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Tous droits réservés © Collège Édouard-Montpetit, 1990 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 5 août 2020 22:24 Horizons philosophiques Les objets de la sémiologie théâtrale : le texte et le spectacle Louise Vigeant Sémiotiques 1 : mises au point, mises en question Volume 1, numéro 1, automne 1990 URI : https://id.erudit.org/iderudit/800861ar DOI : https://doi.org/10.7202/800861ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Collège Édouard-Montpetit ISSN 1181-9227 (imprimé) 1920-2954 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Vigeant, L. (1990). Les objets de la sémiologie théâtrale : le texte et le spectacle. Horizons philosophiques, 1 (1), 57–79. https://doi.org/10.7202/800861ar Les objets de la sémiologie théâtrale : le texte et le spectacle La sémiologie se distingue des autres métalangages portant sur le théâtre — histoire, dramaturgie, critique, psy- chologie de l'acteur, etc. — surtout par son souci de for- malisation. En effet, elle «aborde l'activité spectaculaire construite à partir de systèmes de signes organisés en en- sembles signifiants d'une certaine manière. Elle englobe à la fois la production, la réception et les modèles du spec- tacle1». La sémiologie va donc identifier les éléments qui composent le théâtre — qu'elle considère comme des signes; elle se propose également de découvrir les prin- cipes de son organisation et de dévoiler les modes de fonc- tionnement de la signification dans cette forme d'art. La citation lance trois mots clés : production, réception et modèles du spectacle qui présentent les niveaux de recher- che de la sémiologie théâtrale. L'objet de la sémiologie théâtrale Aussitôt qu'elle s'est intéressée au théâtre, la sémio- logie a été confrontée au problème de la détermination de 1. A. Helbo, J.D. Johansen, P. Payis, A. Ubersfeld, (sous la direction de), Théâ- tre/Modes d'approche, Bruxelles, Éditions Labor et Méridiens Klincksieck, 1987, p. 13. 57 son objet. Car s'il est facile de voir que le code de la langue est l'objet de la linguistique — le modèle scientifique de la sémiologie —, ce n'est pas aussi simple quand on consi- dère d'autres systèmes de signification et de communi- cation, en particulier les textes artistiques, doublement modélisés (cf. Lotman). Il n'y a pas au théâtre, comme dans la langue natu- relle, un signe minimal dont il s'agirait d'examiner les modes d'articulation (car comment déterminer un signe mi- nimal quand la substance de l'expression est hétérogène?). On ne peut donc pas parler d'une langue théâtrale. Mais cela ne veut pas dire, pour autant, qu'on ne peut pas parler de codification au théâtre ! Alors, si l'objet de la sémiologie n'est pas une langue, est-ce que cela veut dire que l'on étudie le théâtre en tant que manifestation discursive? Si oui, on abandonne le modèle linguistique puisque, selon Saussure, la linguistique s'occupe de la langue et non de la parole, c'est-à-dire du discours singulier. Mais tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant. En outre, quand on parle de théâtre, parle-t-on du texte dramatique ou du spectacle? Car il faut faire remarquer une singularité de l'événement théâtral qui ne manque pas de compliquer l'approche sémiologique : ses trois niveaux de communication. En effet, au théâtre, tour à tour, l'auteur, le metteur en scène et les comédiens sont des émetteurs qui du texte dramatique, qui de la mise en scène et qui, finalement, du spectacle (cf. Purkhardt). La question du passage du texte à la scène, de l'ordre de l'interprétance discursive, est d'ailleurs apparue assez tôt comme l'un des sujets de prédilection de la sémiologie théâtrale. Mais celle-ci a résisté longtemps à traiter du spectacle, confrontée qu'elle était à l'absence même d'objet puisque, par définition, la représentation théâtrale est éphé- mère et ne survit que dans la mémoire des spectateurs. Dans cet effort d'attribuer un objet à la sémiologie, Evelyne Ertel distinguait, en 1977, deux sémiologies : l'une 58 du code, Pautre du message, selon qu'on s'attache à dé- gager une quelconque «langue» théâtrale, justement, ou qu'on analyse une articulation spécifique de cette «langue» (une parole, en termes saussuriens) : La première (la sémiologie des codes) travaillant sur un corpus déterminé (un ensemble de mises en scène différentes regrou- pées avec ou sans principe; le principe peut être le genre, la pièce, l'auteur, l'époque, etc.), s'efforcera de dégager et de décrire les codes théâtraux communs à tous ces spectacles. La seconde, travaillant sur une mise en scène particulière, s'ef- forcera d'analyser le plus grand nombre de codes à l'œuvre, qu'ils soient théâtraux ou non, et