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Plate-forme internet sur la littératie www.forumlecture.ch | www.leseforum.ch | www.forumlettura.ch – 3/2020 ISSN 2624-7771 1 Les examens de maturité de français langue première en Suisse sous la loupe Anne Monnier, Tito Schumacher ✝ et Laura Weiss Résumé En mars 2019, une journée d’études s’est tenue à l’Université de Genève sur la question de l’évaluation au fil des degrés scolaires, du primaire à la fin du secondaire II, pour le français langue première, réunis- sant des enseignants, des directeurs, des formateurs et des chercheurs de Suisse romande et du ZEM CES. Repartant des discussions très riches qui ont eu lieu lors de cette journée, cette contribution aborde la question les examens de maturité de français langue première en Suisse romande du point de vue de l’autonomie des enseignants, des établissements et des cantons. A partir d’une étude de cas sur le can- ton de Genève, mise en contraste, d’une part avec les autres cantons romands, d’autre part avec les deux autres régions linguistiques de Suisse, cette contribution montre le poids de la tradition par rap- port à l’autonomie des enseignants en ce qui concerne l’élaboration et la correction des épreuves certi- ficatives en langue première en Suisse, et dans ce cadre la fonction des instituts de formation dans le processus d’harmonisation des pratiques au niveau cantonal. Mots-clés Autonomie des enseignants, harmonisation des pratiques, discipline français, examens de maturité, langue première, Suisse. Þ Titel, Lead und Schlüsselwörter auf Deutsch am Schluss des Artikels Þ Titolo, riassunto e parole chiave in italiano e in francese alla fine dell'articolo Auteur·e·s Anne Monnier, Université de Genève, 40 bd du Pont-d’Arve, 1205 Genève, anne.monnier@unige.ch Tito Schumacher ✝ , Schweizerisches Zentrum für die Mittelschule (ZEM CES), Seilerstrasse 8, 3001 Bern, tito.schumacher@zemces.ch Laura Weiss, Université de Genève, 40 bd du Pont-d’Arve, 1205 Genève, laura.weiss@unige.ch Anne Monnier, Tito Schumacher et Laura Weiss 2 Les examens de maturité de français langue première en Suisse sous la loupe Anne Monnier, Tito Schumacher ✝1 en collaboration avec Laura Weiss2 1. Introduction En mars 2019, une journée d’études sur l’évaluation certificative3 au fil des degrés scolaires dans la dis- cipline français langue première s’est tenue à l’Université de Genève4. L’objectif de cette journée scien- tifique était double. D’abord, rassembler différents acteurs – chercheurs, formateurs, responsables institutionnels et enseignants – en vue de mieux connaitre les travaux, réflexions et positions des uns et des autres sur les différents enjeux actuels de l’évaluation certificative dans cette discipline, et ce à une triple échelle : au niveau du canton de Genève, de la Suisse romande, et plus largement de l’espace francophone. Ensuite, permettre à chaque acteur d’agir de façon plus avisée dans le champ qui est le sien, en prenant mieux en compte les travaux et réflexions des autres acteurs, si possible en concertation avec ceux-ci. Deux tables rondes ont scandé cette journée. L’une des tables rondes5 a porté sur la question des con- tinuités et des ruptures entre les différentes évaluations certificatives de français de l’école obliga- toire. L’autre s’est centrée sur l’épineuse question de l’harmonisation des épreuves de maturité au niveau des établissements, des cantons, et des régions linguistiques. En effet, dans la mesure où, en Suisse, c’est l’enseignant qui élabore les énoncés des épreuves écrite et orale de maturité pour sa classe, il y a ainsi chaque année autant d’énoncés que d’enseignants, même si des collaborations exist- ent au sein des établissements. Dès lors, la question était la suivante : quels sont les apports possibles, mais aussi les limites d’une harmonisation des évaluations certificatives de français au niveau des établissements, des cantons et au niveau intercantonal ? Par qui cette harmonisation devrait-elle être développée et au profit de quels acteurs du système scolaire (institutions, directions, enseignants, élèves, parents, etc.) ? Sans résoudre le problème, les intervenants présents6 ont insisté sur l’im- portance d’un équilibre entre le maintien de l’autonomie des enseignants, des établissements et des cantons et une harmonisation des épreuves certificatives en langue première, garante de la valeur des diplômes au niveau suisse. Nous repartons ici des discussions très riches de cette journée pour mener une étude de cas sur les épreuves de maturité de français dans le canton de Genève, mises en regard d’une part avec celles des cantons de Neuchâtel et du Jura, d’autre part avec celles des cantons de Lucerne et du Tessin. L’objec- tif de cet article est le suivant : analyser l’origine de l’autonomie laissée aux enseignants, quels en sont 1 Tito Schumacher nous a quitté en août 2020. Cet article, auquel il a très largement contribué, est un hommage à l’im- mense travail de coordination qu’il avait entrepris au niveau suisse dans le cadre du ZEM CES. 2 Nous remercions vivement Martin Baumgartner et Michael Meyrat du ZEM CES pour leur relecture attentive de cet article et pour leurs précieuses suggestions. 