ACTUALITÉS DE STORIA NOTTURNA Giordana Charuty Éditions de l'EHESS | « L'Homme

ACTUALITÉS DE STORIA NOTTURNA Giordana Charuty Éditions de l'EHESS | « L'Homme » 2019/2 n° 230 | pages 133 à 152 ISSN 0439-4216 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-l-homme-2019-2-page-133.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Éditions de l'EHESS. © Éditions de l'EHESS. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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URL : http://journals.openedition.org/lhomme/34039 © École des hautes études en sciences sociales © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 19/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 181.229.245.79) © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 19/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 181.229.245.79) © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 19/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 181.229.245.79) © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 19/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 181.229.245.79) L’HOMME 230 / 2019, pp. 133 à 152 À PROPOS Une nouvelle édition de Storia notturna, qui proposait, en 1989, une étonnante interprétation des foisonnantes créations culturelles sous-jacentes à l’imaginaire du « sabbat des sorcières » – ce sera le titre de la traduction française (Ginzburg 1992) – est parue en 2017 chez l’éditeur milanais Adelphi. Dans la postface, Carlo Ginzburg revient sur les rapports entre histoire et morphologie, une question centrale dans sa réflexion sur l’épis- témologie des sciences humaines 1. La belle collection composée de plus de soixante titres qui accueille cette réédition reconduit, à sa façon, le geste qui donna naissance, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à la fameuse collection « violette » créée par Cesare Pavese et Ernesto De Martino pour Einaudi, en surmontant de tumultueux désaccords. Comme elle, « Il Ramo d’oro » (Le Rameau d’or) fait une large place aux traductions d’œuvres de savants – historiens des religions et anthropologues –, qui prennent au sérieux les architectures symboliques de vastes ensembles civi- lisationnels. Pour Carlo Ginzburg, qui figure, avec Angelo Brelich, parmi la toute petite minorité d’auteurs italiens, c’est aussi la réaffirmation d’un geste politique : le refus de trahir la mémoire d’une prestigieuse institution – casa Einaudi – qui devait tant à l’ouverture intellectuelle et aux exigences éthiques de son père, Leone Ginzburg 2. 1. La postface s’intitule « Medaglie e conchiglie : ancora su morfologia e storia » (pp. 347-377). L’auteur en a présenté l’argument au séminaire d’Andreas Mayer, « L’historien et la psychanalyse », organisé au Centre Alexandre Koyré de l’École des hautes études en sciences sociales, le 2 mai 2018. Cet « À Propos » développe sous un autre angle les remarques formulées à cette occasion. 2. Carlo Ginzburg a changé d’éditeur après le rachat d’Einaudi, en 1994, par le groupe Mondadori contrôlé par Silvio Berlusconi. Actualités de Storia notturna Giordana Charuty À propos de Carlo Ginzburg, Storia notturna. Una decifrazione del sabba, Milano, Adelphi, 2017 [1989], 2e ed. (« Il Ramo d’oro »). © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 19/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 181.229.245.79) © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 19/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 181.229.245.79) 134 Giordana Charuty Peu d’ouvrages en sciences humaines ont immédiatement et durablement rencontré un intérêt équivalent à celui suscité par Storia notturna. Rapidement disponible dans les principales langues de la communauté scientifique inter- nationale – anglais, espagnol, français, allemand 3 –, le livre est aujourd’hui traduit en une douzaine de langues. D’importants comptes rendus ont accompagné ces premières traductions, celui de l’historien Perry Anderson dans la London Review of Books 4 et celui de la sanskritiste Wendy Doninger dans la New York Times Books Review 5, tandis que la revue L’Homme publiait un « À Propos » de Carlo Severi (1992), juste avant la parution de la version française du livre chez Gallimard (Ginzburg 1992 [1989]). Aucune des disci- plines concernées n’a ignoré ce livre – « parfois critiqué avec âpreté », rappelle la postface (p. 347) –, qui reformulait avec une belle audace les pistes que l’auteur avait ouvertes, au milieu des années 1960, en découvrant, parmi les victimes de l’Inquisition, des paysans frioulans se qualifiant de benandanti (Ginzburg 1966). Cette réception internationale sur une trentaine d’années 6 est un bon observatoire pour apercevoir des transformations