Paris-Brest de Tanguy Viel Auteur : Tanguy Viel Titre : Paris-Brest Éditeur : É
Paris-Brest de Tanguy Viel Auteur : Tanguy Viel Titre : Paris-Brest Éditeur : Éditions de Minuit Date de parution : janvier 2009 C’est l’écriture qui m’a séduite avant tout dans ce roman. De longues phrases qui se déroulent, qui pourraient être interminables sans que ça gêne, qui disent sans trop en dire, qui dévoilent l’histoire au compte-goutte, un style inimitable. Cette fois-ci, c’est le roman autobiographique qu’il décortique. Et il emmène le lecteur dans l’univers du vrai, du faux, tout est mêlé, qu’est-ce qui relève de l’invention, de la création, qu’est-ce qui relève de la vérité, comment écrit-on un roman autobiographique qui pourrait plaire aux lecteurs parce que "je peux dire comme lui que oui, tout le monde s’en fout des histoires de famille". C'est un univers bourgeois et étriqué que Louis le fils de la famille décrit dans une fausse autobiographie. Tolstoï écrivait « Toutes les familles heureuses se ressemblent, les malheureuses le sont chacune à leur façon » et la façon de celle-ci c'est le conformisme social, le mensonge et la difficulté d'aimer. L'histoire commence pourtant joliment quand une vieille dame donne le bras à un vieux monsieur et que celui-ci se décide à l'épouser pour rendre leur vieillesse moins solitaire. Devenue héritière à millions, la fortune de la grand –mère deviendra l'infortune de la famille, l'errance de tous, le malheur de chacun. le grand théâtre de la vie décortiqué par un des acteurs de la famille, le petit fils, le plus coupable d'entre tous parce que sans doute le plus aimé de la grand-mère. Louis va fuir Brest, sa faute et ses fantômes pour Paris et faire le chemin inverse cinq ans après pour passer un Noël en famille. C'est ce retour qui fera éclater une vérité qui n'apportera peut-être pas le salut tant espéré par le lecteur tout au long de la lecture. Tanguy Veil nous offre à lire « le roman familial » de Louis, personnage principal, vivant à Brest, il emménage dans l'appartement juste en dessous de celui de sa grand-mère, elle a hérité de ce grand appartement et de 18 millions d'euros après un mariage inespéré avec Albert, et un accord passé chez le notaire, « sa fortune en échange de sa compagnie, un peu comme un viager… ». Ses parents déménagent, enfin s'exilent dans le Languedoc Roussillon, plus exactement à Palavas les Flots, sa mère va ouvrir une boutique de souvenirs et la fermer 3 ans plus tard pour cause de déficit. S'ils sont partis c'est en raison d'un scandale financier, un trou de 14 millions du club de football brestois, dont son père était vice-président. Son frère, footballeur professionnel joue dans un club au sud de la France, il dissimule une homosexualité connue de tous. Autre personnage important le fils Kermeur, qui vient rendre visite à Louis très souvent, ils adorent se soûler tous les deux, sa mère n'est autre que la femme de ménage de sa grand-mère hérité en même temps que l'appartement et l'argent. Ils se sont connus sur les bancs de l'école, le fils Kermeur est un peu paumé, a toujours été un peu voyou. Il va inciter et aider Louis à voler sa grand mère afin d'avoir les moyens de vivre sa vie, de partir à Paris pour réaliser son rêve de gosse de 9 ans, écrivain. Louis réalise son rêve et loue un appartement donnant sur le jardin du Luxembourg. Il revient passer Noël chez ses parents qui sont de retour en Bretagne, dans une nouvelle maison qui se veut familiale, son frère, sa grand-mère tout le monde est présent. Son père vient le chercher à la gare, Louis ne laisse personne porter sa valise pour la simple et bonne raison qu'elle contient non pas des cadeaux, mais « son roman familial ». “Famille, je te hais!” pourrait être le credo du narrateur du nouveau roman de Tanguy Viel. le message s'adresse plus précisément à la mère qui cristallise toutes les frustrations et les souffrances de son fils Louis qui écrit là le roman familial. L'histoire de cette famille bretonne tourne essentiellement autour de l'argent source de va-et- vient géographique. le père de Louis était vice-président du stade brestois lorsque le club était en première division. 