3 Nous entendons ici par évaluation certificative une appréciation publique communiquée par l’intermédiaire d’un docu- ment officiel tel qu’un diplôme ou un certificat (Rey et al., 2003). 4 Cette journée a été organisée par Anne Monnier, Joaquim Dolz et Glaïs Cordeiro, du Groupe d’analyse du français ensei- gné (GRAFE) de l’Université de Genève (Unige). Elle a réuni les contributions des spécialistes suivants : Gilles Revaz, Chris- tophe Hausser et Sibylle Hausser (Collège de Genève), Françoise Châtelain (Université libre de Bruxelles), Murielle Roth, Veronica Sánchez Abchi et Jean-François de Pietro (Institut de recherche et de documentation pédagogique (IRDP), Neu- châtel), Dominique Racine (Département de l’instruction publique (DIP), Genève), Christophe Ronveaux (Unige) et Anne Soussi (Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP)), Remy Goasdoué (Université Paris Descartes), Glaïs Sales Cordeiro et Sandrine Aeby (Unige). 5 Les 4 participants à cette table ronde étaient : Ecaterina Bulea Bronckart (Unige), Raphaël Pasquini (Haute école péda- gogique (HEP) Vaud), Alexandre Regad (DIP, Genève), Catherine Tobola Couchepin (HEP Valais). 6 Les 4 participants à cette table ronde étaient : Arto Clerc (DIP, Genève), Sylvie Jeanneret (Centre d’enseignement et de recherche pour la formation des enseignants du secondaire (CERF), Université de Fribourg), Lucie Mottier (Unige) et Tito Schumacher (ZEM CES). Anne Monnier, Tito Schumacher et Laura Weiss 3 les points positifs et les points négatifs et à l’avantage de quels acteurs du système. En creux, notre analyse permet de se pencher en retour sur la question de l’harmonisation des pratiques : est-elle sou- haitable, voire nécessaire ? Et si oui, sur quels plans et de quelle manière ? Notre texte suit ainsi le plan suivant. Après avoir posé le cadre à la fois contextuel et théorique de cette étude, les questions de recherche et la méthode d’analyse choisie pour répondre à celles-ci sont précisées. Suivent les résultats marquants de ces analyses. 2. Cadrage théorique et contextuel 2.1. L’évaluation en français langue première : quelques jalons historiques Comme le rappelle Bain (2000), la discipline français est en grande partie configurée, aux différents stades de la scolarité, par des pratiques évaluatives portant sur les connaissances et les compétences des élèves relatives à la langue et à la littérature françaises. La recherche en didactique qui se déve- loppe à partir des années 1980 se centre dans un premier temps presque exclusivement sur l’évalua- tion formative (Bain, 1988). Cette dernière se déploie à cette période en réponse à certains biais de l’évaluation qui tendait jusque-là à se confondre avec une notation décidée par l’enseignant (Cardinet, 1986), sans exigence de concertation avec les collègues et de transparence envers les élèves, et ne portant pas forcément sur un enseignement prodigué au préalable. L’évaluation formative vise ainsi à prendre en compte plus directement les questions d’enseignement-apprentissage (Daunay & Reuter, 2005). A partir des années 1980 émerge également l’idée selon laquelle une évaluation, notamment certificative, pour être significative, « doit porter sur des productions complexes » (Simard, Dufays, Dolz & Garcia-Debanc, 2019, p. 144) plus difficiles à évaluer, impliquant de fait une réflexion concernant l’élaboration des consignes, mais aussi des critères et des grilles d’évaluation. Le but est en particulier de clarifier les attentes quant au produit final, permettant à l’enseignant de justifier son évaluation vis- à-vis des élèves, des parents, mais aussi de sa hiérarchie. L’idée sous-jacente est que l’évaluation porte avant tout sur l’adéquation d’une production à une consigne et des critères donnés. Enfin, la réflexion sur l’évaluation s’enrichit encore dans les années 1990 avec le développement de l’approche par com- pétences qui amène à envisager l’évaluation certificative comme devant intervenir au terme d’un ap- prentissage, centrée sur une ou plusieurs compétences, et dont le seuil d’acquisition aura été défini au préalable au niveau institutionnel. 2.2. L’évaluation certificative : une question vive pour le formateur et le chercheur en didactique Avec la tertiarisation de la formation des enseignants qui s’opère au tournant des années 2000 en Suisse romande, l’évaluation fait l’objet d’un regain d’intérêt du côté des didacticiens du français en charge désormais de cette formation. Ainsi, Soussi et Ronveaux (2017) montrent, à propos de la littéra- tie, un décalage entre les plans d’études, les moyens d’enseignement, les pratiques effectives des en- seignants du primaire et du secondaire et les évaluations cantonales uploads/Litterature/ monnier-et-al-2020.pdf

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