Langage et action: les actes de langage Linguistique française I Origines, stru
Langage et action: les actes de langage Linguistique française I Origines, structures et usages du français cours 10 6 décembre 2010 1 Introduction 2 Langage et communication Que faisons-nous lorsque nous communiquons avec le langage? Traditionnellement, la communication est décrite comme la transmission d’informations. Les locuteurs transmettraient donc de l’information. De quelle nature est cette information? La manière classique de définir l’information communiquée par le langage est de dire que l’information est descriptive. 3 Langage et description La signification verbale serait dans la perspective classique descriptive. Nos énoncés seraient donc des descriptions du monde. Exemples 1.Marie est la belle-soeur de Pierre. 2.Jean est heureux. 3.Marie a rencontré Jean à Paris. 4.Demain, Marie épouse Jean. Contre-exemples 5.Marie est plus jolie que Sophie. 6.Jean est un imbécile. 7.Qui Marie a-t-elle rencontré à Paris? 8. Jean, épouse Marie tout de suite! 4 La description des exemples Marie est la belle-soeur de Pierre Jean est heureux Marie a rencontré Jean à Paris Demain, Marie épouse Jean Être la belle-soeur de est la relation qui unit Marie et Pierre. Jean appartient à l’ensemble des individus qui sont heureux. La paire d’individus Marie et Jean fait partie de l’ensemble des paires d’individus qui se sont rencontrés à Paris. L’événement MARIE ÉPOUSE JEAN se produit un jour après le moment de la parole. La description des contre- exemple Marie est plus jolie que Sophie Jean est un imbécile Qui Marie a-t-elle rencontré à Paris? Jean, épouse Marie tout de suite! Le locuteur porte un jugement subjectif comparatif entre Marie et Sophie. Le locuteur ne décrit pas une relation d’appartenance: est IMBÉCILE celui qui est dit imbécile. Une question est une demande d’information: qui est le x que Marie a rencontré à Paris? L’impératif est ici un conseil et non une description d’un état futur. 6 Une première généralisation Certains types de phrases seulement sont non-descriptives. Les phrases interrogatives, les phrases impératives, les phrases exclamatives: Qu’est-ce que Marie est jolie! expression d’une attitude (admiration, fierté, etc.) Les phrases interrogatives demandent à vérifier une description. Les phrases impératives demandent qu’un état du monde soit le cas. Les phrases exclamatives expriment une attitude du locuteur. 7 Une difficulté Il existe des phrases déclaratives qui ne sont ni des descriptions ni l’expression d’un jugement subjectif du locuteur. Ces phrases ne décrivent pas une action, mais leur sens est la réalisation d’une action: 1. La séance est ouverte. 2. Je vous déclare mari et femme. 3. Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. 4. Vous êtes viré. 5. Je le jure. 6. Je te parie qu’il va perdre. 7. Je te promets de rentrer à 8 heures. 8 Une description Avec chacune de ces phrases, le locuteur réalise une action: 1. La séance est ouverte OUVRIR LA SÉANCE 2. Je vous déclare mari et femme MARIER UN COUPLE 3. Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-esprit BAPTISER UN ENFANT 4. Vous êtes viré LICENCIER UN EMPLOYÉ 5. Je le jure JURER 6. Je te parie qu’il va perdre PARIER 7. Je te promets de rentrer à 8 heures PROMETTRE Ces actions sont réalisées par l’énonciation de la phrase, i.e. par l’acte d’énoncer une phrase. 9 Une conséquence La langage est-il magique? Comment expliquer que nous pouvons FAIRE QUELQUE CHOSE EN DISANT QUELQUE CHOSE? Nous verrons que des conditions linguistiques bien précises doivent être satisfaites. Nous appellerons ces énoncés, à la suite des philosophes du langage, des énoncés performatifs. Les actes que ces énoncés réalisent seront appelés actes illocutionnaires. 10 1. Les débuts de la pragmatique: Austin 2. La théorie des actes de langage de Searle 11 1. Les débuts de la pragmatique (Austin) 12 Pourquoi la pragmatique? L’étude de la signification linguistique n’épuise pas l’étude du sens, ou de la compréhension des énoncés. La valeur sémantique d’une expression ou d’une phrase (dénotation) est l’un des aspects seulement de ce qui est communiqué par le locuteur. Les locuteurs communiquent plus que ce qu’ils disent. La compréhension de ce qu’ils font et de ce qu’ils veulent dire est la tâche principale de l’interlocuteur. La pragmatique est le domaine de l’étude de l’usage du langage qui a pour objet le vouloir-dire des locuteurs et les mécanismes de compréhension qui assurent la réussite de la communication. 13 les origines de la pragmatique Les origines de la pragmatique sont doubles et proviennent de la tradition philosophique oxonienne des années 1950 et 1960. Ses représentants les plus marquants sont John Austin et Paul Grice. La philosophie du langage oxonienne a été influencée par les philosophes de Cambridge de la première moitié du XXe siècle, Bertrand Russell et Ludwig Wittgenstein. 