Lettre d’Abgar Laboubnia Lettre d’Abgar, ou Histoire de la conversion des Édées

Lettre d’Abgar Laboubnia Lettre d’Abgar, ou Histoire de la conversion des Édéessiens Traduction par inconnu, sur le texte arménien du Ve siècle. Imprimerie Mekhitariste de S. Lazare, 1868 (pp. 5-58). PRÉFACE Moïse de Khorène, le coryphée de la littérature arménienne et le père de nos historiens, qui vivait à peu près un siècle après Eusèbe, le père des historiens ecclésiastiques, après avoir raconté succinctement dans son Histoire d’Arménie les faits et les correspondances du roi Abgar, en finit le récit par ces mots : « Ghéroupna (ou Léroubna) fils de l’écrivain Apschatar, a rédigé tous les faits arrivés au temps d’Abgar et de Sanadroug et les a déposés dans les archives d’Édesse ». Eusèbe lui-même en racontant la conversion d’Abgar dit (Hist. Eccles. I. chap. 13 ; II. ch. 1.) avoir puisé ces récits dans les mêmes archives, sans cependant indiquer l’auteur de ses principales sources, comme le fait au surplus notre historien. Le nom de Léroubna cité uniquement par ce dernier, n’était répété après lui par aucun autre, si ce n’est par un de nos Chroniqueurs du XIIIe siècle (Mekhitar d’Aïrivank) qui le classe au nombre de nos historiens, entre Tatien et Mar Ibas Gadina, sans affirmer s’il le connaissait de nom seulement ou bien encore par ses écrits. Ce fut en 1852 que dans nos recherches à la Bibliothèque Impériale de Paris, nous avons découvert au département des Mans. Armén., dans un Codex précieux (N° 88) du XIIe siècle, entre autres l’ouvrage que nous publions, et qui dans son épilogue porte le nom de son auteur, qui n’est autre que celui même qui est cité par notre Moïse de Khorène, et consulté par Eusèbe, avec la différence du nom Laboubnia, qui vient d’être vérifié par un morceau du texte syriaque, dont je vais parler maintenant. Onze ans après la découverte de la traduction arménienne de la Lettre d’Abgar, le savant docteur Cureton, un des hommes les plus versés dans la langue syriaque, qu’une mort regrettable allait bientôt enlever au monde littéraire, nous demandait par écrit, si nous connaissions quelque chose se rapportant à l’histoire d’Abgar, dans notre littérature arménienne : nous avons reconnu tout de suite qu’il s’agissait de cette même Lettre, que lui, le docteur, venait de son côté de découvrir dans les manuscrits syriaques apportés par ses compatriotes des couvents de Nitrie de l’Égypte. Nous lui avons fait connaître notre opinion, qu’il a voulu citer dans une des notes de son ouvrage posthume (pag. 166) Ancient Syriac Documents relative to the earliest establishment of Christianity in Edessa, ouvrage publié après sa mort et la même année (1864) par son ami le Dr Wright. Il y est dit que le Dr Cureton avait remarqué la Lettre d’Abgar dès l’année 1848, dans deux manuscrits très-anciens, dont l’un, à ce qu’il croit, pouvait même servir à l’original de la traduction arménienne, car il le suppose avoir été écrit au commencement du Ve siècle, l’autre au VIe ; malheureusement tous les deux très-incomplets, car presque la moitié de l’ouvrage manque dans ces originaux syriens, tandis qu’il est entier dans l’arménien. Quant à la traduction, il y a très-peu de différences entre la traduction arménienne et les copies syriennes, ou plutôt la traduction anglaise du Dr Cureton, que nous avons collationnée avec la nôtre, à cause de notre ignorance de la langue syriaque. Je veux cependant faire remarquer ici que cette consonnance des deux versions ne continue pas jusqu’au bout ; mais vers la fin de l’histoire elles se séparent, on peut dire, de parti pris ; et tandis que l’une (la syrienne) fait disparaître l’apôtre Thaddée en le faisant mourir, l’autre (l’arménienne) le fait partir d’Édesse vers les pays d’Orient. Cette contradiction et d’autres encore seront citées par nous dans les quelques notes dont nous avons voulu accompagner les deux éditions et du texte arménien et de la traduction française : nous avons aussi ajouté à ce texte quelques appendices tirés d’Eusèbe et de nos anciens historiens. Quant à la valeur et à l’authenticité de cet ouvrage, pour n’en dire qu’un mot, notre opinion est qu’il est en grande partie rédigé par Laboubnia, archiviste d’Édesse contemporain d’Abgar et des disciples de Notre Sauveur ; mais qu’il a été touché et retouché dans un espace de deux cents ans par d’autres mains quelquefois hardies, qui y ont introduit beaucoup de suppléments, dont nous tiendrons compte dans les annotations ; et que la dernière et principale rédaction a été