1 NOTICE SUR LA CARRIÈRE ET L’ŒUVRE SCIENTIFIQUE MARC ANGENOT (*Bruxelles, 1941

1 NOTICE SUR LA CARRIÈRE ET L’ŒUVRE SCIENTIFIQUE MARC ANGENOT (*Bruxelles, 1941) a obtenu en 1967 un doctorat en philosophie et lettres de l’Université libre de Bruxelles avec une thèse principale sur la Rhétorique du surréalisme et une thèse annexe sur le créole haïtien. Ses thèses avaient été dirigées par l’éminent philologue et stylisticien Albert HENRY (1910- 2002). Parmi ses autres professeurs, on mentionnera le philosophe de la nouvelle rhétorique, Chaïm PERELMAN (1912-1984), ROLAND MORTIER, grand spécialiste du 18e siècle, et le pionnier de la sociologie de la littérature, Lucien GOLDMANN (1913-1970). CARRIÈRE ET RÉCOMPENSES HONORIFIQUES Marc Angenot est depuis 1967 professeur à l’Université McGill au Département de langue et littérature françaises.1 Il a été nommé en 2001 pour un mandat de quinze ans à une chaire de recherche, le James McGill Professorship d’étude du discours social. Il est membre de l’Académie des lettres et des sciences humaines, l’une des trois composantes de l’Académie canadienne des lettres, des sciences et des arts2 ; il y a été élu en 1985, en est devenu le secrétaire en 2001 et le vice-président de 2003 à 2004. Le PRIX DU QUÉBEC LÉON-GÉRIN lui a été décerné en 2005 pour l’ensemble de son œuvre et il est le seul professeur de lettres à avoir jamais reçu cette distinction. La notice affichée sur le site des prix du Québec débute en ces termes : «D'une érudition époustouflante, Marc Angenot est professeur de littérature française à l'Université McGill depuis près de 40 ans. Auteur prolifique d'une vingtaine d'ouvrages et coauteur d'une dizaine d'autres, il a construit une œuvre reconnue pour son originalité et sa profondeur théorique. Diffusée à l'échelle internationale, elle sert aujourd’hui à de nombreux chercheurs partout au monde et fait de lui l'un des penseurs les plus éminents en sciences humaines au Québec.» LE PRIX DES SCIENCES HUMAINES ANDRÉ-LAURENDEAU lui a également été 1 Directeur du Département de langue et littérature françaises de 1998 à 2001. Pendant les années 1980 et jusqu’en 1991, il a aussi été membre «cross-appointed» du Programme de littérature comparée, programme qu’il dirigeait. 2 Ci-devant «Société royale du Canada». Angenot est également chevalier de l’Ordre des Palmes académiques (France), 2004. 2 décerné en 1996 ainsi que, la même année, le PRIX SPIRALE EVA LEGRAND de l’essai. Angenot a enfin été élu titulaire pour 2011-2012 de la CHAIRE PERELMAN de philosophie du droit, théorie de l’argumentation et histoire des idées à l’Université Libre de Bruxelles. DOMAINES DE RECHERCHE ; PREMIERS TRAVAUX Ses domaines de recherche sont l’analyse du discours, l’histoire des idées politiques et sociales, la rhétorique et la philosophie du raisonnement et de l’argumentation. Son œuvre développe notamment une théorie du discours social de laquelle il sera question plus bas. Abondamment citée et commentée,3 cette œuvre a fait l’objet en 2004 d’un numéro du Yale Journal of Criticism, ―Marc Angenot and the Scandals of History‖, ensemble dirigé par Robert F. BARSKY (Vanderbilt University à Nashville).5 Les premiers livres de Marc Angenot ont porté sur les marges de la littérature canonique et sur des secteurs négligés par la tradition universitaire. Le roman populaire: recherches en paralittérature (Montréal, 1975) aborde les thèmes et les genres du roman-feuilleton du 19e siècle entre Les Mystères de Paris et Fantômas. Auteur de plusieurs études sur l’utopie et la science-fiction, Angenot fut, entre 1978 et 1984, co-rédacteur de Science-Fiction Studies, qui était et demeure la seule revue savante en ce domaine. Son essai «Le Paradigme absent», Poétique, no 33: 1978, est devenu une référence théorique classique. Dès cette époque toutefois, Marc Angenot travaille à la reviviscence de l’ancienne rhétorique dans le cadre des méthodes nouvelles d’analyse sémiotique des textes. La Parole pamphlétaire, ouvrage publié chez Payot en 1982 et régulièrement réédité, constituait une percée dans l’analyse négligée des genres polémiques. Les Champions des femmes (Montréal, 1977) examine une longue tradition érudite et galante qui, entre 1400 et 1800, a prétendu démontrer à grand renfort d’exempla et de preuves topiques la supériorité du sexe féminin. La Critique de la raison sémiotique, fragment avec pin up [P.U.M., 1985; traduit en anglais, Critique of Semiotic Reason] procède à une confrontation systématique des théories sémiotiques de Charles S. PEIRCE à Umberto ECO, diversement oublieuses du fait social. 3 Occurrences de "Marc Angenot" sur le web (en 2011) : 70.500 résultats par Google. 5 Voir aussi «Autour de Marc Angenot», numéro présenté par PIERRE POPOVIC ET JANE EVERETT. Littératures (Montréal), 17: 1998 ; «Marc Angenot», in Les lauréats 2005. Les prix du Québec. Québec: Gouvernement du Québec, 2005; Et 1889 a eu vingt ans : Questions à Marc Angenot, Actes de la table ronde du 17 décembre 2009 sous la direction de YAN HAMEL & EMMANUELLE JACQUES. Montréal: Discours social, 2010. 