14 La philosophie du langage et la pragmatique Nous aborderons les approches de deux philosophes du langage qui ont joué un rôle fondamental dans la construction de la pragmatique contemporaine: John Austin (Oxford), qui a introduit le concept d’acte de langage. John Searle (Berkeley), son disciple, qui a développé et contribué à l’élaboration de la théorie des actes de langage. Nous avons vu, lors du cours 2, comment les locuteurs peuvent communiquer explicitement et implicitement. On doit au philosophe Paul Grice (Oxford, Berkeley) la théorie de la signification non naturelle(meaningNN) et celle de la logique de la conversation à l’origine de la pragmatique. 15 Austin et l’illusion descriptive La pragmatique est née dans les années 1950 suite aux travaux de John Austin. Austin met en cause l’un des fondements de la philosophie analytique anglo-saxonne, l’illusion descriptive: le langage a principalement pour but de décrire la réalité; toutes les phrases peuvent être évaluées comme vraies ou fausses. Le philosophe oxonien John Austin a donné en 1955 les William James lectures (Harvard), publiées dans How to do things with words (1962), traduit en français dans Quand dire, c’est faire (1970) Le point de départ De nombreuses phrases, qui ne sont ni des questions, ni des phrases impératives, ni des exclamations, ne décrivent pourtant rien et ne sont pas évaluables du point de vue de leur vérité ou de leur fausseté: 1. Je t’ordonne de te taire. 2. Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. 3. Je te promets que je viendrai demain. 17 Constatif et performatif Certaines phrases déclaratives décrivent le monde et peuvent être évaluées quant à leur valeur de vérité: ce sont les énoncés constatifs: 1. Le chat est sur le paillasson. 2. Il pleut. D’autres phrases ne décrivent pas le monde et ne sont pas susceptibles d’une évaluation en termes de vérité: ce sont les énoncés performatifs: 3. Je te promets de venir. 18 Phrases performatives Les phrases performatives ont trois propriétés: a. Elles sont à la première personne de l’indicatif présent: 1. Je te promets de venir 2. Il me promet de venir. b. Elles contiennent un verbe comme ordonner, promettre, jurer, baptiser, dits verbes performatifs: 3. Je t’ordonne de te taire 4. Il se tait. c. Leur évaluation se fait en termes de bonheur ou de malheur, et non en termes de vérité ou de fausseté: 5. Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit 6. Le pasteur a baptisé notre enfant. 19 Test de la performativité Un énoncé performatif doit se ramener à un énoncé comportant un verbe à la 1ère personne du singulier de l’indicatif présent, voix active. On peut, sur ce critère, distinguer le performatif primaire ou implicite: le sens performatif n’est pas donné par les mots de la phrase: 1. Je viendrai demain = promesse non littérale Le performatif explicite: le sens performatif est littéralement encodé dans la phrase énoncée: 2. Je te promets que je viendrai demain = promesse littérale 20 Problèmes de la théorie des performatifs 1. Chaque performatif primaire a comme correspondant un performatif explicite. 2. Chaque performatif primaire est évalué en termes de bonheur vs malheur. 3. Un énoncé constatif est évalué en termes de vérité vs fausseté. 4. Tout constatif est le performatif primaire d’un performatif explicite. 5. Tout constatif est donc évaluable en termes de bonheur vs malheur. 6. Dès lors, la distinction performatif/constatif ne tient plus. 21 La 2e théorie d’Austin Pour ces raisons, Austin renonce à la théorie des performatifs. Il distingue alors trois types d’actes réalisés à l’aide d’une phrase: 1. l’acte locutionnaire: acte de dire quelque chose; 2. l’acte illocutionnaire: acte accompli en disant quelque chose; 3. l’acte perlocutionnaire: acte accompli par le fait de dire quelque chose. 22 Acte locutionnaire Les actes locutionnaires correspondent à la production de sons, de mots entrant dans une construction et douée d’une signification (meaning), c’est-à-dire d’un sens et d’une référence: 1. Il m’a dit “Tire sur elle!”, voulant dire par “tire” tire, et en se référant par “elle” à elle. 23 Acte illocutionnaire L’acte illocutionnaire est l’acte effectué en disant quelque chose, par opposition à l’acte de dire quelque chose. Il a une fonction linguistique appelée valeur illocutionnaire. Les différentes valeurs illocutionnaires sont la promesse, l’ordre, la déclaration, l’excuse, l’affirmation… 2. Tire sur elle! > il me presse/me conseille/m’ordonne… de tirer sur elle. 24 Acte perlocutionnaire uploads/Litterature/ les-actes-du-langage.pdf
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- Publié le Jan 11, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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