Quand le capital monte à la tête L’éducation post-secondaire dans l’économie du

Quand le capital monte à la tête L’éducation post-secondaire dans l’économie du savoir Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) 2065, rue Parthenais, local 383 Montréal, (Québec) (514) 390-0110 H2K 3T1 Janvier 2011 Table des matières Introduction................................................................................................................... 1 L’éducation supérieure dans l’histoire .......................................................................... 1 L’apparition des universités au Moyen-Âge .......................................................................... 1 Le modèle de Humboldt : une première révolution universitaire.........................................2 L’après-guerre et l’influence de l’OCDE : une seconde révolution universitaire .................2 L’éducation post-secondaire québécoise à travers le temps .................................................4 L’économie du savoir.....................................................................................................5 La restructuration des universités dans l’économie du savoir...............................................6 Le financement par EETP........................................................................................................................6 La gouvernance...........................................................................................................................................8 Un détournement de fonds publics au profit du privé.........................................................................8 Le processus de valorisation de la recherche universitaire ............................................................... 10 Un exemple québécois concret : le projet de loi 130......................................................................... 11 Conséquences sur les chercheurs et chercheuses............................................................................... 12 Conséquences sur le savoir lui-même .................................................................................................. 13 La restructuration des cégeps dans l’économie du savoir................................................... 14 Les attestations d’études collégiales (AEC)......................................................................................... 14 Les centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT).............................................................. 16 Conclusion................................................................................................................... 17 Propositions et recommandations............................................................................... 18 Annexe ......................................................................................................................... 22 Médiagraphie............................................................................................................... 23 Ont collaboré à cette recherche : - Martin Robert, Comité recherche et affaires académiques de l’ASSÉ ; - Hugo Bourgeois-Séguin, AFESH-UQAM ; - Nadia Lafrenière, Conseil exécutif de l’ASSÉ ; - Julien Royal, permanent à l’AGECEM. Avec la contribution de l’AGECEM. 1 Introduction Des mutations sans précédent sont à l'œuvre dans nos sociétés. Alors que les États glissent sur la vague mondialisante, les institutions publiques, avec l’éducation en tête, y sont englouties puis refondues. Pas étonnant : à mesure que la concurrence s’installe à l’échelle du globe pour la conquête des marchés, on cherche tous azimuts à s’approprier un avantage concurrentiel. Pour ce faire, un mot d’ordre : innover constamment pour en savoir plus que son voisin. Voilà le socle sur lequel repose cette nouvelle économie que nous appelons l’économie du savoir. Progressivement, le capitalisme industriel du XIXe et du début du XXe siècle laisse ainsi place à une économie davantage immatérielle, fondée notamment sur la capacité d’innovation des acteurs économiques. Ainsi, bien que l’impératif de ce système reste l’accroissement des profits, on observe aujourd’hui des changements quant au mode d’accumulation du capital. Autrement dit, un avantage concurrentiel ne s’acquiert plus nécessairement par une production matérielle intensifiée, mais bien par la capacité de s’approprier des idées originales et de les commercialiser. Dans ce contexte, l’éducation supérieure se transforme en un lieu de production d’idées dans lequel l’accent est mis sur la recherche, au détriment des activités académiques jugées « non rentables ». En effet, pour les tenants de l’économie du savoir, seule la recherche possède la capacité de produire des idées nouvelles – d’innover – permettant l’ouverture de nouveaux marchés. Nous tâcherons dans cette recherche de faire un survol du phénomène de l’économie du savoir à travers son déploiement historique, ses effets et ses principes directeurs. Nous inscrirons par ailleurs notre critique de l’économie du savoir au sein de l’histoire des universités et de l’enseignement supérieur, afin d’apprécier l’ampleur du virage que subissent aujourd’hui les institutions post-secondaires. Nous conclurons par des recommandations formulées par les rédacteurs et rédactrices de cette recherche à la lumière de leurs trouvailles. Les différentes associations membres pourront ainsi reprendre à leur compte ces recommandations et les soumettre, le cas échéant, à leurs assemblées générales respectives. 