Images Re-vues Histoire, anthropologie et théorie de l'art 14 | 2017 Extraterre

Images Re-vues Histoire, anthropologie et théorie de l'art 14 | 2017 Extraterrestre Science-Fiction : Harald Szeemann et l'imaginaire SF Science Fiction : Harald Szeeman and Sci-Fi Imaginary Damien Airault Édition électronique URL : http://imagesrevues.revues.org/4032 ISSN : 1778-3801 Éditeur : Centre d’Histoire et Théorie des Arts, Groupe d’Anthropologie Historique de l’Occident Médiéval, Laboratoire d’Anthropologie Sociale, UMR 8210 Anthropologie et Histoire des Mondes Antiques Référence électronique Damien Airault, « Science-Fiction : Harald Szeemann et l'imaginaire SF », Images Re-vues [En ligne], 14 | 2017, mis en ligne le 03 novembre 2017, consulté le 27 novembre 2017. URL : http:// imagesrevues.revues.org/4032 Ce document a été généré automatiquement le 27 novembre 2017. Images Re-vues est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International. Science-Fiction : Harald Szeemann et l'imaginaire SF Science Fiction : Harald Szeeman and Sci-Fi Imaginary Damien Airault 1 Le cycle d’expositions intitulé Science- Fiction et organisé par Harald Szeemann1 pour circuler de la Kunsthalle de Berne au Musée des arts décoratifs de Paris puis à la Kunsthalle de Düsseldorf entre l’automne 1967 et le printemps 19682 montre une vision assez particulière de la science- fiction en même temps qu’elle tente de cerner de façon exhaustive un imaginaire du futur et des utopies dans la société des années 60. 2 Passant en effet à travers le prisme des intuitions de son commissaire, ce projet présente un futur aux innombrables potentialités, d’abord mis en perspective par une approche historique et littéraire et un travail extrêmement développé sur l’iconographie SF, autant dans le champ artistique occidental que dans la science ou la vie quotidienne. Dans les faits, les objets de toutes sortes (presque quatre mille), mais aussi l’architecture expérimentale ou la musique font la part belle à un imaginaire débridé, et servent à illustrer et défendre une vision positiviste de la science-fiction, laquelle imprègne le réel des années 60. Le projet Science-Fiction de Szeemann est alors une manière de montrer par le biais d’éléments bien réels et concrets comment le futur s’incarne dans le présent, et quels furent les chemins pris par ces visions du futur pour Science-Fiction : Harald Szeemann et l'imaginaire SF Images Re-vues, 14 | 2017 1 arriver jusqu’à aujourd’hui. Il nous permet de nous plonger dans un imaginaire populaire des années 60, transcrit avec beaucoup d’efficacité : l’événement a en effet connu un très grand succès pour l’époque avec près de 20 000 visiteurs à Berne et 50 000 à Paris3. Soucoupes volantes et extra-terrestres, héros de bande dessinée et monstres de toutes formes et de toutes origines, pour ne citer que quelques leitmotivs, attirent donc un public considérable qui peut retrouver et (re)tenter d’apprivoiser les peurs et les fantasmagories utopiques de son temps et des générations passées4. 3 Nous allons tenter d’abord de comprendre ce qui a été réellement montré dans les trois expositions et l’origine des objets présentés au public, puis nous donnerons les éléments scénographiques qui nous sont parvenus, lesquels élargissent considérablement la portée de ces évènements. Notre but est ici de nous plonger dans la méthodologie du jeune Harald Szeemann qui expérimente avec ce projet des formats et des principes qui vont lui servir durant toute sa carrière. Le thème de la science-fiction joue aussi un rôle capital car il se situe à la jonction de l’environnement culturel des années 60 et des préoccupations artistiques alors particulièrement libres du commissaire. Il offre un panel d’expérimentations uniques chez le commissaire comme sur la scène de l’art contemporain de l’époque. Fig. 1 Vue de l'exposition Science-Fiction à la Kunsthalle de Berne, photographe inconnu ©Maison d'Ailleurs, Yverdon Questions de méthodologie 4 Comme beaucoup d’expositions des années 60 et précédentes, il est assez difficile de cerner ce qui a été réellement présenté pendant ces trois volets d’exposition. Plusieurs phénomènes en sont la cause. Science-Fiction : Harald Szeemann et l'imaginaire SF Images Re-vues, 14 | 2017 2 5 Tout d’abord il existe très peu de documents photographiques des volets bernois et parisiens : une trentaine de vues prises à Berne qui sont rarement des vues d’ensemble. En effet la documentation des expositions n’est pas encore un réflexe pour des institutions comme le Musée des arts décoratifs ou la Kunsthalle de Berne où officie Szeemann depuis 1961, bien qu’elle commence à devenir systématique dans les grands musées mondiaux. Le chercheur se retrouve alors face à un petit nombre de documents qu’il doit qualifier : photographies ayant servi pour les catalogues principalement, donc n’ayant aucune validité en terme d’accrochage ou d’œuvres montrées car faites très en amont et à l’extérieur des lieux d’exposition5, photographies d’exposition très souvent sans indices de lieu, de photographe ou de date, poussant l’historien à deviner dans quel lieu elles ont été prises, selon sa connaissance des espaces et du fonds où se trouve le document. Par contre les articles de presse, très nombreux et que Szeemann archive à l’époque scrupuleusement, nous offrent de précieux témoignages, mais ils sont hélas rarement illustrés6. 