PENSEE DE MALEK BENNABI : 1) « LE PHENOMENE CORANIQUE » 25 octobre 2015, 11:21

PENSEE DE MALEK BENNABI : 1) « LE PHENOMENE CORANIQUE » 25 octobre 2015, 11:21 C’est vers l’âge de quarante ans que Malek Bennabi (1905-1973) a entrepris la rédaction de son premier livre, « Le phénomène coranique : essai d’une théorie sur le Coran », publié en février 1947 par la maison d’édition algérienne « En-Nahda » créée un an plus tôt à la Casbah par les frères Mimouni. La préface est signée par Abdallah Draz, cheikh azharien qui deviendra célèbre et à qui Nasser proposera après le renversement de la monarchie égyptienne de présider aux destinées d’ « Al-Azhar ». Le livre sera traduit et publié en arabe au Caire dix ans plus tard (1957). Il se compose d’une introduction et de onze parties : le phénomène religieux, le mouvement prophétique, les origines de l’islam, le messager, le mode de révélation, la conviction personnelle du Prophète, la position du « moi » mohammadien dans le phénomène du « wahy » (révélation), la notion mohammadienne, le message, les caractéristiques phénoménales du « wahy » et notions coraniques remarquables. Au cours de ses années d’étude à Paris entre 1930 et 1936, Bennabi avait remarqué combien les étudiants maghrébins et orientaux qui venaient poursuivre leurs études en France étaient exposés à l’influence des idées orientalistes. Faute d’avoir produit elles- mêmes une pensée actualisée, les élites musulmanes modernistes se retrouvaient sous la dépendance des écoles orientalistes, surtout française et anglaise, qui poursuivaient des buts qui n’étaient pas toujours désintéressés. Ces spécialistes lui apparaissent dans leur grande majorité comme des chargés de mission au service de la « dés-islamisation » de l’élite musulmane en formation dans les universités européennes et écrit : « La renaissance musulmane reçoit toutes ses idées techniques de la culture occidentale… Beaucoup de jeunes musulmans lettrés puisent aujourd’hui leur édification religieuse, et parfois leur impulsion spirituelle même, à travers les écrits des spécialistes européens ». Un bâtisseur doit commencer par les fondations. Et ces fondations, pour un homme qui s’apprête à livrer sa pensée comme on livre un édifice étage après étage, sont l’islam, le Coran et la prophétie. Il doit « prouver » leur authenticité en les confrontant au scepticisme du scientisme de l’époque et à l’agressivité des philosophies athées en vogue. Ce préalable, il va le mener méthodiquement, établissant la transcendance du message coranique puis démontrant la non-implication dans son élaboration de celui qui l’a porté, le Prophète Mohammad. Les musulmans ne disposaient jusque-là que des arguments de l’exégèse classique fondés sur l’inimitabilité et la perfection stylistique du Coran (« I’idjaz ») pour défendre leur foi. Les convictions des intellectuels, réformistes ou modernistes, comme celles des gens du peuple, étaient placées sous la seule égide de la théologie. Aux yeux de Bennabi, ces garanties n’étaient plus en mesure de résister aux assauts des idées du siècle particulièrement remontées contre l’esprit religieux en tant que tel. Il fallait autre chose que le principe d’autorité des Anciens pour répondre à l’exigence d’une élite « désormais engouée de positivisme ». Il fallait placer les convictions religieuses sous une égide nouvelle, celle de la raison. C’est ce qu’il se propose de faire : «Nous voudrions, sinon fournir directement la base rationnelle nécessaire à cette conviction, du moins ouvrir méthodiquement et largement le débat religieux afin d’amener l’intellectuel algérien à édifier lui-même cette base nécessaire à sa foi ». Bennabi a pris d’entrée de jeu le soin d’informer le lecteur que « Le phénomène coranique », rédigé pour l’essentiel alors qu’il était enfermé dans un camp de concentration français avant la fin de la seconde guerre mondiale, n’est qu’une indication pour des travaux à venir, nécessitant des connaissances linguistiques et archéologiques étendues pour « suivre depuis les Septantes, la Vulgate, les documents massorétiques, les documents syriaques et araméens, le problème des Saintes Ecritures ». Il fait rapidement allusion aux circonstances dans lesquelles le travail a vu le jour, nous apprenant qu’il s’agit de la reconstitution d’un original détruit dans des circonstances qu’il ne précise pas : «Nous avons, croyons-nous, sauvé l’essentiel : le souci d’une méthode analytique dans l’étude du phénomène coranique », et en désigne le double objet : « Procurer d’une part aux jeunes musulmans algériens une occasion de méditer la religion, et suggérer d’autre part une réforme opportune dans l’esprit de l’exégèse classique. » Dans son travail, Bennabi va d’abord lier l’islam au phénomène religieux dans son ensemble en situant le