Pr éf a c e Lorsqu a la mi-2012, aiguillonné par une conversation avec le Profe

Pr éf a c e Lorsqu a la mi-2012, aiguillonné par une conversation avec le Professeur Mary Lefkowitz, je décidai de reprendre le dossier linguistique de Black Athena, il me sembla vite que Tune des raisons pour lesquelles Martin Bernal avait pu maintenir si longtemps sa toquade sémitocentrique sans apparaitre comme le touche a tout peu crédible qu’il était avait forcément trait soit á l’absence des outils permettant de se faire une idee nuancée des principaux témoignages grecs sur l’Égypte, soit a leur inadéquation pour cause de rigidi- té, susceptible de passer pour de rhellénocentrisme. Abordant Hérodote, Pla­ ton ou Diodore de l’ extérieur et plaquant des pans de documentation égyp- tienne luxés et peu représentatifs sur de simples morceaux choisis de leurs oeuvres qu’il entendait au pied de la lettre comme autant de témoignages transparents représentatifs de ce que devaient penser tous les Grecs sur la longue durée, il lui fut facile de justifier son mépris pour la big picture dé- peinte par les spécialistes de ces auteurs. II présenta les hellénistes peu ou pas familiers des langues sémitiques comme autant d’incompétents, et vitupéra le prétendu biais idéologique par lequel les rares travaux pluridisciplinaires consacrés a ces témoins grecs auraient couché leur texte dans un lit de Pro- custe européanisé et raciste. Le status quaestionis encourageait ce contour- nement de la bibliographic de référence tout en compliquant la tache des premiers lecteurs critiques de Black Athena qui souhaitaient entrer en ma- tiére sur divers points précis de son scénario. D’un cóté, le De Iside et Osiride de Plutarque avait re§u une édition commentée a la mesure de sa dificulté et de sa richesse, par Gwyn Griffiths, cependant que Lloyd consacrait trois forts volumes au logos égyptien d’Hérodote, dont une mise á jour partidle existe dans l’édition de la collection Lorenzo Valla puis dans sa traduction anglaise de 2007. Ces travaux grandioses, mais discursifs plutót que synthétiques et pas toujours aisément accessibles, ont vieilli a proportion des avancées consi- dérables réalisées par l’histoire des idées religieuses et la compréhension des principaux corpus égyptologiques. En outre, leur monumentalité a eu pour effet pervers d’ engendrer chez l’ utilisateur de Lloyd ou de Gwyn Griffiths une certaine lassitude, voire du découragement, devant la perspective de les re- faire ou de prendre leur contrepied. De l’ autre cóté, trop d’auteurs égyptiani- sants laissent leur lecteur occasionnel presque démuni de tout secours. II ExClass Anejo IX, 2017 7 Je a n -Fa br ic e N a r d el l i n’ existe qu’un commentaire frugal, de surcroit fragilisé par les insuffisances flagrantes de sa critique des témoignages, pour le livre I de Diodore, tandis que les fragments de Manéthon ou Hécatée (mal édités par Jacoby et jamais commentés avant le Brill’s New Jacoby) et de Chérémon (insufisamment an- notés par P. van der Horst) ainsi que les allusions platoniciennes á l’Egypte (jamais rassemblées, encore moins étudiées de concert aux plans thématique et littéraire) attendent toujours des investigations menées suivant des normes modernes. Naviguant entre abondance de biens, oü les lignes de force res- sortent mal, et pénurie de travaux d'approche fiables par des savants respon­ sables, les hellénistes qui eurent á se prononcer sur les tomes de Black Athe­ na sont relativement excusables pour avoir reservé leur jugement en ména- geant le prolifique trublion. Tout en préparant ma demolition des principales hérésies de Black Athena III, que la mort de Bernal rendit encore plus ur­ gente, j’entrepris de jeter les bases dun programme de recherches sur ces Graeco-Mgyptiana qui füt de nature á démontrer par l’ exemple l’inanité des deux classes de suspicion attachées par lui a la Spezialforschung. En effet, si ses épigones ne semblent plus tres nombreux, certaines de ses idées ont inté­ gre le mainstream académique, avec des conséquences qu’il ne faudrait pas mésestimer dans l’actuel climat de post-postmodernisme métissé. La nécessi- té d’ écrire un ou plusieurs commentaires sans cedieres aux plus négligées de ces oeuvres s’imposa bientót a moi. Mais une fois bouclé ‘Black Athena Fades Away’, qui parut en février 2014, un intérét assez ancien pour 1 'Histoire Au­ guste porta tout á coup du fruit scientifique et G. Scafoglio me proposa de travailíer sur les débris des épopées cycliques, textes qui m’attiraient depuis longtemps en marge de mes intéréts homériques. Je dus renoncer au projet d’étudier de plus prés les informateurs grecs sur l’ Égypte. Je n’y retournai qu’au printemps 2015, aprés avoir achevé ‘L’ Orient dans le Cycle’ dans les in­ tervalles de