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> Accueil du site > Atelier critique > L’enquête : paradigme critique et littéraire La critique à la loupe Enquête et interprétation des textes : la critique à la loupe Si l’acti vité de cri ti que des textes est ancienne et peut pren dre des formes diver ses, on situe géné ra le ment l’émergence de la cri ti que lit té- raire au XIX siècle. Thibaudet écrit en 1927 que « Des cri ti ques lit té rai res, ce n’est pas la Critique, cette puis sance qui a pris cons cience d’elle-même au XIX siècle et au com men ce- ment du XX » , et évoque plu sieurs fac teurs : déve lop pe ment des scien ces et en par ti cu lier de la science his to ri que, de la phi lo lo gie et de l’her mé neu ti que, essor de la presse et de l’uni ver sité… L’enquête, avant tout quête de savoir et mou ve ment d’éclaircissement du réel, se déve loppe de manière pri vi lé giée dans ce siècle qui voit le triom phe de la science posi tive et l’émergence des « scien ces de l’homme », un siècle où les pra ti ques de déchif fre ment, d’inter pré ta tion, d’expli- ca tion foi son nent. Dans son arti cle « Signes, traces, pistes. Racines d’un para digme de l’indice », Carlo Ginzburg se pro pose de « mon trer com ment, vers la fin du XIX siècle, le champ des scien ces humai nes a vu l’émergence silen cieuse d’un modèle épistémologique (ou, si l’on pré fère, un para digme) auquel, e e e e jusqu’à pré sent, on n’a pas accordé une atten tion suf fi sante. » . Alors que la cri ti que se cons ti tue pro gres si ve ment en dis ci pline auto nome, il est ten tant d’y retrou ver les traces de ce « para digme indi ciaire » décrit par Carlo Ginzburg : un modèle épistémologique fondé sur le déchif fre ment d’indi ces, mis en lumière à partir de l’ana lo gie entre les métho des de l’his to rien de l’art Giovanni Morelli, de Sherlock Holmes et de Freud, trois pra- ti ques indexées sur le modèle de la sémio ti que médi cale. Peut-on, sur ce modèle, faire du cri ti que un enquê teur, un détec tive à la pour suite du sens, à partir de l’énigme d’un texte lit té raire ? Quels sont alors les béné fi ces d’une poé ti que de l’enquête en cri ti que lit- té raire ? Circulation du modèle de l’enquête : figures de déchiffreurs, méthodes inquisitoriales L’enquête, au sens d’enquête judi ciaire, se déroule en deux temps : l’enquê teur col lecte des infor ma tions pour ensuite les orga ni ser en récit logi que. A partir d’indi ces, il recons ti tue et expli ques une série fac tuelle. Ce modèle semble aujourd’hui évident pour qua li- fier la démar che his to rienne : Robert Marichal par exem ple, dans « La Critique des textes » expli que que l’his to rien doit déga ger des « témoi gna ges véri di ques » à partir des docu ments ; Antoine Prost, dans Douze leçons sur l’his toire qua li fie les faits his to ri ques de « preu ves ». L’ana lo gie entre méthode his to rienne et enquête n’est pas à démon trer ; or le renou vel le ment des métho des de l’his toire contri bue à faire émerger la cri ti que lit té raire. La phi lo- lo gie alle mande, dès la fin du XVIII , et l’appa ri tion de nou vel les réflexions sur l’her mé neu ti que, comme celles de Schleiermacher ou ensuite de Dilthey font de la cri ti que tex tuelle l’élucidation des dimen sions his to ri que, cultu relle, et sym bo li que du lan gage, qu’il s’agisse de docu ments his to ri ques ou de textes lit té rai res. La phi- lo lo gie s’atta che à recons truire le récit créa teur du texte ; la cri ti- e que géné ti que actuelle en est un pro lon ge ment, véri ta ble quête d’indi ces maté riels à tra vers les manus crits. L’enquête elle-même a une fonc tion her mé neu ti que : elle permet la