1- L’éducation supérieure dans l’histoire 1.1- L’apparition des universités au Moyen-Âge Les universités, au sens strict, sont apparues en Europe occidentale au XIIIe siècle. Au XIIe siècle, des textes de l’Antiquité grecque, notamment ceux d’Aristote, avaient refait surface en Occident, donnant lieu à une forte activité intellectuelle et à la recomposition de l’enseignement autour des « arts libéraux »1 , de la théologie, du droit et de la médecinei. À Paris, au début du XIIe siècle, des écoles migrent vers la rive gauche de la Seine afin d’échapper au joug de l’évêque local. Maître et élèves s’organisent alors en corporations, c’est-à-dire qu’ils se forment en associations légalement autonomes. Le pape, croyant qu’elles joueraient un rôle d’autorité moderne et universelle pour l’extension du christianisme, prend alors ces nouvelles corporations sous son aile, leur assurant ainsi une protection économique et politique. Il est à mentionner que la recherche au sens où nous l’entendons aujourd’hui n’existait pas à ce moment au sein des corporations d’enseignement. Les universités étaient plutôt des communautés d’études et de transmission des savoirs entre maîtres et élèves. 1 Grammaire, rhétorique, logique, arithmétique, musique, astronomie et géométrie. Le Québec doit compter sur la synergie entre les entreprises, les établissements d’enseignement et les centres de recherche pour créer davantage de richesse. - Jean Charest 2 En tant que corporation, l’université parisienne jouit de privilèges : l'autonomie juridictionnelle - l’autogestion - le droit de grève et de sécession et le monopole d'attribution des grades universitaire. La grève sera l’arme des universitaires, de même que la sécession. Cette dernière consiste en une dispersion spontanée et concertée des maîtres et étudiants [il n’y avait pas d’étudiantes à l’époque] hors de leur région ou pays. Représentant, d’une part, un important groupe de consommateurs pour les commerces de Paris, et, d’autre part, un élément de prestige pour la ville, ils possédaient alors le rapport de force nécessaire pour négocier les conditions de leur retour.ii Ainsi l’université naît-elle dans un contexte de lutte pour l’autonomie et l’autogestion. D’ailleurs, dans le cas de l’université de Bologne, « c’étaient les étudiants qui formaient l’université [...] cela signifiait non seulement que les étudiants assuraient eux-mêmes le fonctionnement de l’université mais aussi qu’ils recrutaient les professeurs et exerçaient un contrôle constant sur la valeur et la régularité de leur enseignement et même sur leur vie privée. »iii. Toutefois, les nombreux privilèges, notamment financiers, des universitaires à l’époque leur valurent périodiquement la colère du peuple. De ces luttes parfois sanglantes, les universitaires sortirent toujours vainqueurs, les plaçant toutefois « du côté des privilégié-e-s et des pouvoirs qui garantissaient leurs privilèges »v. D’ailleurs, bien que les universités poursuivaient un projet universel, elles incarnaient également un élitisme certain, dès lors que « le coût et la durée des études suffisaient [...] à en écarter la grande masse de la population »vi. Pour résumer, l’université à ses débuts comporte trois caractéristiques transversales. D’abord, l’autonomie constitue son principe d’institution, d’après lequel elle s’est définie jusqu’à aujourd’hui. Ensuite, elle comporte un caractère « incontestablement démocratique »vii, en cela que son administration relève des maîtres et/ou des étudiants.2 Enfin, l’université a été fondée pour et autour de l’étude et de la transmission du savoir par l’enseignement des maîtres. 1.2- Le modèle de Humboldt : une première révolution universitaire La recherche fait son entrée à l’université au début du XIXe siècle. C’est notamment sous la plume de Wilhelm von Humboldt que se dessine le concept, tout allemand, de Bildung. Cette idée, inspirée notamment de la Grèce antique, se veut une réaction à la spécialisation et à la fragmentation du savoir, par l’intégration du développement scientifique à l’université et la mise à contribution de la population étudiante à celle-ciix. Il s’agissait à la fois d’un idéal utopique et d’un projet politique, dans lequel s’unissaient sous un même toit deux pratiques autrefois séparées. C’est ainsi que fut créée la catégorie de l’enseignant-chercheurx. Le projet universitaire consistait alors à faire de la culture le centre d’une formation globale de l’individu, et ce, hors de la récupération politique ou économique. D’un point de vue institutionnel, le projet de Humboldt se concrétise par la création de l’université de Berlin en 1810, à laquelle il donne son nom. L’université se divise alors en facultés, afin de confronter les savoirs pour mieux les synthétiserxi. La Bildung, aura un écho à travers le monde au cours du XIXe siècle, notamment en Angleterre et aux États-Unis. Quant aux universités d’aujourd’hui, elles « se réclament de l’héritage humboldtien aux chapitres de leur organisation (la division facultaire) et de la combinaison de l’enseignement et de la recherche. Elles s’en éloignent toutefois en ce qui a trait à la question de l’autonomie. »xii. Par la fusion institutionnelle de la recherche et de l’enseignement, la Bildung incarne ce que d’aucuns appellent la « première révolution universitaire ». 1.3- L’après-guerre et l’influence de l’OCDE : une seconde révolution universitaire La seconde « révolution universitaire » survint après la Secondaire Guerre mondiale. Au confluent du « plan Marshall »3 et du « consensus de Washington »4 se dessinait une nouvelle économie mondialisée fondée 2 Cela dit, il ne faut pas idéaliser cette époque non plus, en cela que l’espace d’autonomie dont y jouissaient les universités dépendait de compromis et de rapports de force avec des institutions religieuses, voire avec le pape lui-même. 3 Plan américain d’aide économique aux pays d’Europe ravagés par la guerre. Après la reconstruction, ce plan fut élargi pour y inclure l’éducation, en vue d’une modernisation de l’Europe au niveau techno-scientifique des États-Unis. 3 sur la technique et les sciences au service de la croissance économique. Ainsi, d’une part, la formation d’une main-d’oeuvre technique et d’une élite scientifique était-elle mise à l’avant-plan, et, d’autre part, l’éducation se voyait désormais jugée selon le critère de sa contribution uploads/Litterature/ recherche-economie-du-savoir.pdf

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