Dialogue épistolaire au-delà des frontières linguistiques Dès nos jours la litt

Dialogue épistolaire au-delà des frontières linguistiques Dès nos jours la littérature se heurte de plus en plus aux problèmes sociologiques, politiques et historiques. Elle reste toujours notre meilleur moyen de s’échapper du quotidien mais, en même temps, elle devient une forte réflexion de la vie et des réalités qui nous entourent. Ce genre de littérature est révélé par Jean-Luc Outers et Kristien Hemmerechts dans leur œuvre Lettres du plat pays. Le texte n’est pas un roman dans sa forme classique, mais une correspondance de 52 courriels entre deux écrivains belges qui partagent leurs opinions sur la politique belge, sur la culture et sur les événements actuels du monde, chacun dans sa propre langue. Déjà on peut remarquer qu’il s’agit d’un texte épistolaire diffèrent et innovateur car les lettres sont écrites en français et néerlandais, deux langues officielles de la Belgique. Avant d’analyser les principaux sujets évoqués par Jean-Luc Outers et Kristien Hemmerechts, il serait nécessaire de dédier un court fragment à la présentation de ces deux grands écrivains belges. Jean-Luc Outers est un écrivain et conseiller essentiel du paysage littéraire belge, né et établi à Bruxelles. Il s’est remarqué non seulement par ses grandes œuvres L’ordre du jour, Corps du métier, Le voyage de Luca et De jour comme de nuit, mais aussi par un grand nombre d’articles publiées dans les revues cinématographiques et littéraires et aussi dans la presse belge et française. Kristien Hemmerechts est une écrivaine belge flamande, née aussi à Bruxelles, mais établie maintenant à Anvers, au nord de la frontière linguistique qui divise la Belgique en deux grandes communautés. Elle écrit des romans, des récits de voyage des essais et aussi quelques scénarios pour courts métrages. Ses textes publiés en néerlandais comme De tuin der onschuldigen ou De tuin der onschuldigen ont connu un immense succès étant traduits aussi en français, sous les titre Le Jardin des Innocents et Anatomie d’un divorce. La correspondance entre Jean-Luc Outers et Kristien Hemmerechts a été publiée en 2010 en édition bilingue, car les lettres néerlandaises sont gardées sous leur forme originale dans le texte. L’avant-propos a été rédigé par Jean-Luc Outers qui annonce les principaux sujets qui constituent « la toile de fond d’une correspondance » (Outers 2010 : 7) tenue entre mars 2008 et juillet 2009. Il explique aussi que cet échange a été à l’origine une demande de l’association Culture et Démocratie/ Kunst en Démocratie pour réaliser un dialogue entre les artistes flamands et francophones. Cependant ils ne se sont pas arrêtés à une simple publication d’un dialogue, mais ils ont continué de poursuivre cette correspondance, chacun dans leur langue, car ils ont eu envie de connaître les différentes points de vue sur les problèmes belges, sur les actualités du monde, sur la culture, bref, sur les choses qui constituent leur source d’inspiration et surtout les choses qui marquent leur vie quotidienne. Ce que Jean-Luc et Kristien Hemmerechts se proposent vraiment, c’est de comprendre ce qui les unit et ce qui les sépare dans un pays fragmenté par une frontière linguistique. Une projection réelle et dramatique de la Belgique se déroule sous nos yeux tout au long de ce texte épistolaire ; c’est l’image d’un pays qui connait des graves problèmes linguistiques, un pays qui possède trois langues officielles, dont les principales sont le français et les néerlandais. Ce pays extrêmement nationaliste où la coexistence des cultures semble à disparaître à cause d’une frontière invisible détruit tout espoir à une cohabitation harmonieuse entre le nord et le sud, entre les francophones et les néerlandaises. La première lettre qui ouvre la correspondance est rédigée par Outers ; il se souvienne le moment où il a rencontré Kristien et son voyage en Flandre où il lisait des textes en français accompagné par d’autres auteurs comme Hugo Claus, Leonard Nolens, Pierre Mertens, etc. Sur le fond de ce beau souvenir, du festival Saint-Amour, Jean-Luc Outers lance déjà un premier débat politique et culturel sur la situation de la Flandre. Profondément marqué par le grand publique flamand qui écoutait les textes français, lors du festival, l’écrivain belge se demande si dans la Flandre n’existe pas deux entités totalement opposées l’une à l’autre : une Flandre nationaliste qui a comme seul moyen de communication la politique et une Flandre culturelle, une Flandre propice pour la création et pour la vie d’artistes comme Alain Platel, Jan Lauwers, Hugo Claus et Kristien Hemmerechts, sa partenaire de correspondance. Outers