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Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 2010 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 20 juil. 2021 21:53 Études françaises Présentation Éthique, Littérature, Expérience Maïté Snauwaert et Anne Caumartin Responsabilités de la littérature : vers une éthique de l’expérience Volume 46, numéro 1, 2010 URI : https://id.erudit.org/iderudit/039812ar DOI : https://doi.org/10.7202/039812ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Presses de l'Université de Montréal ISSN 0014-2085 (imprimé) 1492-1405 (numérique) Découvrir la revue Citer ce document Snauwaert, M. & Caumartin, A. (2010). Présentation : Éthique, Littérature, Expérience. Études françaises, 46(1), 5–14. https://doi.org/10.7202/039812ar prsentation Éthique, Littérature, Expérience mat snauwaert et anne caumartin Il y a un âge où on ne rencontre plus la vie mais le temps. On cesse de voir la vie vivre. On voit le temps qui est en train de dévorer la vie toute crue. Alors le cœur se serre, on se tient à des morceaux de bois pour voir encore un peu le spectacle qui saigne d’un bout à l’autre du monde et pour ne pas y tomber. Pascal Quignard, Terrasse à Rome1 Dans La pensée du roman en 2003, Thomas Pavel suggérait que « l’objet séculaire » de l’intérêt du roman est « l’homme individuel saisi dans sa difficulté d’habiter le monde2 ». Walter Benjamin de son côté faisait du roman « la forme que les hommes se procurèrent, lorsqu’ils ne furent plus capables de considérer que du seul point de vue des affaires pri vées les questions majeures de leur existence3 ». L’intérêt de la philoso phie contemporaine pour la littérature est à rapporter à de telles propositions. Dans son introduction à l’ouvrage collectif Éthique, litté- rature, vie humaine, en 2006, Sandra Laugier remarque que « la litté rature nous donne […] à voir et à vivre la difficulté d’accès au monde, au réel », en sa qualité d’« expérience indissolublement intellectuelle et sensible4 ». Daniel Schwarz écrit pour sa part dans un article intitulé . Pascal Quignard, Terrasse à Rome, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2000. . Thomas Pavel, « Introduction », dans La pensée du roman, Paris, Gallimard, coll. « NRF essais », 2003, p. 49. . Walter Benjamin, « Roman und Erzählung », dans Gesammelte Schriften, t. II, vol. 3, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp Verlag, 1977, p. 1283. Cité par Jean-Maurice Monnoyer dans sa notice introductive au texte « Le Narrateur. Réflexions à propos de l’œuvre de Nicolas Leskov » [1936], dans Walter Benjamin, Écrits français, introduction et notice de Jean-Marie Monnoyer, Paris, Gallimard, coll. « Folio/Essais », 1991, p. 258. . Sandra Laugier (dir.), Éthique, littérature, vie humaine, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Éthique et philosophie morale », 2006, respectivement p. 11 et 10. On tudes franaises • 46, 1 « A Humanistic Ethics of Reading » : « Literature provides surrogate expe- riences for the reader, experiences that, because they are embodied within artistically shaped ontologies, heighten our awareness of moral discrimina- tions5. » L’aspect moral dans ces approches n’est donc pas nécessaire ment contenu dans le texte, sous la forme d’un message ou d’une conduite à suivre, mais plutôt, parce qu’il met en jeu des représenta tions de l’agir et du penser humains, dans le dialogue qui se noue entre le lecteur et le texte, espace où peut s’exercer librement son discerne ment. Ce qu’on entend par éthique dans le présent dossier se rappro che alors de la définition qu’en donne Charles Taylor à la suite de Bernard Williams dans son étude de l’identité moderne : « l’ensemble des moyens que nous mettons en œuvre pour répondre à la question “comment devrions-nous vivre ?”6 » Ce lien de la littérature à l’éthique est pérenne. Comme le rappelle Michael Eskin dans son article « On Literature and Ethics » : « Since its appearance as a philosophical discipline on the scene of the Western intellec- tual and cultural tradition in ancient Greece, ethics has been, not surprisingly, enmeshed with literature7. » Mais si les travaux de la philosophie morale s’intéressent particulièrement à la littérature actuellement, c’est qu’ils relèvent « une transformation profonde de l’objet de l’éthique8 », dont l’attention se porte sur la notion de vie humaine9. La littérature fournit consultera également l’approche par des littéraires des apports de la littérature à l’éthi que : Florence Quinche et Antonio Rodriguez (dir.), Quelle éthique pour la littérature ? Pratiques et déontologies, Genève, Labor