Accueil du site Qui sommes-nous? Contact Abonnement Plan du site N° 56, juillet
Accueil du site Qui sommes-nous? Contact Abonnement Plan du site N° 56, juillet 2010 La dimension mystique de la poésie classique persane Râheleh Morakkabi La poésie persane est l’expression la plus brillante et la plus riche du génie iranien. Née il y a plus d’un millénaire, elle s’est développée sans interruption jusqu’à nos jours. Pour la compréhension de cette poésie et surtout son aspect mystique qui lui a donné beaucoup d’importance, la connaissance du « soufisme », du moins dans ses grandes lignes, est nécessaire. I. Le soufisme (تصوف) I.I Historique Nul ne connaît l’acte de naissance du soufisme. Il s’inscrit et se décrit dans l’histoire, mais ne s’enferme pas dans une période particulière car il désigne avant tout une attitude spirituelle de l’homme, sans aucune frontière temporelle ou spatiale. Au dire de ses adeptes, il existait déjà avant l’islam puisque les doctrines et les enseignements de prophètes tels qu’Abraham, Moïse et Jésus définissaient également une attitude spirituelle de l’homme. On pourrait décrire la conception idéaliste et universaliste du soufisme comme l’élan de l’amour jusqu’au renoncement extrême et au martyre, le désir irrépressible et parfois détourné de réaliser l’homme en Dieu et Dieu en l’homme. Voilà pourquoi la folie de la sagesse et la sagesse du désir se sont exprimées dans une littérature qui atteint les sommets de la poésie, de la philosophie et de la théologie, en exprimant les plus cruelles douleurs de l’amour jusqu’à la crucifixion du corps, du cœur et de l’âme. I.II. Etymologie Le soufisme historique est né et a grandi en milieu musulman et l’étymologie du mot « soufi » vient du mot souf qui signifie en arabe « laine » et qui désigne le vêtement de laine que le prophète Mohammad portait lors des prières et que les premiers soufis ont adopté. C’est du moins l’hypothèse la plus courante concernant l’origine de ce mot et celle qu’Ibn Khaldoun a retenue. Le soufi porte en général un vêtement de laine en signe de modestie, comme le Prophète et les pauvres. Par la suite, la modestie et la pauvreté seront évoquées sous d’autres noms : en arabe faqir et en persan darvish. Le mot "soufi" a également des similitudes phonétiques avec d’autres mots dont, selon certains, il sera issu. En voici quelques exemples : 1- Safâ : (clair, limpide) qui signifie pureté cristalline. 2- Soffa : (les gens du banc), en référence à ceux qui vivaient dans la mosquée du Prophète à Médine et qui sont mentionnés dans le Coran comme « ceux qui invoquent leur Seigneur matin et soir, désirant Sa face ». 3- Sophi, du latin Sophia qui signifie sagesse. Certains ont trouvé une ressemblance vocale entre le soufi et la sophia et ont considéré cette dernière comme étant à l’origine du mot soufisme. Cependant, cette hypothèse est réfutée par la plupart des chercheurs. Des chercheurs ont fait remarquer qu’à part la première dérivation, celle qui signifie laine, toutes les autres sont incorrectes du point de vue de la grammaire arabe. Par exemple, Ghoshiri, soufi et mystique réputé du XIe siècle, dans le 42e chapitre de son livre Resâleh-ye Ghoshirieh, le littéraire persan Jalâleddin Homaï dans la préface de Mesbâh al-Hidâya, et Sohrawardi dans son Avâref al-Ma’ârif ont signalé que le mot soufi est dérivé directement de souf (la laine). Vieil ascète, Torâbi Beyk, Musée Rezâ Abbâsi I.III. Le soufisme au sens strict Selon Ibn Khaldoun, le soufisme au sens strict désigne un groupe qui suivait des préceptes particuliers en vivant et s’habillant d’une certaine manière. Ce titre est apparu au VIIIe siècle dans le monde musulman, en particulier en Iran. La première personne réputée "soufi" fut Abou Hâshem Soufi(mort en 767) et ses célèbres contemporains soufis furent Abou Sofyân Souri (mort en 777) et Ebrâhim Adham (mort en 779). Ce premier soufisme qui était le leur prônait la retraite du monde et la purification de l’âme, et était notamment influencé par les enseignements bouddhiques et manichéens notamment de par leur dimension ascétique (riyâzat). Le IXe siècle voit l’entrée dans le soufisme ascétique de pensées et de réflexions philosophiques, ce qui conduit la seconde génération des soufis à diminuer les pratiques ascétiques. La philosophie néo-platonicienne a ainsi influencé les enseignements des maîtres du soufisme, en particulier les influents grand-maîtres soufis du Khorâssân qui ont joué un rôle de premier plan dans la formation du soufisme. Ce développement provoqua le mécontentement des instances religieuses officielles qui accusaient les soufis d’athéisme et de mécréance. C’est aussi à partir de cette époque que la riche littérature soufie a commencé à prendre forme en tant qu’écrits inspirés du Coran et des compilations de