Guy Goffette ou l’appel des lisières Livret 26/02/08 18:31 Page 1 É D I T O R I
Guy Goffette ou l’appel des lisières Livret 26/02/08 18:31 Page 1 É D I T O R I A L Je dois l’avouer : je suis un nouveau lecteur de Guy Goffette. Je l’ai découvert avec Auden ou l’Œil de la baleine paru dans la si belle collec- tion “L’Un L’Autre “(Gallimard) dirigée par J.B Pontalis. Depuis, ma lec- ture à rebours de son œuvre m’enchante et me touche. Le rôle que Guy Goffette confie à la poésie, les thèmes qu’il aborde, son travail d’écriture, ses “dilectures “ font de lui un poète contemporain majeur. Guy Goffette aborde dans son œuvre des thèmes aussi partagés que l’enfance et son image édénique, la nostalgie, la difficulté d’aimer, la poésie des lieux… autant de sillons que ce dossier creusera en invitant les lecteurs à s’in- terroger sur le rôle de l’écriture, de la poésie face à l’angoisse de l’en- fance perdue, face à l’avancée inéluctable du temps, face à l’immensité des rêves… Mais parler d’un poète sans faire entendre son style (qu’aujourd’nui mon oreille peut désormais reconnaître entre mille) serait vain. Je souhaite que chaque lecteur de ce dossier rencontre intimement la parole de Guy Goffette. Et qu’il puisse à son tour entendre l’appel des lisières. Sébastien Le Benoist 1 Livret 26/02/08 18:31 Page 2 S O M M A I R E p. 1 : Éditorial p. 4 à 5 : Ouverture poétique en forme d’hommage par Jacques Réda p. 6 : Guy Goffette, un portrait sensible. p. 7 à 9 : Entretien intervew avec Sébastien Le Benoist. p. 10 à 11 : Autoportrait par Guy Goffette p. 12 à 15 : Poèmes inédits par Guy Goffette p. 16 à 17 : Frontières, lisières par Gilles Ortlieb p. 18 à 23 : Guy Goffette et l’expression lyrique par Jean-Michel Maulpoix, Joël Bastard, Richard Blin. p. 24 à 27 : Guy Goffette, une déferlante poétique dans le roman, Le Haut-Mal, à propos d’Un été autour du cou par Caroline Lamarche p. 28 à 29: Textes inédits de Guy Goffette p. 30 à 33 : Bibliographie des auteurs p. 34 à 35 : Dossiers Initiales p. 36 : Remerciements, Ours 3 Livret 26/02/08 18:31 Page 2 Ô Poètes, cessez de braire, De pleurnicher sur votre sort. Voici qu’en effet UN LIBRAIRE Veut favoriser votre essor, Offrez-vous en belle hécatombe Digne des dons des dieux distraits Puisque son choix inspiré tombe Sur celui dont les purs attraits Rendraient votre muse jalouse : Qu’elle reprenne le trimard Et cherche refuge à Mulhouse, Sélestat, Saverne, Colmar, Désormais qu’à Chicago faite*, Et sans trompette ni tambour, Ta gloire, mon ami GOFFETTE, Va rayonner jusqu’à Strasbourg ! Que du moins il nous reste celle D’avoir pu dérober ici A son soleil une étincelle Dissipant notre ombre. Merci. Jacques Réda * Une traduction des poèmes de Goffette y est en effet annoncée. 5 O U V E R T U R E P O É T I Q U E E N F O R M E D ’ H O M M A G E 4 Biographie de Jacques Réda Naît à Lunéville en 1929. Il a dirigé la Nouvelle Revue Française de 1987 à 1996. Poète fameux, il est éga- lement l’auteur de récits en prose et grand amateur de musique, spécialement de jazz (Autobiographie du jazz, L'Improviste : une lecture du jazz). Jacques Réda, Lorrain de 70 ans, parcourt les lointains et les banlieues en train ou à pied. Éminemment sensible aux odeurs et aux ambiances, il décrit un monde de la petite vitesse, mû par les incidents les plus humbles. Il regarde Paris en ses recoins les plus secrets, les plus déserts (Les Ruines de Paris, Hors les murs, Châteaux des courants d'air...). Réda est l’inventeur du vers de quatorze pieds, qu’il faut, dit-il, lire à haute voix, qu’il faut parler. Photo gracieusement transmise par Guy Goffette Livret 26/02/08 18:31 Page 4 7 6 ] Entretien avec Guy Goffette par Sébastien Le Benoist Guy Goffette, vous vous définissez volontiers comme “frontalier”. Comment une situation géo- graphique peut-elle influencer un caractère ? L’importance des premières années sur la formation du caractère n’est plus à démontrer, celle du milieu de vie et de la géographie non plus. La ville n’est pas la campagne, ni la mer la mon- tagne, et les opposés sont infinis. De même, on ne passe pas son enfance et son adolescence sur une frontière (et, dans mon cas, c’est presque sur deux frontières qu’il faudrait dire : la fran- çaise et la luxembourgeoise) comme on les passe au centre d’un pays. C’est un peu comme vivre près d’une fenêtre plutôt qu’au milieu de la pièce. Le