la manière singulière dont ils sont structurés (le système textuel particulier de cette repré- sentation)2. En d'autres mots, si la deuxième sémiologie s'inté- resse aux discours, la première, elle, chercherait les «struc- tures profondes» (telles que les a découvertes Greimas pour le récit) qui permettraient de parler d'une langue théâ- trale «présupposée par toute manifestation discursive et qui, en même temps, prédétermine les conditions de la "mise en discours" (c'est-à-dire les conditions du fonction- nement de la signification)»3. Si, comme Saussure l'a proposé, la sémiologie est cette science qui apprend «en quoi consistent les signes» et «quelles lois les régissent», historiquement, on a retenu ce terme pour nommer les théories vouées à la détermi- nation des règles qui gouvernent les différents systèmes de communication. Ainsi a-t-on vu naître, par exemple, une sémiologie du cinéma qui a cherché à définir les codes cinématographiques. En ce qui concerne le théâtre, l'ob- jectif de cette sémiologie est d'étudier la théâtralité comme 2. É. Ertel, «Éléments pour une sémiologie du théâtre», Travail théâtral, n° 29, 1977, p. 141. 3. Greimas et Courtes, Sémiotique/Dictionnaire raisonné de la théorie du lan- gage, Paris, Hachette, 1979, p. 249. 59 on a étudié la littérarité; la théâtrologie se développant sur le modèle de la narratologie, toutes deux étant des poéti- ques. Même s'il n'y a pas de langage théâtral proprement dit, cette sémiologie peut tout de même chercher à décrire des codes spécifiquement théâtraux, qu'ils soient drama- turgiques ou spectaculaires. La sémiologie du texte dramatique Ainsi, quand elle s'intéresse au texte dramatique, la sémiologie examine les principes de construction d'une œuvre (exposition, nœud, dénouement, etc.), son décou- page (actes, scènes, tableaux); et elle relève les caracté- ristiques formelles de l'écriture dramatique, qui sont, est-ce utile de le préciser, différentes de celles de l'écriture roma- nesque, pour ne prendre que cette comparaison. Par exemple, une telle étude démontrerait que le texte drama- tique, parce qu'il est écrit pour être joué, est composé de deux niveaux de discours, ayant chacun un énonciateur différent : l'auteur et le personnage. Le premier est le ni- veau didascalique — ou tout ce qui relève de l'indication scénique, c'est-à-dire toutes les informations que l'auteur juge pertinent de donner à un metteur en scène éventuel pour «guider» le travail d'actualisation de son texte à la scène : noms des personnages et renseignements (âge, sexe, caractéristique physique, etc.), entrées et sorties, changements d'interlocuteurs ou actions quelconques, in- formations sur l'espace et le temps dramatiques, ou encore des didascalies à fonction dite «mélodique», qui spécifient une modalité d'énonciation en proposant une attitude, une mimique, etc. Une des tâches de la sémiologie du texte dramatique est de proposer une typologie de ces didasca- lies. Le deuxième niveau de discours est celui de la parole des personnages. Cette parole peut se présenter sous des formes différentes — le dialogue, le monologue, le chœur et la narration (on connaît l'importance du retour du narra- 60 teur sur les scènes de théâtre depuis Brecht). Décrire les particularités langagières de ces discours apparaît immé- diatement comme une autre tâche susceptible d'occuper les sémiologues. Ici, il serait intéressant de noter l'apport très enrichissant de la théorie des actes de langage, éla- borée principalement par Austin et Searle, qui contribue à montrer comment la parole, particulièrement au théâtre, est ACTION. À titre d'exemple, il n'est pas difficile de mesurer l'impact d'une réplique comme «oui, je te vengerai» sur le déroulement d'une action dramatique; une telle phrase se- rait, selon le jargon de cette théorie, un énoncé performatif ayant un effet «perlocutoire» notoire : celui de produire l'action, de l'engager dans un sens, celui aussi d'établir des rapports entre des personnages, ce qui est le fonde- ment de tout texte dramatique. Toujours du côté de l'analyse du texte dramatique, il faudrait mentionner aussi que la sémiologie théâtrale em- prunte à la narratologie au moins deux de ses outils d'ana- lyse : la logique du récit et le système actantiel (cf. Propp, Greimas, Brémond, Hamon, Genette). Pour l'examen de textes proposant ce que l'on appelle communément une «histoire», on a en effet souvent recours à ces modèles qui permettent de rendre compte de la logique du déve- loppement d'une fable (son découpage révélant les relan- ces de l'action) et de percevoir uploads/Litterature/ les-objets-de-la-semiologie-theatrale-le-texte-et-le-spectacle.pdf

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