hadiths et moyens pour les soufis de présenter leur pensée et de pouvoir se défendre contre les diverses attaques dont ils étaient alors l’objet. La poésie s’est ainsi développée à l’intérieur du soufisme et de nouveaux concepts apparurent au côté de termes déjà existant tels que l’ascétisme (زهد), l’acte rituel (تعبد) ou la recherche (طلب). De nombreux autres termes [1] mystiques furent formulés par les grands soufis tout au long des siècles suivants, tandis que la poésie devint l’un des moyens d’expression des extases mystiques. Ainsi, le soufisme a laissé une empreinte importante dans l’ensemble de la littérature persane. II. Le mysticisme (عرفان) Les mots « soufisme » et « mysticisme » sont souvent pris pour synonymes, alors qu’ils recouvrent deux champs sémantiques indépendants. Le soufisme est une voie et une manière pieuse de vivre selon les doctrines religieuses destinées à purifier l’âme ainsi qu’à parvenir à la Vérité ou à Dieu (Haqq), alors que le mysticisme est davantage une "pensée" dont le but est de connaître la vérité absolue et la réalité des mystères, non par l’intermédiaire des sciences exactes ni par celui de la philosophie, mais par le biais d’une illumination intérieure (ishrâq). Le mysticisme peut donc être considéré comme l’idéal, le but et la dernière étape du soufisme ; il est le moyen qui conduit au degré de l’excellence de la foi et d’accueillir en soi la lumière divine. Cependant, ce désir ne se réalisera que par la voie du soufisme. Il existe donc des différences entre un « soufi » et un « mystique » : ce dernier est aussi un soufi, tandis qu’un soufi n’est pas forcément un mystique. II.I. La poésie mystique Dans la symphonie poétique de l’Iran, riche et merveilleuse de par ses nuances et orientations, il existe un fond et une sorte de fil conducteur : c’est le souffle soufi, qu’on peut nommer le mysticisme oriental. Le soufisme avait élaboré une morale et une pédagogie qui ne dédaignaient pas la poésie persane. A ses débuts, la poésie proprement mystique n’était que l’effusion des âmes transportées et enivrées de l’amour divin. Elle consistait en courtes pièces passionnées que les soufis improvisaient au cours de leurs exercices. Récitées, ces pièces enflammaient l’auditoire. Le règne de la dynastie samanide en Transoxiane (Mâ warâ’ an-Nahr) et dans le Khorâssân marqua l’essor de la nouvelle littérature persane. En effet, jusqu’à la fin du Xe siècle, la nouvelle poésie n’avait été cultivée que dans le grand Khorâssân, et c’est à partir du règne samanide qu’elle commença à s’étendre également vers l’ouest. Parmi les poètes de ce siècle, on peut nommer Abou Saïd Aboulkheyr, célèbre poète mystique du Khorâssân, ainsi que l’un des premiers représentants du panthéisme mystique. Le XIe siècle, siècle d’Abou Saïd, voit l’apparition des grandes querelles entre les différentes branches soufies. On peut ainsi voir différentes tendances soufies défendues par chaque poète mystique : Aboulkheyr est le représentant du panthéisme mystique, Ansâri, le Vieux du Herat, compose des poèmes-prières harmonieux en prose ou en vers, et Bâhâ Tâher chante l’amour mystique dans des rimes folkloriques relevées par son accent. Jeune homme rendant visite à un vieil ascète, artiste inconnu, Moraqqa’ (No. 1638), XVIIe siècle, Palais du Golestân Au XIIe siècle, le soufisme est de plus en plus respecté par une population lasse des querelles religieuses. Pour elle, le soufisme se présente comme une école de paix, d’affection et d’amour, une échappatoire aux fondamentalistes religieux. Le soufisme devenant de plus en plus populaire, la poésie tend également à sortir des cours royales pour entrer naturellement dans les confréries soufies. Dès ce siècle, elle tend aussi à se teinter de mysticisme. On a cependant d’ores et déjà une poésie purement mystique, si bien qu’il est parfois difficile de distinguer ces deux genres. Les Mathnavis de Sanâ’ï, ouvrages mystiques, et leur contemporain Makhzan al-Asrâr (Trésor des mystères) de Nezâmi, ouvrage lyrique à teinte mystique, peuvent être cités comme exemples. Sanâ’ï fut le premier grand initiateur de la poésie mystique. Sous l’influence des enseignements de divers maîtres soufis, il formula succinctement la théorie d’une poésie mystique qu’il illustra le premier dans son œuvre et qui marque le développement du genre littéraire soufi dans l’histoire de la littérature persane. Ce genre littéraire atteignit l’un de ses sommets avec ‘Attâr Neyshâbouri. Au XIIIe siècle, l’influence du soufisme ne fit que s’étendre davantage et l’on peut dès lors considérer que les deux genres de la littérature mystique et uploads/Litterature/ soufisme.pdf
Documents similaires
-
20
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 05, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3241MB