la préparation d’un review-article du livre de Haubold sur les dialogues helléno-mésopotamiens et tout en menant de front une puis deux enquétes sur la Tendenz paienne dans YHA. A ce moment, mon choix s’était porté sur le traité plutarchéen, dont les prolégoménes, en particulier, venaient juste d’etre analysés par G. Roskam avec une extréme finesse littéraire et beaucoup de rigueur mais sans trop d’attention aux détails du texte. Je décidai de compléter cette étude, surtout axée sur la composition et l’enchamement des idées, en y injectant une bonne dose de critique textuelle ou sourciére, en reconsidérant l’argumentation doctrínale, et en réouvrant un certain nombre de dossiers litigieux, sans rechercher une exhaustivité qui eüt été assez vaine ni cultiver un discours égyptologique qui, pour étre adapté aux considéra- tions méthodologiques développées par Plutarque, devait avoir élucidé la sec­ tion suivante du traité, mais en m’appuyant sur une bibliographic plus impor­ tante que chez Roskam et les exégétes. Le commentaire des onze premiers chapitres achevé durant l’ été 2015, j’hésitai alors entre sauter la narration du mythe osirien pour m’intéresser á l’un des segments constituant un ensemble 8 ExClass Anejo IX, 2017 L’Osir is de Pl u t a r q u e thématique de l’ exégése théologico-philosophique de ce récit que propose Plutarque (chapitres 20-71) et affronter les 0eoA.oyoup.eva du logos égyptien de Diodore, avec l’intention de faire mieux que Burton et de conjurer l’in- fluence toujours considérable de Spoerri sur la critique des sources de ces cu- rieux développements. Compte tenu des forces et surtout des faiblesses des travaux existants sur les chapitres 12-19 du De Iside ; considérant aussi cer- taine propensión persistante, chez les hellénistes comme chez des égyptolo- gues, a monter en épingle des scenes ou des détails isolés des tribulations de la famille d’Osiris sans reflexion d’ ensemble suffisante sur les sources et la Tendenz de la version du mythe composée par le Chéronéen ; eu égard enfin a l’ actualité savante sur ce traite {infra, 16-17), l’ urgence se trouvait sans contestation du cóté de l’Osiris de Plutarque. Méme en soup§onnant la fai- blesse de la synthése de Hani, je pensáis initialement qu’un article comparable en volume a celui sur le prologue viendrait a bout de cette tache ; c’est que la richesse du commentaire de Gwyn Griffiths et l’imposante technicité du cha- pitre de Ciho donnaient le change sur son ampleur. Ayant constaté l’inadé- quation de ces travaux en de nombreux endroits, et découvert les défauts béants, compliqués d’infractions a la déontologie savante, qui abondent chez Hani (nul ne s’est avisé que ses citations primaires, a fort peu de vétilles prés comme la transformation d’ ‘Anoubis’ en ‘Anubis’ ou d’*Horus le Vieux’ en ‘Horus l’Ancien’, reproduisent le plus souvent la traduction Meunier, jamais mentionnée dans le livre), ces amours supplémentaires ont fini par devenir l’ouvrage que voici, qualecumque est. Je ne puis me convaincre qu’il est trop épais pour les mille cinq cent neuf mots grecs dont on lira une recension nou- velle dans l’appendice. Je voudrais juste qu’on n’ y dépiste pas trop clairement les traits caractéristiques propres aux ‘commentaires-mammouth’, en l’ espéce : les dimensions inversement proportionnelles á la vigueur de la pensée et a l’acuité du jugement mis en ceuvre ; la surannotation obsessive de banalités associée á l’ignorance des dificultes les plus insidieuses ; un désir, aussi naif que pédantesque, d’enrober chaqué passage d’érudition primaire ou secon- daire quand bien méme elle n’en illuminerait pas beaucoup la teneur (a contrario, plus le texte-source s eloigne du mainstream valant selon les cas pour le genre littéraire, l’époque ou la longue durée, plus urgente était la mise au point détaillée des connaissances de fond par rapport auxquelles il se situé) ; et la tendance au simple catalogage factuel, ó de Stoffsammlung, prenant peu ou pas parti sur les intentions probables, les aptitudes, les faiblesses de l’auteur par rapport á son sujet. II convient d’y insister : un commentaire ambitieux de cette tranche du De Iside ne pouvait en aucun cas se couler dans les cadres accoutumés. Aprés que des historiens des religions (Hopfner, Hani, le fin égyptologue Gwyn Griffiths) ou des idées (Froidefond), des spécialistes de Plutarque (Por­ domingo, García, Górgemanns), et de purs égyptologues (Ciho), aient pris a bras le corps cette section difficile chacun selon sa sensibilité personnelle, il ExClass Anejo IX, 2017 9 Je a n -Fa br ic e N a r d el l i n’ était pas mauvais qu’ un helléniste classique versé dans le Proche et uploads/Litterature/ nardelli-prefacio 1 .pdf

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