Prophète dans la chaîne prophétique et en plaçant la révélation coranique comme l’aboutissement du courant monothéiste. Loin de lui toute idée de prosélytisme en faveur de l’islam, toute tentation d’établir sa suprématie sur le judaïsme ou le christianisme ou toute intention de disqualifier les autres prophètes. Il aura donné ainsi une application concrète au verset coranique : « Dis : « Ô peuples des Ecritures, élevons-nous à une parole commune qui mettra l’accord entre nous » (3-57). Ni le christianisme[1] ni le judaïsme n’ont eu pourtant envers l’islam l’attitude que celui-ci a eue envers eux, accusant le Prophète d’imposture et de plagiat de la Bible alors que celle-ci comporte tellement d’invraisemblances que la déclaration du Concile de Vatican II en 1965 n’a pu éviter de reconnaître que les livres de l’Ancien Testament « contiennent de l’imparfait et du caduc ». Le Dr. Maurice Bucaille qui s’est spécialisé dans la confrontation des Ecritures avec les données de la science écrit : « Quant au Coran, des idées erronées ont été entretenues dans nos pays pendant longtemps, et le sont encore au sujet de son contenu et de son histoire… Nul doute que les assertions sur l’homme qui en sont extraites pourront étonner, comme elles m’ont étonné lorsque je les ai découvertes. De plus, la comparaison des deux textes, biblique et coranique, est très suggestive : l’un et l’autre évoquent un Dieu Créateur, mais on s’aperçoit que les détails descriptifs de la Création du récit biblique, scientifiquement inacceptables, n’existent pas dans le Coran. Ce dernier contient par contre sur l’homme des énoncés stupéfiants : il est humainement impossible d’expliquer leur présence à l’époque où le Coran fut porté à la connaissance des hommes, étant donné ce que l’on sait du savoir du temps. Ces constatations n’avaient pas encore fait l’objet d’une communication scientifique en Occident lorsque, le 9 novembre 1976, je présentai à l’Académie Nationale de Médecine à Paris un exposé de notions de physiologie et d’embryologie trouvées dans le Coran, en avance de près de quatorze siècles sur des découvertes modernes ». Et Maurice Bucaille de tirer cette cinglante conclusion : « Si Muhammad avait été l’auteur du Coran, on ne voit pas comment il aurait pu discerner les erreurs scientifiques de la Bible sur de nombreux sujets, et les avoir TOUTES éliminées »[2]. L’islam n’a jamais fait mystère de sa proximité avec les autres religions révélées dont il affirme être la confirmation et la continuation. De nombreux versets l’attestent comme celui- ci : « Il vous a prescrit comme religion ce qu’il avait prescrit à Noé, celle qui t’est révélée, celle que nous avons prescrite à Abraham, à Moïse, à Jésus en leur ordonnant d’observer cette religion et de ne pas en altérer le sens par la division. » (42-13). D’autres versets affirment que les musulmans ne seront pas privilégiés par rapport aux autres croyants : « Ceux qui croient, ceux qui sont juifs, nazaréens ou sabéens, quiconque croit en Dieu et au Jour dernier et fait le bien, à ceux-là est réservée leur récompense auprès de leur Seigneur ; il n’y aura point de crainte pour eux et ils ne seront point affligés » (2-62). Dans un chapitre du « Phénomène coranique » intitulé « Rapport Coran-Bible », Bennabi aborde cet aspect, écrivant : « Le Coran se réclame hautement de la lignée biblique. Il revendique constamment sa place dans le cycle monothéiste et, par cela même, il affirme solennellement les similitudes qu’il peut avoir avec le Pentateuque et l’Evangile. Il se réclame expressément de cette parenté et la rappelle au besoin à l’attention du Prophète lui- même. Voici, entre autres, un verset qui accuse particulièrement cette parenté : « Ce Coran ne peut être l’œuvre de quiconque d’autre que Dieu. Il confirme la vérité des Ecritures qui le précèdent, il en est l’interprétation. On n’en saurait douter : le Souverain des mondes l’a fait descendre des cieux » (10-37). Et Bennabi de conclure : « Toutefois, cette parenté laisse bien au Coran son caractère propre : sur beaucoup de points, il semble compléter ou même corriger la donnée biblique ». Mais, observe-t-il, l’islam n’a pas fait que confirmer la pensée monothéiste, il a augmenté sa portée. C’est ainsi que le judaïsme a fondé sur le privilège de l’élection d’Israël « tout un système religieux nationaliste. Dieu y était à quelque chose près une divinité nationale. Si bien d’ailleurs que l’essence du mouvement prophétique, depuis Amos jusqu’au second Isaïe, sera précisément une réaction violente contre cet esprit particulariste ; tous les prophètes comme Jérémie qui appartiennent à ce mouvement réformiste feront des efforts afin de rétablir Dieu dans uploads/Litterature/ pensee-de-malek-bennabi.pdf

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