IPHIGÉNIE TRAGEDIE LECLERC Michel 1675 Publié par Gwénola, Ernest et Paul Fièvr

IPHIGÉNIE TRAGEDIE LECLERC Michel 1675 Publié par Gwénola, Ernest et Paul Fièvre, Février 2016 - 1 - - 2 - IPHIGÉNIE TRAGEDIE Par M. LECLERC [À PARIS, Chez la Veuve PISSOT] M. DC. LXXV. Avec Approbation et Privilège du Roi. - 3 - Préface. J'avouerai de bonne foi, que quand j'entrepris de traiter le sujet d'Iphignéie en Aulide, je crus que Monsieur Racine avait choisi celui de L'Iphigénie dans la Tauride qui n'est pas moins beau que le premier. Ainsi le hasard seul a fait que nous nous sommes rencontrés, comme il arriva à Monsieur de Corneille et à lui dans les deux Bérénices. Son Iphigénie a eu tout le succès qu'il pouvait souhaiter, et sans doute elle a des grandes beautés, mais bien qu'elle ait eu l'avantage de la nouveauté, et qu'elle eut ce semble épuisé tous les applaudissements, celle-ci néanmoins qui a été représentée longtemps après la sienne, et qu'on a voulu étouffer a été assez heureuse pour trouver des partisans : c'est ce qui fait, que bien loin de la désavouer, je le donne au public qui ne sera peut-être pas fâché de la comparaison de toutes les deux. On remarquera aisément que nous avons pris des routes toutes différentes, quoique nous ayons traité le même sujet. M. Racine a suivi Euripide où je l'ai quitté et il l'a quitté où je l'ai suivi. Il peut avoir eu ses raisons comme j'ai eu les miennes. Il a cru que le sacrifice de la véritable Iphigénie donnerait de l'horreur, et il n'a fait qu'exciter la compassion et arracher des larmes. Il a trouvé que le sujet était trop nu s'il ne donnait une rivale à Iphigénie, et il m'a paru que les irrésolutions d'une père combattu par les sentiments de la Nature et par le devoir d'un chef d'armée qui exigeait le sang d'une fille qui lui était si chère : Que le désespoir d'une mère qui apprend qu'elle l'a conduite au sacrifice, lorsqu'elle s'attendait à la voir l'épouse du plus fameux héros de la Grèce ; Que la constance de cette fille qui s'offre si généreusement à être la victime des grecs quelque secrète joie qu'elle ressenti à se voir aimé d'Achille : Enfin que la juste colère de cet amant de qui le nom avait servi pour la conduite de la mort. J'ai jugé, dis-je que toutes ces choses suffisaient pour attacher et remplir l'esprit de l'auditeur pendant cinq actes, et pour y produire cette terreur et cette pitié si essentielles à la tragédie, sans qu'il fut besoin d'y joindre des intrigues d'amour et des jalousies hors d'oeuvre, qui n'auraient fait que rompre le fil de l'action principale, dont la véritable beauté consiste dans la simplification et dans l'union des parties qui la composent. Agamemnon se résout ici à mourir plutôt, et à perdre le commandement de l'armée, qu'à livrer sa fille, et je rends Ulysse, conformément à son caractère et à ce que Dictys de Crète nous en a laissé dans dans son Histoire de la Guerre de Troie, l'auteur du piège qui est tendue à cette princesse infortunée. En cela je quitte Euripide qu'il a suivi, mais je n'ai pas sujet de m'en repentir, puisque c'est de cet incident que naissent ensuite naturellement toutes les surprises de la mère et de la fille, du père et de l'amant qui se trouvent également trompés. Euripide non plus que M. Racine n'a point dit que le sujet de la colère de Diane, la Fable l'impute à Agamemenon pour avoir tué une - 4 - biche que cette déesse chérissait, il m'a semblé qu'elle aurait paru trop cruelle, de vouloir pour une faute si légère faire périr une innocente. Et quand j'ai feint que Clytemnestre lui avait consacré sa fille dès le berceau, et qu'elle avait violé ce voeu pour satisfaire à son ambition, j'ai cru donner à sa colère un prétexte plus raisonnable. Enfin j'ai conservé avec Euripide une catastrophe généralement reçue et que M. Racine traite d'absurde dans sa préface sans songer qu'il offense Euripide à qui il a tant d'obligation. Elle n'a pourtant choqué personne, et dans la représentation on a senti de la joie de voir cette princesse innocente sauvée par le secours de cette même Diane qui avait demandé sa mort. Cet événement n'est pas plus incroyable que l'Oracle de Calchas. Et pour me servir des propres armes de M. Corneille dans la beau discours qu'il nous a donné de la tragédie. Cette première supposition faire qu'il est des Dieux et qu'ils ont quelque commerce