6 La deuxième difficulté, qui invite à la prudence, est la façon dont on conçoit les catalogues à l’époque. Ils comportent en effet des listes d’artistes erronées sans qu’il soit possible aujourd’hui de connaître exactement les causes précises de ces changements. Dans les années 60, l’administration des musées est pyramidale et souple car ayant peu de personnel et de contraintes administratives, et les éditions sont par conséquent produites très rapidement7. Plusieurs faits peuvent être intéressants concernant le projet qui nous préoccupe : 7 Piero Gilardi apparaît par exemple dans les trois catalogues sans avoir participé à aucune des expositions. Travaillant à l’époque sur de grands décors artificiels, il en propose trois différents à Harald Szeemann. Nous ne savons pas aujourd’hui pourquoi aucun de ces projets n’a été retenu, mais il semblerait que les trois volets d’exposition aient laissé très peu de place à des productions nouvelles, faute de moyens certainement. Nous pouvons aussi imaginer que la construction des œuvres de Gilardi représente à l’époque des défis techniques importants et peut-être irréalisables dans les temps, comme une scène construite en plexiglas lumineux. 8 Joseph Beuys, qui apparaît dans la version suisse du catalogue, refuse l’invitation écrivant qu’il n’a pas assez de temps. 9 La pièce de l’artiste du Groupe Zero Christian Megert n’est pas exposée à Paris car déteriorée pendant son transport. Szeemann propose dans une note de travail de la remplacer par un présentoir. 10 Il va sans dire aussi que les illustrations et les œuvres présentées dans l’exposition sont rarement celles qui apparaissent au catalogue, ce qui est par exemple le cas de l’œuvre d’Hans Walter Müller dans deux des trois éditions. 11 Par ailleurs on accorde souvent à Harald Szeemann un grand sens de l’improvisation et il peut, grâce aussi à cette flexibilité du musée, ajouter, enlever, déplacer une œuvre ou un objet jusqu’au dernier moment. De plus les expositions dans les années 60 ont rarement de plans de salle et les cartels (au moins pour l’exposition Science-Fiction) sont pour la plupart rapidement tapés à la machine. 12 Pour terminer, un point a son importance : l’absence de liste exhaustive des œuvres ou des objets présentés ; cette liste a certainement existé, mais elle a aujourd’hui disparu. Science-Fiction : Harald Szeemann et l'imaginaire SF Images Re-vues, 14 | 2017 3 Origine de l’exposition 13 Si on ne peut pas savoir quand Szeemann a eu l’idée de faire cette exposition, on sait par contre qu’il est contacté en 1966 par Pierre Versins qui, après avoir visité l’exposition Phantastische Kunst – Surrealismus à la Kunsthalle de Berne8, invite le directeur du centre d’art à le rencontrer chez lui à Lausanne9. Pierre Versins est alors écrivain et traducteur de science-fiction, il dirige un magazine et un club d’amateur. Il participe par ailleurs activement à la revue francophone Fiction, dans laquelle le public découvre les textes des plus récents d’écrivains étrangers de SF. 14 Pierre Versins est aussi un grand collectionneur de tous types d’objets et publications concernant la SF et l’utopie, dont il publie une impressionnante encyclopédie en 197210. Il possède dans les années 60 au moins 10 000 ouvrages et un nombre incalculable d’affiches, jouets, timbres et objets de toutes sortes. Suite à la découverte de cette collection, Szeemann décide de réaliser son exposition et il invite Versins à en être le principal prêteur avec plus de 2000 items prêtés. Leur collaboration, facilitée par la proximité géographique, sera renouvelée : Versins participera à la Documenta V de Cassel en 1972 avec à sa charge une petite salle du Fridericianum11. 15 On doit à Pierre Versins une grande partie du carnet d’adresses de l’exposition : il convoque par exemple ses amis de la revue Fiction à participer aux catalogues, il met Szeemann en contact avec les critiques et traducteurs suisses de SF, ainsi que de très nombreux collectionneurs privés et maisons d’édition. Il lui fait aussi rencontrer le peintre Lamy, qui est intégré aux accrochages. 16 Mais son apport principal reste un conseil scientifique indispensable au commissaire ; on retrouve même dans les archives de Szeemann une sorte uploads/Litterature/ science-fiction-szeemann.pdf

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