Critical Study of the Book of Zephania, W. de Gruyter, coll. BZAW 198, Berlin/New York, 1996. —, Signs of Jonah : Reading and Rereading in Ancient Yehud, Sheffield Acade- mic Press/Continuum, Sheffield, 2003. Jan Fokkelman et Wim Weren (ed.), De Bijbel literair. Opbouw en gedach- tengang van de bijbelse geschriften en hun onderlinge relaties, Meinema/ Pelckmans, Zoetermeer/ Kapellen, 2003. Daniel I. Block, By the River Chebar. Historical, Literary and Theological Stu- dies in the Book of Ezekiel, Wipf & Stock Publishers, Eugene (OR), 2013. —, Beyond the River Chebar. Studies in Kingship and Eschatology in the Book of Ezekiel, James Clarke & Co, Cambridge (GB), 2014. Pier Cesare Bori, L’interprétation infinie, l’herméneutique chrétienne ancienne et ses transformations, trad. de l’italien par F. Vial, Cerf, Paris, 1991. Nicolas Bossu, Une Prophétie au fil de la tradition. L’oracle des ossements des- séchés (Éz. 37, 1-14) et ses relectures chrétiennes, entre herméneutique et théologie, J. Gabalda & Cie, coll. Études bibliques, nouvelle série 69, Pendé, 2015. OUVRAGES CONSULTÉS 300 Ouvrages consultés Martin Buber, La Foi des prophètes, trad. de l’allemand par Marie-Béatrice Jehl, Albin Michel, Paris, 2003. Paul Claudel, Le Poëte et la Bible, 2 vol., Gallimard, Paris, 1998. Frans De Haes, Le Rouleau des Douze. Prophètes d’Israël et de Juda, Lessius, coll. Le livre et le rouleau 39, Bruxelles, 2012. Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Brepols, Turnhout, 2002, 3e éd. revue et augmentée,. Robert uploads/Litterature/ le-rouleau-d-x27-ezechiel-traduction-annotee-et-presentee-par-frans-de-haes.pdf

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