avec les hommes, à quoi l'auditeur vient tout résolu quand le titre du poème ne l'y a préparé, il n'a aucune difficulté à se persuader le reste. Il suffit que nous n'inventions pas ce qui de foi n'est pas tout à fait vraisemblable, et qu'étant inventé de longue main il soit tellement connu de l'auditeur qu'il ne s'effarouche point à le voir sur la scène. Autrement on ne pourrait plus souffrir ni les Oedipes ni les Andromède, ni les Médées ni les Alcestes et les autres tragédies de cette nature. C'est encore une maxime établie, qu'il n'est pas permis de changer l'action principale des sujets reçus de la Fable, non plus que de ceux qui sont tirés des Histoires absolument connues, et nous ne sommes véritablement maître que des incidents que l'auditeur croit aisément, qu'and il voir qu'ils conduisent à ce qu'il sait être véritable et dont la Fable et l'Histoire lui ont laissé une forte impression. En faisant une préface je ne veux pas m'engager insensiblement dans une dissertation, et je laisse au lecteur à faire ses réflexions sur tout le reste de l'ouvrage. Je lui dirai seulement comme je ne suis pas d'humeur à m'enrichir du bien d'autrui, qu'il y a dans tout le corps de cette tragédie environ une centaine de vers épars çà et là que je doit à Monsieur Coras, et que j'ai choisis parmi quelques autres qu'il avait faits en quelques scènes, dont je lui avait communiqué le dessein. C'est ce qui a fait croire à celui qui nous a donné des remarques sur les deux Iphigénies et à quelques autres, qu'il était l'auteur de l'ouvrage, je lui céderais volontiers toute le gloire, qu'on pourrait en espérer, si je ne croyais la devoir au changement que j'ai apporté par l'avis des personnes éclairées, et pour qui j'ai toute sorte de déférence. - 5 - ACTEURS. AGAMEMNON, Chef des Grecs. MÉNÉLAS, Frère d'Agamemnon. ACHILLE. ULYSSE. ORONTE, confident d'Agamemnon. CLYTEMNESTRE, Femme d'Agamemnon IPHIGÉNIE, fille d'Agamemnon. CLYTIE. PHÉNICE. La scène est dans le camp d'Aulide sur les bords de la Mer, auprès de la tente d'Agamamnon. - 6 - ACTE I SCÈNE I. Agamemnon, Oronte. ORONTE. Quoi Seigneur, voulez-vous sans cesse soupirer ? AGAMEMNON. Hélas ! C'est bien assez de ne pas murmurer. Tu vois toujours les vents malgré leur inconstance, Dans ce funeste port obstinés au silence. 5 Ce calme plus cruel que les flots irrités, Tient avec nos vaisseaux nos desseins arrêtés. L'oisiveté forcée où la flotte est réduite, Fait gémir les héros qui sont sous ma conduite ; J'ai redoublé mes soins, et j'ai fait mille efforts 10 Pour donner un cours libre à leurs nobles transports, J'ai cru que mes voeux forçant cette barrière Pourraient aux grands exploits nous ouvrir la carrière, Mais j'ai perdu mes voeux, mes soins et mes travaux, Et ce n'est pas encor le plus grand de mes maux. ORONTE. 15 Quelle infortune est jointe à ce clame funeste, Où j'avais cru, Seigneur, que le courroux céleste Avait jusqu'à ce jour borné tous nos ennuis ? AGAMEMNON. Ah ! Que je suis à plaindre en l'état où je suis, Oronte, tu me vois le chef de tant de princes 20 Que la Grèce a choisis de toutes nos provinces, Un camp presque innombrable obéit à mes lois, Et marchant sur mes pas se règle par ma voix, Mais de tant de malheur cette gloire est suivie, Quelle devient fatales au repos de ma vie, 25 Et j'achète bien cher l'éclat de ce haut rang, Puisqu'il faut malgré moi le payer de mon sang. ORONTE. De votre sang, ô Dieu ! J'ai peine à vous entendre : Quel crime ou quel malheur vous force à la répandre ! - 7 - AGAMEMNON. Écoute. Quand les Grecs assemblés sur ces bords 30 M'eurent choisi pour chef de leur illustre corps, Cet emploi me fut cher, je l'acceptai sans peine Pour venger Ménélas du ravisseur d'Hélène, Je brûlais du désir d'achever ce dessein ; Mais hélas ! Qu'à moi-même il devient inhumain 35 Puisque par un revers funeste à ma famille Si je lui rends Hélène, il m'en coûte ma fille. ORONTE. Votre fille Seigneur ? AGAMEMNON. Oronte, apprends de moi Comment j'en ai reçu la tyrannique loi. Les grecs prêts à partir brûlaient d'impatience 40 D'aller faire sur Troie éclater leur vengeance, Lorsqu'un calme soudain répandu sur les eaux Dans ce triste rivage arrêta nos vaisseaux : Par mille et mille voeux contre cette infortune On brigua la uploads/Litterature/ leclerc-iphigenie.pdf

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