3 ANALYSE DU DISCOURS, HISTOIRE DES IDÉES. THÉORIE DU DISCOURS SOCIAL Pour Marc Angenot, la rhétorique de l’argumentation ne doit être qu’une composante d’une discipline à laquelle il allait consacrer son énergie et sa créativité: l’analyse du discours, intégrée à l’histoire des idées. Ses premiers travaux en ce domaine datent du début des années 1980. On verra par exemple «Le discours de l’anthropologie préhistorique», dans le collectif «Le pouvoir dans ses fables», Littérature, 50: 1983. Et la même année, une «Lecture intertextuelle d’un texte de Freud», Poétique, no 56. Angenot s’emploie à développer à cette époque une théorie du discours social: il s’agissait de construire une problématique et une batterie de concepts susceptibles de rendre raison en synchronie de la totalité de ce qui s’écrit, s’imprime et se diffuse dans un état de société. De ce projet sortira un ouvrage de mille deux cents pages, analyse en coupe de l’imprimé français au cours d’une année entière et exposé de ladite théorie, Mil huit cent quatre-vingt-neuf: un état du discours social, Montréal, 1989. L’année 1889 apparaît comme une année-charnière: c’est l’année du centenaire de la Révolution, de l’Exposition universelle, de la Tour Eiffel, l’année de la «résistible ascension» du général Boulanger, l’année du «Drame de Meyerling» et de bien d’autres événements prégnants... «L’objet que j’ai cherché à synthétiser, expose-t-il, n’est évidemment pas le tout empirique de surface, cacophonique et redondant, mais les règles de production et d’organisation des énoncés, les typologies et topographies, les répertoires topiques et les présupposés cognitifs, les principes de division du travail discursif qui, pour une société donnée, organisent et délimitent le dicible, – le narrable et l’argumentable, si on pose que narrer et argumenter sont les deux modes prédominants du discours.» À l’ouvrage principal se sont adjoint quatre autres livres parus en Europe qui développent certains aspects de la question: Le cru et le faisandé: sexe, discours social et littérature, Bruxelles, Labor, 1986; Le Centenaire de la Révolution, Paris, La Documentation française, 1989; Ce que l’on dit des Juifs en 1889: antisémitisme et discours social, P.U. Vincennes, 1989 (ce dernier travail a été accueilli par les historiens de l’antisémitisme comme procurant une interprétation nouvelle de la genèse française du phénomène; il est prolongé par une étude ultérieure, Un Juif trahira: le thème de la trahison militaire dans la propagande antisémite, 1995; rééd. 2003). On a aussi, sur la publicité en vers au tournant du siècle, L’Œuvre poétique du Savon du Congo, Paris, 1992. La théorie du discours social sert aujourd’hui de référence à de nombreux chercheurs dans les Amériques et en Europe. Les questions de sociocritique de la littérature ont continué parallèlement à susciter à cette époque la réflexion du chercheur. On verra notamment un essai fréquemment cité, «Que peut la littérature? Sociocritique et critique du discours social», dans le volume d’hommage à Claude DUCHET, La Politique du texte, Lille, 1992. 4 L’HISTOIRE DES GRANDS RÉCITS Au cours des années 1990, la réflexion d’Angenot s’est définitivement concentrée sur l’histoire des idées, sur la philosophie politique et spécialement l’histoire des militantismes progressistes et de ce qu’il analyse comme «les Grands récits». Ses nombreux livres en ce domaine font d’Angenot un des premiers spécialistes de l’histoire des idéologies et particulièrement de l’histoire des idées socialistes et révolutionnaires. Le premier en date est Topographie du socialisme français 1889-1890, 1990 (rééd. en 2006). L’Utopie collectiviste, paru aux PUF en 1993, traite de la représentation de la société censée sortir de la révolution, telle que vue par les leaders et les propagandistes officiels de la Deuxième Internationale. La Propagande socialiste, 1997, est un recueil d’essais portant sur la presse et les brochures produites par le mouvement ouvrier européen à la même époque. L’antimilitarisme: idéologie et utopie, Québec, 2003, étudie ce puissant mouvement qui se développe dans l’extrême gauche d’avant 1914. Enfin, portant sur une époque ultérieure, La critique au service de la révolution, Paris, Vrin, 2000, analyse la critique littéraire et artistique communiste des années d’entre-deux-guerres. Vers la fin des années 1990, Marc Angenot allait étendre encore sa réflexion en remontant à la critique sociale romantique et aux «socialistes utopiques». De la prise à bras le corps des deux siècles de la modernité «progressiste», sortiront quatre nouveaux ouvrages: ● Colins et le socialisme rationnel, Montréal, 1999, qui fait revivre le plus oublié des faiseurs de grands «systèmes» du 19e siècle et uploads/Litterature/ notice-scientifique-marc-angenot.pdf

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