majeures dans l’analyse du religieux, par l’intermédiaire des recompositions entre disciplines dans ses divers espaces linguistiques et de la migration des questionnements d’une discipline à l’autre, car les réponses ou les conjectures offertes par Storia notturna sont, à leur tour, devenues autant de questions à l’origine de nombreux programmes de travail. Je n’en suivrai, ici, que quelques-unes, en privilégiant un point de vue d’européaniste. Premiers lecteurs Si, en Italie, toutes les compétences humanistes se sont prononcées pour expliciter les interrogations ou les problèmes que suscitait Storia notturna, dans le monde anglo-saxon les premiers intérêts vinrent, au sein de l’histoire des religions, d’une sanskritiste et indianiste : Wendy Doninger. Cette dernière posait, d’emblée, la question du comparatisme, traitée, dans ce 3. Outre Le Sabbat des sorcières (Ginzburg 1992), ces premières traductions de Storia notturna sont : Ecstasies. Deciphering the Witches’ Sabbath, transl. by Raymond Rosenthal, London, Hutchinson Radius, 1990, puis New York, Pantheon Books, 1991 pour l’édition américaine ; Historia nocturna. Un desciframiento del aquelarre, trad. por Alberto Clavería Ibañez, Barcelona, Muchnik, 1991 ; Hexensabbat. Entzifferung einer nachtlichen Geschichte, aus dem Ital. von Martina Kempter, Frankfurt- am-Main, Geschichte Ficher, 1993. 4. Perry Anderson, « Witchcraft », London Review of Books, 1990, 12 (21) : 6-11 [https://www.lrb. co.uk/v12/n21/perry-anderson/witchcraft]. Selon l’usage, l’auteur répondra sous forme de « Lettre » : Carlo Ginzburg, « Witchcraft », London Review of Books, 1991, 13 (1) [https://www.lrb.co.uk/v13/ n01/letters] ; elle-même suivie par une réponse de Perry Anderson, « A Day at the Races », London Review of Books, 1991, 13 (3) [https://www.lrb.co.uk/v13/n03/letters]. 5. Wendy Doninger, « Sympathy for the Devil », New York Times Books Review, 14 July 1991. 6. Elle est minutieusement reconstruite par Davide Ermacora (2017). © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 19/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 181.229.245.79) © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 19/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 181.229.245.79) 135 Actualités de Storia notturna À PROPOS livre, sous une forme que ne pouvaient reconnaître les historiens du social. La mémorable passe d’armes entre Perry Anderson et Carlo Ginzburg, tout comme la discussion avec le médiéviste Robert Bartlett 7 cristallisaient deux conceptions radicalement opposées de l’analyse du religieux. Certes, les objections d’Anderson dans l’examen des procédures de catégorisation ou celles contre la réduction d’une multiplicité de figures mythiques à des médiateurs avec le monde des morts seront reprises par bien d’autres chercheurs. Mais, en ces années 1990, c’est le défi même d’historiciser le structuralisme lévi-straussien qui se trouve récusé. Le programme que l’historien marxiste fixe à ce qu’il pense être l’objet du livre – une enquête historique sur la diabolisation et la répression de la sorcellerie – conduit à en dissocier la première partie des deux suivantes : un geste qui pèsera durablement sur la réception d’Ecstasies dans le monde anglo-saxon. En France, la proposition herméneutique du Sabbat des sorcières opéra des divisions tant chez les historiens que chez les anthropologues. Le sabbat ? « Pure et simple construction de théologiens », avait réaffirmé Robert Muchembled (1985 : 288) quelques années auparavant, dans un volumineux article des Annales qui ripostait aux « présomptions » qu’exposait Ginzburg (1984) dans une précédente livraison. L’historien des mentalités qui avait, pourtant, été l’un des premiers à saluer l’importance de l’analyse du cas des benandanti, balayait d’un revers de la main ce qui lui apparaissait désormais comme autant de regroupements arbitraires de figures détachées des structures sociales. Ce sont les médiévistes, invités à dialoguer avec l’auteur dans la grande émission de Jacques Le Goff, Les Lundis de l’histoire 8, qui furent les plus attentifs aux résultats de cette étonnante expérimentation qui donnait le vertige à Perry Anderson. Comment les accorder avec ceux auxquels parvenait l’anthropologie historique que ces médiévistes s’étaient employés à construire dans un dialogue avec Lévi-Strauss ? L’existence d’une tradition chrétienne de récits du voyage dans l’au-delà appelait d’abord, selon eux, un comparatisme restreint à l’Europe christianisée 9 ; assigner à un univers religieux préchrétien toutes ces figures régionales de spécialistes rituels uploads/Litterature/ lhom-230-0133.pdf

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