dehors dans les yeux prend tout de suite plus de place que le dedans. J’ai eu assez tôt le sentiment d’être en porte-à-faux, que l’extérieur me requérait comme l’ap- pel du large, que “la vraie vie”, déjà, était “ailleurs”, et je n’ai plus eu de cesse que de sortir, de courir les bois et les prés. La frontière, dans mon enfance, était à portée de main, elle coïncidait avec l’orée du bois, sau- vage et mystérieuse. J’ai donc su très tôt que, passé la lisière, j’étais de l’autre côté, ailleurs, en France. Par la route, la frontière perdait sa magie. Officielle, elle était gardée à cette époque. Le goût de la liberté, le plaisir de la transgression et toutes les sensations, toutes les images qui leur sont liées ont assurément agi sur mon caractère. Rien d’étonnant à ce que je sois de marau- deur devenu contrebandier, puis passeur jusque dans mes différents “métiers”: enseignant, libraire, écrivain, éditeur, avec le goût de l’autre, de l’inconnu, du défi, du risque, etc. Vous n'avez de cesse de prôner le déplacement, le nomadisme. Vous griffez, comme Rimbaud, les “assis “satisfaits. Et pourtant, vous n'êtes pas ce qu'on appelle aujourd'hui un “écrivain- voyageur”. Exposez-nous votre conception du nomadisme, du voyage. Nomadisme est un bien grand mot, mais que je prends à mon compte pour désigner cette faci- lité avec laquelle je change de lieu selon les exigences de ma vie professionnelle ou de ma vie amou- reuse. À chaque fois, j’ai dû emporter ma “maison”sur le dos, c’est-à-dire quelques milliers de livres et mes manuscrits, sans idée de retour. Le nomadisme est pour moi un état d’esprit, avant tout, une manière de considérer l’existence. Étant de passage sur cette terre, il me semble qu’il n’est pas de meilleure façon de l’habiter que de passer, et, ce faisant, d’épouser son mouvement. De là ce sentiment d’immobilité, de déta- chement et de paix qu’on peut en retirer, un peu comme quand on lit, passant d’une ligne à l’autre, d’une page à l’autre, sans bouger. S’installer, au contraire, porte en soi l’idée d’arrêt, de fixation et de mort, et c’est le temps qui passe tout à coup, la terre qui tourne, l’attachement aux choses et la désespérance. Cette maladie-là, je l’ai appelée “nomadie”. Le nomadisme est un mouvement de la pensée qui n’implique pas nécessairement le déplace- ment physique. C’est en somme vivre le présent au présent avec passion, parce que le présent est la seule réalité vivante, la seule réalité à vivre pour être pleinement. Quant à voyager pour voyager, ça ne présente pour moi aucun intérêt. J’ai horreur du tourisme et de l’exotisme. Mais aller au gré du vent, flâner le nez en l’air, marcher sans but défini, tant pis pour les clichés, voilà ce que j’entends par voyager. U N P O R T R A I T S E N S I B L E ] Entretien avec Guy Goffette par Sébastien Le Benoist ] Poèmes inédits de Guy Goffette ] Frontières, lisières de Gilles Ortlieb ] Un autoportrait Livret 26/02/08 18:31 Page 6 9 8 “Être nomade pour moi, c'est vivre au présent”, dites-vous. Votre rapport au présent se rappro- che-t-il du “carpe diem, carpe horam”d'Horace ? À vrai dire, je n’aime pas beaucoup cette maxime qui comporte une idée d’occasion à saisir, de profit à faire. Pour moi, être présent, c’est d’abord “être”plutôt qu’avoir. Par présent, j’entends aussi bien le don que l’ouverture et que l’attention. Être présent au présent, c’est donc être attentif à ce présent éphémère et continu à la fois, c’est être pleinement soi dans ce mouve- ment-là, être car exister ne suffit pas. Il y a tant de gens dans les rues qui existent, mais qui ne sont pas. Être présent au présent suffit, dites-vous, pour ÊTRE pleinement. Pourtant, le passé taraude le poète au travers du thème de l'enfance. Que signifie ce retour à l'enfance ? Le présent, comme je l’entends, n’est pas ce qui existe et meurt, mais ce qui est, passe et ne passe pas, et donne son mouvement à la vie, quand le mot “demain”n’est qu’un mot, et le futur n’est pas. Le passé, en revanche, est comme un présent au repos, ou qui dort. De temps à autre, dans mes traversées du désert, il se manifeste et je le reçois, je l’écoute. Il m’arrive même de le mettre dans un uploads/Litterature/ livret-goffette.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 16, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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