com pré hen sion d’une énigme et pro pose une inter pré ta tion par induc tion. Métaphoriquement, le texte lit té raire peut se com pren- dre comme énigme, et son inter pré ta tion comme enquête : dès le Génie du chris tia nisme de Chateaubriand (1802) ou De l’Allemagne de M de Staël (1813), le « para digme indi ciaire » est reconnais sa ble à tra vers la pensée his to rienne qui déter mine l’appro che des textes lit té rai res. Et lors que Lanson, à la fin du siècle, pose les bases théo ri ques d’une cri ti que scien ti fi que et uni- ver si taire à visée objec tive, il étend à la lit té ra ture contem po raine les métho des phi lo lo gi ques uti li sées pour les textes anti ques que Gaston Paris avait expé ri men tées sur les textes médié vaux, et cher che à dis tin guer, face aux textes, les impres sions de lec ture des faits impu ta bles à l’auteur, c’est à dire à déter mi ner deux sys- tè mes d’indi ces. Le cri ti que sonde le texte, traque les effets de sens, ainsi que les traces bio gra phi ques, his to ri ques et socia les au sein du texte. La cri ti que bio gra phi que de Sainte-Beuve peut se com pren dre comme enquête sur l’indi vi dua lité des auteurs, qui permet ensuite d’éclairer les œuvres ; la pra ti que de Taine ou de Renan jette les bases d’une socio cri ti que. Taine, dans l’intro duc- tion de l’Histoire de la lit té ra ture anglaise (1863), emploie le terme « indice » : le texte « n’est qu’un moule, pareil à une coquille fos sile, une empreinte, pareille à l’une de ces formes dépo sées dans la pierre par un animal qui a vécu et qui a péri. Sous la coquille, il y avait un animal, et, sous le docu ment, il y avait un homme. Pourquoi étudiez-vous la coquille, sinon pour vous figu rer l’animal ? De la même façon, vous n’étudiez le docu- ment qu’afin de connaî tre l’homme ; la coquille et le docu ment sont des débris morts, et ne valent que comme indi ces de l’être entier et vivant ». Une ten sion entre la norme et le sin gu lier se me des sine ; l’enquête semble mue par un désir de signa ture, à partir ici du motif du grand homme, ou du génie lit té raire. L’inter pré ta- tion lit té raire vise bien à faire appa raî tre ce que le texte dis si mule, ou ce dont il est la trace, sans se dépar tir d’une dimen sion évaluative. Enquêter, interpréter, juger L’enquête, liée à un désir de connais sance, a un tel succès au XIX qu’elle perd par fois sa fonc tion her mé neu ti que et cir cule à tra vers dif fé rents champs du savoir. Un mou ve ment inverse touche pres- que cha cune des dis ci pli nes issues de la science posi tive et de la « science de l’homme » des années 1800 : les métho des se sin gu- la ri sent, le champ épistémologique se struc ture en sec teurs auto no- mes et cloi son nés. La cri ti que lit té raire est de plus en plus net te- ment scin dée en deux bran ches : l’une jour na lis ti que, l’autre scien ti fi que ou érudite. Si Sainte-Beuve est à la fois pro fes seur et jour na liste, Lanson est uni ver si taire et n’a plus de rap ports avec la presse. Or, si le « para digme indi ciaire » est une matrice de pensée sédui sante, Carlo Ginzburg lui-même invite à le rela ti vi ser : il ne s’agit pas pour lui de pro duire un modèle cog ni tif géné ral, mais de jus ti fier sa démar che d’his to rien et de tracer des paren tés entre divers modes d’acqui si tion du savoir. Florian Pennanech, dans l’arti cle « Portrait du cri ti que en enquê teur » , pro pose un « para- digme inqui si to rial » pour évoquer l’acti vité du cri ti que au XIX : mais la ques tion uploads/Litterature/ mouton-estelle-enquete-et-interpretation-des-textes-la-critique-a-la-loupe.pdf

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