Revue d'histoire de l'Église de France Sidoine Apollinaire et l'Auvergne Madame
Revue d'histoire de l'Église de France Sidoine Apollinaire et l'Auvergne Madame Françoise Prévot Citer ce document / Cite this document : Prévot Françoise. Sidoine Apollinaire et l'Auvergne. In: Revue d'histoire de l'Église de France, tome 79, n°203, 1993. pp. 243- 259; doi : 10.3406/rhef.1993.1114 http://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1993_num_79_203_1114 Document généré le 27/05/2016 Résumé Françoise Prévôt : Sidoine Apollinaire et l'Auvergne. — R.H.É.F., t. LXXIX, 1993 p. 243-259. L'œuvre de Sidoine montre la profonde romanité de l'Auvergne au Ve siècle. D'abord paisiblement romaine car elle a surmonté les épreuves du début du siècle, elle proclame ensuite son désir de la rester en résistant aux Coths derrière Sidoine, son nouvel évêque ; et elle y réussit magré les vicissitudes politiques. L'épitaphe de Sidoine (dont deux fragments ont été retrouvés en 1991) rend bien compte de l'état d'esprit les Arvernes dans les années 480 : elle ne présente pas au lecteur un homme d'Église, mais un Romain, défenseur de la civilisation, de la justice et de la paix, face à la barbarie, l'anarchie et la guerre. Zusammenfassung Sidonius' Werk zeigt das tiefe Zugehörigkeitsgefühl der Auvergne zum Römertum im 5. Jahrhundert. Nach harten Prüfungen um die Jahrhundertwende lebt sie zunächst in friedlichem Einverständnis mit Rom, und indem sie dann, dem Beispiel ihres neuen Bischofs folgend, den Goten widersteht, spricht sie deutlich ihren Wunsch aus, römish zu bleiben ; und es gelingt ihr, allen politischen Wechselfällen zum Trotz. Sidonius' Grabschrift (1991 wurden zwei Fragmente freigelegt) zeugt von der Gesinnung der Arverner in den achtziger Jahren des 5. Jahrunderts : dem Leser zeigt sich hier kein Kirchenmann, sondern ein Römer, welcher Kultur, Gerechtigkeit und Frieden gegen Barbarei, Anarchie und Krieg verteidigt. SIDOINE APOLLINAIRE ET L'AUVERGNE 1 Tout le monde connaît les liens qui unissent Sidoine Apollinaire et l'Auvergne : sa mère était sans doute apparentée aux Aviti 2, l'une des plus grandes familles de la région ; et d'après Sidoine, « le pays de notre mère doit être aussi compté comme une partie de notre patrie » 3. Lui-même a épousé la fille d'Eparchius Avitus, le futur empereur, qui lui a apporté en dot le domaine d'Avitacum où il aimait séjourner 4. Enfin, il a été évêque des Arvernes de 470 environ jusqu'à sa mort dans les années 480. On s'attend donc à ce que l'Auvergne soit présente dans ses écrits ; mais il n'est pas toujours facile d'extraire de son œuvre des renseignements précis : Sidoine, en effet, n'écrit pas pour l'Histoire, mais pour la littérature ; ses lettres ne sont donc pas des lettres d'information, mais des lettres d'art. De plus, elles ont bien évidemment été révisées pour la publication. D'autre part, son style précieux est encombré de références mythologiques et d'imitations d'auteurs antiques. Aussi, tout ne doit pas être pris au pied de la lettre : son œuvre nous montre souvent plus le Romain que l'individu Sidoine, la société aristocratique de l'Empire plus que l'Auvergne. Mais, heureusement pour nous, Sidoine a le sens de l'observation et le goût du détail concret ; et surtout, il a été l'un des acteurs de l'histoire de la cité arverne, quand il est devenu son évêque et l'âme de sa résistance face aux Wisigoths. Qu'apprenons-nous donc sur l'Auvergne à travers l'œuvre de Sidoine ? Il est difficile d'en parler en quelques pages car c'est à la fois trop long et trop court : trop long pour apporter du neuf sur un homme aussi connu que Sidoine 5 ; trop court pour traiter le sujet dans son entier. Je me 1. Cette étude a fait l'objet d'une communication aux XIIIe Journées d'archéologie mérovingienne, Clermont-Ferrand, 3-6 octobre 1991. 2. Ep. III, 1, 1, éd. Loyen, t. II, Paris, 1970, p. 81 et 221, n. 1. 3. Ep. IV, 21, 2, p. 157. 4. Ep. II, 2, p. 45-53 et carmen XVIII, p. 128. 5. Je renvoie en particulier à l'ouvrage fondamental de CE. Stevens, Sidonius Apollinaris and his Age, Oxford, 1933 et aux éditions des œuvres de Sidoine, avec traduction et notes : A. Loyen (éd.), Sidoine Apollinaire, t. I, Poèmes, Paris, 1960 ; t. II et III, Lettres, Paris, 1970 ; W. B. Anderson (éd.), Sidonius, Poems and Letters, Cambridge, t. I, 1936 ; t. Il, 1965. Toutes les références seront données dans l'édition Loyen. Pour replacer l'Auvergne dans le contexte aquitain du Ve siècle, voir P. Courcelle, Histoire littéraire des grandes invasions germaniques, 3e éd., Paris, 1964, M. Rouch E, L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, Paris, 1979 et H. Wolfram, Histoire des Goths, Paris, 1990 (lre éd. allemande, Munich, 1979). R.H.