et Fides, coll. « Le champ éthique », 2007. . « La littérature fournit au lecteur des expériences de substitution, expériences qui, parce qu’elles sont incarnées dans des ontologies artistiquement formées, augmentent notre conscience des distinctions morales » (nous traduisons). Daniel R. Schwarz, « A Humanistic Ethics of Reading », dans Todd F. Davis et Kenneth Womack (dir.), Mapping the Ethical Turn. A Reader in Ethics, Culture, and Literary Theory, Charlottesville, University Press of Virginia, 2001, p. 5. Cité par Michael Eskin, « On Literature and Ethics », Poetics Today, vol. 25, no 4, Durham, Duke University Press, 2004, p. 580-581. . Charles Taylor, Les sources du moi. La formation de l’identité moderne (trad. de Charlotte Melançon), Montréal, Boréal, coll. « Compact », 2003 [1989], p. 79 ; Bernard Arthur Owen Williams, L’éthique et les limites de la philosophie (trad. de Marie-Anne Lescourret), Paris, Gallimard, coll. « NRF essais », 1990. . « Depuis son apparition en tant que discipline philosophique sur la scène de la tra dition intellectuelle et culturelle occidentale en Grèce antique, l’éthique a été, de façon non surprenante, entremêlée à la littérature » (nous traduisons). Michael Eskin, art. cit., p. 575. . Sandra Laugier, op. cit., p. 9. . Bien qu’en suivant Eskin, il semble que ce soit leur intérêt commun pour « the dis- cursive engagement with human life, interaction, and conduct » (« l’engagement discursif avec la vie humaine, l’interaction, et la conduite » [nous traduisons]) qui ait de tout temps lié la littérature et la philosophie (art. cit., p. 575). alors à la fois un réservoir d’exemples et un terrain exploratoire privi légié, puisque à travers elle le lecteur éprouve des possibles qu’il ne pourrait tous expérimenter dans sa vie. De nouveau, la valeur modéli sante du littéraire n’est pas issue ici d’un projet d’édification morale, mais de la formation au sens fort qu’elle dispense, qui rejoint le postu lat de Suzanne Jacob selon lequel dans le roman « tout est encore à vivre10 ». Or la littérature occidentale contemporaine, significativement bio graphique et autobiographique dans les dernières années, avec une tendance à l’exemplaire11 et un intérêt marqué pour les romans fami liaux et les récits de filiation12, semble promouvoir, elle aussi, un intérêt pour les formes de vie et raviver ainsi la notion d’expérience, soixante- dix ans après que Walter Benjamin en a enregistré la chute13. Parler d’« éthique » et de « responsabilité » à propos de la littérature aujourd’hui, ce n’est donc pas rejouer la question de l’engagement telle qu’elle a pu être débattue par les écrivains au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ; mais plutôt, après « l’ère du soupçon » qui a conditionné la relation de la littérature au réel jusqu’aux années 1970, tenter de fédé rer le type de questionnement qui apparaît lorsque la littérature se donne pour enjeu ce qu’on pourrait appeler, en référence aux remar ques précédentes, le problème de vivre. . Par opposition à la biographie, qui met en scène « du vécu, autrement dit du ter- miné » (Suzanne Jacob, « L’entendu », dans La bulle d’encre, Montréal, Presses de l’Université de Montréal [Prix de la revue Études françaises 1997], 1997, p. 43-47). . Voir notamment les travaux d’Alexandre Gefen, par exemple : Alexandre Gefen, « La communauté des morts. Les recueils de “Vies” », dans Irène Langlet (dir.), Le recueil littéraire. Pratiques et théorie d’une forme, Rennes, Presses universitaires de Rennnes, coll. « Interférences », 2003, p. 47-60. Ou bien l’ouvrage collectif d’Emmanuel Bouju, Alexandre Gefen, Guiomar Hautcœur et Marielle Macé (dir.), Littérature et exemplarité, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2007. . Particulièrement mis au jour par Dominique Viart. Voir entre autres : « Mémoires du récit. Questions à la modernité », dans Dominique Viart (dir.), Écritures contemporaines I. Mémoires du récit, Paris-Caen, Minard, coll. « Lettres modernes », 1998, p. 3-27 ; « Filiations littéraires », dans Jan Baetens et Dominique Viart (dir.), Écritures contemporaines II. États du roman contemporain, Actes du colloque de la Fondation Nœsis tenu à Calaceite du 6 au 13 juillet 1996, Paris-Caen, Minard, coll. « Lettres modernes », 1999, p. 115-139 ; « Dis-moi qui te hante. Paradoxes du biographique », Revue des Sciences humaines, uploads/Litterature/ ethique-litterature-experience-presentation.pdf
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- Publié le Apv 22, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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