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Ico 2198 B18Z56 Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/lettresdejeunessOObloy J_-/ettres de J eune55e lucttres de J eunesse par Léon BLOY est le premier volume de la collection : YÉDITION ORIGINALE ILLUSTRÉE Il a été tiré de cet ouvrage, inédit en librairie : 76 exemplaires sur Japon National 126 sur Hollande Van Gelder et 1.000 sur Vélin parcheminé Lafuma Tous numérotés (Pour chaque papier la Justification commence au n° 1) Exemplaire dur VÉLIN PARCHEMINÉ LAFUMA iv^" 975 I CdUiof) C^rioioafc Illustrée Léon BLOY Lettres de«J eunesse (1870-18^3) Première édition rehaussée de vingt et un BOIS dessinés et gravés par Ch. BISSON EdouardJoseph LES LcUrCiKj c]u oilj m lire noiuv feronU' tnwcrda^ coniiiKLy à i'oL d'oiseau une vingtaine oanneetu de La i'ie ùe Léoiu Bloy. ElUéU noiuu initienU' aux rapportiU d'amitié qui exidtaienu^ entre lui et Georgeiu Landry. L'Amitié, Léoih> Bloy ne croyau^ jmiU à sa défectioiu, et quand il fallait^ se rendre à l'évi- dence, c'était de l'étonnemeni^, du déchiremeni^, de iindignation.'. DcéU caniaradcéU, il n en avaii^ juu^ parce qu il ne voulait^, ^puiu en avou^, il idjaii^ j>luii' haui^. LéoiLj Bloy eA mori^ entouré d'amiiU. Ldu amiiU étaienUj sa richctide, sa récompende. Ai-je bedoiiu de le dire ? Il a toujounu donné jyUuu qu 'd n a reçu, et, cependanu^, il avaii^ de vraiéU aniLu. AîaiéU qui donc, entre eux, pouvait^ lui donner'^ ce qu'il donnau^^ Iul- mZmc avec magnificences : de rhéroïjmcj> / Ces lettrcéU ont encore un autre uitérèuj. Ëllej datenu> de l'époque oii damu une chamhrc^^ de — 9 — la rue RoujjeUi^ se réiinufdaLeiii^, autoiif^ de Barbey d'Aurevilly ijueUjueiL' uitunei^.' ôoiii^ Léoiu Bloy et GeorgeéL' Landry. Leurj sUhouetteéU j'edejcùneni^ àaiid la j^énombre^:) du tenipj comincJ deux ténuuiii^> d'un j}at}dé qui nous échappe. Un dernlei^ irwL^ jwui^ fixer une unprejjuvi' cjui se dégage d£ la lecture de cette^ correspondance^) . De^J ménicJ) que le Désespéré est un lLirc:> unique daniu l'ctu^rcJ) de Léoii' Bloy, de même sej Lettres de Jeunesse ont un accenu^ particullei ^ qui rappelle:? ce roniaiij. Foui^ Icti caractérije/ ^ je ne trou\feJ> donc neiij de j)ludj exact que ceci : Ellej sonu^ de l'auteui^ du iJ es espéré. Jeanne Lréon JjLOY. Pari ans 1Q2 0. 10 — LETTRE I MON cher Georges, tu m'as attristé. J'espérais que les commencements te seraient moins rudes. Mais, crois-moi, cela ne durera pas. Il en est toujours ainsi dans les premiers moments de la vie de commu- nauté, que ce soit au collège, à l'armée, au séminaire, au couvent ou ailleurs. Il y a toujours inévitablement 8 ou 15 jours, quelquefois même un mois — cela dé- pend des natures — qu'il est extrêmement pénible, douloureux et abominable de traverser. Passé ce terme, la coutume qui est une seconde nature, comme le dit Pascal, vient cicatriser la plaie ouverte de l'en- nui et du dégoût, quelque profonde et saignante qu'elle soit. Pascal ajoute que cette seconde nature détruit la première. Je n'en crois rien. La première II subsiste toujours, mais la coutume est un rempart in- destructible que la Providence met entre nous et la Douleur qui finirait par nous dévorer. L'homme a besoin, je ne dis pas de solitude, mais d'isolement pour être soi, c'est-à-dire pour vivre, et dans Tœuvre de cette Providence que j'invoquais tout à l'heure cela éclate d'une manière tout à fait admi- rable, puisqu'elle a prononcé que l'homme vivrait au milieu de la foule de ses semblables et néanmoins au- rait cette faculté de s'accoutumer à les voir au point de ne les voir plus et d'être d'autant plus isolé qu'il vivrait moins dans la solitude. Je t'en prie, mon cher Georges, prends patience, fais ton petit soumets-toi et ne te lasses point d'obéir, que ton obéissance soit prompte, et du moins en appa- rence joyeuse. Efforce-toi d'être doux et obligeant pour tes camarades, surtout pour ceux-là qui te dé- goûtent le plus. Je te dis tout cela, quoique tu le sa- ches très bien, mais est-ce inutile? D'ailleurs, je te le dis de loin et j'ai cru remarquer que le poids d'un con- seil est pour les natures excellentes comme la tienne, en raison directe de la distance. En effet, — toute plaisanterie à part — nous ne vivons guère que dans le passé. Lorsqu'il y a quelque chose de bon en nous, c'est un lait que nous avons sucé lorsque nous étions encore tout petits. Aussi, quand même