14 millions de francs disparaissent des caisses du club, ce qui vaudra sa perte, le père de Louis est suspecté. Lui et sa famille sont insultés, hués dans la rue. L'exil est nécessaire pour sauver la face. Les parents et le frère de Louiss quittent Brest pour le Languedoc-Roussillon, l'horreur absolue! “C'est vrai que c'est assez moche le Languedoc- Roussillon. Moi-même je n'y ai jamais habité mais je n'aime pas cette région. Ne me parlez pas de sa garrigue, de ses taureaux ni de ses flamands roses, ne me parlez pas des vieilles pierres de Montpellier ni du mistral sous le pont du Gard, je suis trop d'accord avec ma mère et je compatis volontiers avec qui habite le Languedoc-Roussillon, a fortiori qui y habite contre son gré. Or ma mère y a habité contre son gré.” Elle guette la première occasion pour remonter à Brest. Louis choisit de rester à Brest avec sa grand-mère, loin de sa mère qui veut contrôler sa vie. Il veut conquérir son indépendance, ne plus étouffer. Malheureusement le destin le rattrape. Sa grand-mère rencontre un homme extrêmement riche. Lorsqu'il meurt, elle hérite de 18 millions de francs. La voilà l'excuse tant attendue par la mère pour revenir à Brest! Il faut protéger la grand-mère des vautours et surtout protéger l'argent. Louis ne peut supporter le retour de sa famille, à tout prix il doit quitter Brest. Sa mère bien entendu ne comprend pas la volonté de son fils à rejoindre Paris :”Jamais ma mère n'a compris ce qui m'avait pris d'aller habiter Paris et particulièrement d'y partir au moment même où eux, mes parents, revenaient habiter en Bretagne, c'est-à-dire selon ses propres termes, au moment où ils refermaient la parenthèse de leur exil à eux dans le Sud de la France, où ils étaient quand même restés quatre ans, quatre ans à vendre des cartes postales à Palavas-les-Flots.” La manière, violente, choise par Louis pour devenir indépendant modifiera profondément l'équilibre familial. Tanguy Viel nous présente une famille gangrénée par l'argent qui disparaît et réapparaît. Une famille dominée, étranglée par une mère qui veut tout contrôler, tout savoir sur les membres de sa famille. Elle surveille par exemple les fréquentations de Louis en écartant ceux qui ne sont pas du bon milieu social. Tanguy Viel décrit cette famille dysfonctionnelle avec un ton froid, détaché et la violence nous saisit d'autant plus. Louis, à Paris, se libère de son histoire familiale par l'écriture. Il écrit son roman familial mais on s'aperçoit qu'il a largement réinventé les évènements. Il raconte ce qu'il aurait aimé vivre et principalement l'échec de sa mère. Tanguy Viel utilise la mise en abîme pour montrer que tout roman est un mélange de vrai, de faux que le lecteur ne peut démêler. Brest, dont la reconstruction a été ratée, est le cadre idéal de cette histoire familiale sombre, lourde, aux instincts humains bas comme un ciel breton. La phrase, faut-il noter la cohérence de l’oeuvre de Viel, résonne aujourd’hui comme l’avant-programme de Paris-Brest, son nouveau roman. Frapper toujours plus fort donc. Avec une arme, cette fois, dont on ne soupçonne guère le caractère contondant : un roman familial. Des feuillets écrits par le narrateur sur contre cette petite bourgeoisie bretonne dont il est issu. Une grand-mère qui touche un héritage inespéré au soir de sa vie, un père qui trempe dans un scandale financier, un frère footballeur homo et une mère qui, sous son serre-tête de velours vert bouteille, tente de sauver les apparences. Frapper fort donc pour conjurer l’axiome proustien qui veut que « nous tenons de notre famille la maladie dont nous mourrons » À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Et, pour mesurer l’onde de ce choc, de ce schisme salutaire, partir : Brest-Paris-Brest. Trois étapes de narration à franchir pour permettre au héros, comme toujours dans la fiction de Viel, de recommencer son existence, du moins de tenter d’aller vers sa propre présence. Et la mise en abîme, procédé peu original en soi, trouve ici son affectation la plus parfaite comme instrument d’émancipation. Tanguy Viel a reconnu à plusieurs reprises sa dette envers Samuel Beckett. Comme son maître, il s’attache à décrire un Sisyphe éternellement à la recherche de lui-même. Et qui, dans son introspection, se console de son malheur en accentuant celui des autres, et bien entendu celui de ses proches. À cela, Viel, fan de cinéma de série B et d’Edgar Poe, ajoute une nuance gothique. Dans le souffle d’air finistérien qui bombe sa phrase, un personnage faustien, le fils Kermeur, apparaît. Avec ce double maléfique à « la silhouette rocailleuse », le héros de Paris-Brest cambriole sa grand-mère et la déleste de quelques centaines de milliers d’euros. Une forfaiture qui participe, là encore, de la révélation de ce personnage et tend l’action, annonce la tempête finale. uploads/Litterature/ paris-brest-2.pdf
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- Publié le Mar 03, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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