faite dans la première moitié du troisième siècle. Cependant si d’une part la pureté du style de la traduction arménienne, sa concordance avec l’original syrien, l’ancienneté des manuscrits où a été conservé cet original, ne permettent pas de douter qu’il existait déjà au commencement du Ve siècle à peu près tel que nous le trouvons aujourd’hui ; et que si dans nos anciens calendriers ecclésiastiques dont la rédaction est attribuée à S. Isaac patriarche de l’Arménie († 439), la lecture de la Lettre d’Abgar est ordonnée dans les églises à certaines fêtes ; d’une autre part nous ne pouvons pas croire que quelques détails théologiques ou prématurés ou insoutenables fussent échappés à des yeux aussi clairvoyants que ceux d’un Moïse de Khorène ou d’un Isaac le Grand. Il faut donc attribuer ces interpolations à des copistes postérieurs ; en admettant toutefois que dans sa majeure partie c’est le même ouvrage qu’ont eu sous les yeux et nos auteurs ci- dessus mentionnés, et Eusèbe lui-même ; et qu’en conséquence c’est un des monuments des premiers siècles de l’Église, que nous désirons offrir à l’appréciation et à la critique des savants et des théologiens. LETTRE D’ABGAR FILS DE MANOUÉ ROI DE LA VILLE D’ÉDESSE APPELÉE EN SYRIEN OURHA[1] L’an trois cent quarante de l’empire des Grecs[2], sous le règne de Tibère, empereur de Rome, Abgar[3], fils de Manou, régnait en Mésopotamie de Syrie dans la ville d’Édesse. La trente-deuxième année de son règne[4], le 12 du mois de dré[5], il confia à Marihab[6] et à Schamschagram[7], qui étaient les hommes les plus éminents et les plus distingués de son état, et à Anan[8], son confident, des lettres traitant des affaires du royaume, et les envoya à la ville d’Éleuthropolis, appelée dans la langue syriaque Bethkoubrine[9], pour les présenter au grand et noble Sabinus d’Eustorge[10], qui était l’intendant de la maison de l’empereur et qui gouvernait alors la Syrie, la Phénicie et la Palestine. Le prince, à leur arrivée, les reçut avec joie et les combla d’honneurs ; après les avoir retenus chez lui pendant vingt-cinq jours, il leur remit la réponse des lettres qu’ils lui avaient apportées, et les renvoya au roi Abgar. Ceux-ci, en prenant congé de Sabinus se dirigèrent aussitôt vers le chemin qui menait à Jérusalem ; et ayant remarqué une foule de personnes qui accouraient de loin pour voir Jésus, dont les miracles étaient en vogue dans tout le monde, Marihab, Schamschagram et Anan, les confidents du roi, se joignirent à eux. Lorsqu’ils entrèrent à Jérusalem, ils virent tout de suite Jésus, et ils confondirent leur extrême joie avec celle de tout le peuple qui était avec eux. Mais ils voyaient aussi les Juifs assemblés par groupes qui délibéraient entre eux contre Jésus ; et ils les voyaient affligés et confus à cause de la multitude des hommes qui croyaient en Jésus. Après avoir demeuré dix jours à Jérusalem, Anan, le confident du roi, écrivit toutes les actions de Jésus dont il avait été témoin, et tout ce que Jésus avait fait avant leur arrivée. Étant partis de cette ville, ils vinrent en Ourha, et se présentant devant le roi leur maître, ils lui remirent la lettre de Sabinus. Après l’avoir lue ils racontèrent au roi tout ce que Jésus avait fait en leur présence à Jérusalem. Et Anan fit à Abgar la lecture de tout ce qu’il avait écrit et porté avec soi. Le roi en l’écoutant témoignait une grande surprise, et il disait à ses princes et aux personnes de la cour qui étaient devant lui : « Ces miracles sont certainement divins ; parce qu’il n’y a personne capable de ressusciter les morts excepté Dieu ». Il voulut aller en personne en Palestine, pour voir de ses propres yeux Jésus et ses miracles ; mais comme le pays où il désirait aller appartenait aux Romains, il abandonna son projet, afin de ne pas être la cause de quelque hostilité. C’est pourquoi il écrivit une lettre, et la donna à Anan, son confident, pour la porter à Jésus-Christ. Anan partit d’Ourha le 14 du mois arèg, et arriva à Jérusalem le 12 du mois ahégui[11], qui était un mercredi. Il trouva Jésus chez Gamaliel, pontife[12] des Hébreux, et lut devant lui la lettre qui était conçue en ces termes : « Abgar, fils d’Arscham[13], au grand médecin[14] Jésus, qui s’est montré dans le pays de la Judée à Jérusalem, salut. — Seigneur, j’ai entendu que tu ne guéris pas avec des remèdes, mais seulement par la parole ; que tu rends la vue aux aveugles, et que tu fais uploads/Litterature/ manuscrit-ancient-lettre-d-x27-abgar.pdf

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