les premières années de la vie auraient été malheureuses, n'y a-t-il pas de plus rafraîchissante émotion que de les con- templer de loin. Il serait, je crois, utile d'y songer. En dehors de 12 — l'inspiration surnaturelle, toute bonne action volon- taire est l'écho d'un souvenir d'enfance. Eh bien, je suis lié à ces souvenirs du passé, qui sont la meilleure partie de toi-même, j'ai par là plus que tout autre, plus que toi peut-être le pouvoir de les évoquer, nous avons passé ensemble bien des jours pénibles mêlés de très peu d'heures agréables. Mais, crois-moi, ce furent tes premiers pas dans la vie, et quand même les plus étonnants bonheurs t'attendraient dans l'ave- nir tu ne trouveras jamais, je te le prédis, qu'ils en vaillent l'amertume. Ecris-moi souvent, je te répon- drai toujours et le plus promptement possible. C'est ce dont tu peux être certain. Ne te gêne jamais avec moi ; n'aie jamais peur de me fatiguer. Je suis un peu ton frère. Je ferai avec joie tout ce qui pourra t'être agréable, quoi que ce soit. Il m'est extrêmement pénible de te savoir aussi mal- heureux. Je ne sais que te dire, moi. Je voudrais te consoler un peu. Voyons, ne peux-tu donc pas, au fond de ton cœur de chrétien, par-dessous tous les dégoûts, trouver quelque chose de solide, quelque assiette de sérénité et de calme où tu puisses te met- tre à l'abri de ta propre révolte. Prends garde à toi, si la très raisonnable aversion que tu éprouves en ce moment pour tout ce qui t'entoure, ne se transforme pas par le miracle de l'habitude en une pure indiffé- rence, tu es perdu. Ce sera un mauvais sang tourné qui ne reviendra pas. La révolte sera en toi quelque chose de chronique et de malade, comme une excroissance à ton cœur. — 13 — Après tout, mon ami, rends-toi compte de ce que tu éprouves. Ton dégoût n'est-il pas tout physique. Tu es entouré d'hommes grossiers, incapables, du moins extérieurement, de délicatesse. Tu es délicat, et cela t'offense, je le conçois, mais cela ne doit pas monter plus haut que l'estomac, que Diable! Tu as dans l'esprit de nobles choses, tu as — et rien n'est plus rare — des Idées d'ordre général, tu as l'intelli- gence de textes difficiles, tu as un corps de doctrines admirable, tu as, pour te fortifier et t'isoler, des lectu- res rafraîchissantes qu'il t'est donné de pouvoir faire. Pourquoi donc serais-tu si malheureux, et comment les obscénités et les sottises de quelques goujats pour- raient-elles t'atteindre dans le splendide isolement de ta patience chrétienne et de ta foi. D'ailleurs, tu as des loisirs, n'est-ce pas ? Eh bien, ne tarde pas à faire ce que tu me dis. Va trouver un prêtre. Va à l'église et si tu vois quelque douce figure de prêtre, ouvre-toi à lui. Puisque tu as la foi catho- lique profites-en pour être heureux. Il se trouve que cette religion de souffrance donne des joies infinies, même ici-bas. Je ne sais, mon ami, si tu t'es jamais approché de la sainte Table avec ferveur. Il m'est permis d'en douter. Alors crois-moi, j'en sais quelque chose, c'est absolument divin. A ce moment-là tu ne sentiras guère les ennuis de ton état — que dis-je, ce seront pour toi de véritables plaisirs. Non, ce qui ne peut se raconter et tu t'en doutes bien, c'est cette inex- primable paix qui tombe comme un manteau céleste sur le cœur d'un pauvre être ainsi devenu par l'incon- — 14 — cevable mystère du sacrement le tabernacle vivant de son Dieu. 11 est impossible de le concevoir si on ne l'a pas éprouvé, et longtemps après, quand même on au- rait eu le malheur de perdre la foi, c'est un véritable ravissement que d'y songer. Tu as raison de lire — il faut lire beaucoup. — Tu peux même te borner à cela pendant longtemps. Je te le répète très sérieusement, à force de lectures, tu peux devenir un véritable savant et si le métier de soldat te donne des ennuis, il te donne aussi des loisirs, et surtout une certaine indépendance d'esprit que tu ne retrouveras pas ailleurs. Je veux dire que tu n'as pas le souci de gagner ta vie — cela est énorme. Quant à moi, je dévore le plus de livres que je peux, j'ai de terribles lectures à faire. Je voudrais pouvoir ne faire que cela. Mais je dois me résigner à aller lentement. Lorsqu'il m'arrivera quelque chose d'heureux sous le rapport intellectuel, tu seras un des uploads/Litterature/ leon-bloy-lettres-de-jeunesse.pdf

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