nous laisse découvrir sa côté optimiste à travers cette question car, pour lui, « la culture c’est l’abolition des frontières à travers des ponts que l’on jette » (Outers 2010 : 14). C’est la vision de l’artiste pour lequel l’art à la capacité de dépasser toutes les limites et toutes les frontières qui existent dans une société. Ainsi, pour l’écrivain belge la culture c’est la seule force qui peut détruire cet espace de confrontation et qui peut réunir tous les gens dans un lieu de coexistence harmonieuse. Dans sa lettre de réponse, Kristien Hemmerechts ne partage pas les mêmes idées que son ami francophone. Elle avoue qu’elle est un peu moins optimiste qu’Outers et qu’elle ne croit pas au rôle salvateur de la culture, car il y a des gens qui en usent et qui en abusent pour d’autres buts. Cependant elle croit aussi dans une Flandre qui n’est pas seulement nationaliste mais aussi universelle, une Flandre où les francophones et les flamands pourraient partager les mêmes principes et valeurs, les mêmes langues et peut-être le même territoire aussi. Dans cette première lettre de Kristien on trouve aussi la raison pour laquelle elle n’écrit pas en français, même si elle maîtrise cette langue. Elle aime à parler cette langue avec Outers, dans leurs conversations intimes car elle a horreur d’être jugée par les autres pour les fautes de grammaire, d’orthographe et de vocabulaire. Ainsi, le français devient une langue de liaison entre deux cultures et deux identités tellement différentes et éloignées l’une de l’autre. Les référencés et les points de vue sur les valeurs stilistiques d’une langue et sur les sens des mots sont assez nombreuses au parcours de cette correspondance franco-néerlandaise. Dans sa lettre du 17 avril 2008, Jean-Luc Outers exprime ses idées concernant le rapport entre une langue maternelle et une langue étrangère. Il remarque que « les mots n’ont pas le même sens dans chaque langue » et que parfois, ces mots sont « intraduisibles ». L’écrivain belge essaie de mettre en évidence le fait qu’il y a certaines valeurs stylistiques qui ne peuvent pas être exprimés avec la même force et la même émotion dans une autre langue. La langue néerlandaise lui semble étrange à cause du participe passé qui est placé à la fin de la phrase ; cet ordre lui donne une impression de suspense et d’inquiétude. Outers considère aussi que toutes les langues étrangères nous semblent bizarres par rapport à notre langue maternelle à travers laquelle on apprend à connaître le monde. Jean-Luc avoue aussi que les lettres de Kristien lui posent des problèmes de compréhension parfois. Il n’arrive pas à comprendre tous les mots, et on peut déduire que c’est par cette raison que certaines questions de l’écrivaine flamande restent quelque fois suspendues et sans réponse. Face à Kristien, Outers ne semble pas être embarrassé pas son incapacité de parler et de comprendre parfaitement le néerlandais ; il est plutôt résigné et désolé car jusqu’à ce moment il n’a réussi maîtriser aucune langue étrangère. En plus, il ne se sent pas capable de penser dans une autre langue qui ne soit pas le français. Ainsi on remarque que les racines de son identité française sont assez fortes et qu’il peut s’exprimer naturellement seulement dans sa langue maternelle. Cette incapacité de penser dans d’autres langues lui suscite la curiosité et il demande Kristien si elle réussit de penser en anglais ou français quand elle parle ces langues. Kristien confesse que pour elle aussi le français pose un problème à la lecture. Son vocabulaire n’est pas très riche et, de ce fait, elle préfère lire la presse anglaise et non celle française. Elle reconnaît aussi que son pauvre vocabulaire dans la langue française l’empêche de lire les romans de Jean-Luc, et qu’elle a lis seulement les débuts en traduction néerlandaise. La compréhension et la maîtrise de cette langue, entendue assez fréquemment pendant son enfance, reste toujours un mystère pour Kristien Hemmerechts car maintenant elle parle et comprend tellement mieux l’anglais. Elle trouve le français « magnifique, mais pas facile » (Outers, Hemmerechts 2010 :84) et elle se demande si cela est causé par son peur constante de faire des fautes. On peut remarquer facilement que les deux écrivains trouvent que la langue de l’autre est difficile à parler et à comprendre même s’ils ont trouvé un moyen de communiquer et de tisser un lien entre les deux parties qui les séparent. Le grand écart qui existe entre la compréhension de ces deux langues parlées sur le même territoire est dû aussi au fait que les deux appartient aux familles des uploads/Litterature/ lettres-du-plat-pays.pdf

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