Ě.F., t. LXXIX, 1993. 244 F. PRÉVÔT centrerai donc sur un thème qui me paraît essentiel : la romanité de l'Auvergne. Elle éclate lors des années 470-475, mais elle transparaît à travers toute l'œuvre de Sidoine : l'Auvergne est romaine, veut le rester et y réussit malgré les vicissitudes politiques. * * * Dans un premier temps, l'œuvre de Sidoine évoque une Auvergne paisiblement romaine, où il fait bon vivre, car elle a su surmonter les épreuves de la première moitié du Ve siècle. La première, celle de l'invasion vandale de 407, n'est pas mentionnée par Sidoine. Il est cependant possible que les Vandales aient traversé l'Auvergne, car une lettre de Paulin de Noie, citée par Grégoire de Tours 6, loue dans une même phrase les évêques Exuperius de Toulouse et Venerandus de Clermont 7. Or, une autre lettre de Paulin glorifie Exuperius pour avoir organisé la défense de Toulouse 8. On peut donc supposer que Venerandus a joué le même rôle à Clermont 9. La désorganisation de l'Empire est alors telle qu'une grande partie de la noblesse gauloise se rallie aux usurpateurs Constantin III et Jovin. On ne sait si l'Auvergne s'est ralliée à Constantin III, mais il est assuré que des aristocrates arvernes ont soutenu Jovin et que l'Auvergne a subi alors une seconde épreuve : en effet, c'est en Auvergne que les derniers partisans de Jovin ont été faits prisonniers et exécutés 10. D'autre part, dans son panégyrique d'Avitus, Sidoine affirme que son beau-père, dans sa jeunesse, fut choisi « comme unique délégué de sa patrie épuisée, afin de panser ses blessures et réclamer l'abolition d'un impôt monstrueux » n. Cet impôt punissait vraisemblablement l'Auvergne pour son soutien à l'usurpateur et Avitus en obtint sans doute la levée lors du rétablissement de l'Assemblée des Sept provinces à Arles le 17 avril 418 12. Une troisième épreuve, heureusement passagère, attend la cité en 436, quand l'armée de Litorius, venant d'Armorique, traverse l'Auvergne, pour aller dégager Narbonne assiégée par le roi Wisigoth Théodoric Ier. Cette armée, composée essentiellement de Huns, est précédée d'une telle réputation que la ville ferme ses portes et organise des tours de garde. Mais, d'après Sidoine, la campagne subit mille saccages. Parmi les victimes : un 6. Historia Francorum, II, 13, éd. B. Krusch et W. Levison, MGH, SRM, t. I, 1, Hanovre, 1951 (2e éd.), p. 62. Toutes les références à Grégoire de Tours seront faites dans l'édition des MGH. 7. C'est par commodité que je désigne ainsi le chef-lieu de la cité des Arvernes, quoique le nom de Clermont n'apparaisse pas dans les sources avant le vuie siècle : cf. P.-F. Fournier, Nouvelles recherches sur les origines de Clermont-Ferrand, Clermont-Ferrand, 1970, p. 559- 560. 8. Jérôme, Ep. 123, 15. 9. M. Rouche, op. cit., p. 20. 10. HF, II, 9, p. 57 (Grégoire cite Renatus Profuturus Frigeridus). 11. Carmen VII, v. 209-210, p. 62. 12. A. Loyen, Recherches historiques sur les panégyriques de Sidoine Apollinaire, Paris, 1942, p. 37. SIDOINE APOLLINAIRE ET L'AUVERGNE 245 serviteur d'Avitus, que son maître s'empresse de venger en provoquant le coupable en duel. C'est ce duel qui intéresse Sidoine 13. Il en fait un récit à la fois épique et rempli de détails précis qui nous renseignent sur l'équipement militaire et les méthodes de combat de l'époque 14. Mais on regrette qu'il n'ait pas le même souci de précision quand il évoque le sort de la campagne arverne ; il se contente alors de généralités stéréotypées : « Ces barbares, par leurs razzias, par la flamme et le fer, par leur cruauté, par leurs rapines, détruisaient tout sur leur passage, faisant mentir le vain nom de paix » 1S. L'Auvergne a donc connu trois épisodes difficiles, mais toujours passagers. Elle n'a jamais subi l'installation permanente de barbares sur son territoire 1б. Elle a donc pu, à chaque fois, se relever, si bien que le tableau de l'Auvergne que nous transmet Sidoine au milieu du siècle est celui d'une Auvergne prospère. Sidoine évoque deux fois la fécondité et le charme de l'Auvergne : — La première fois, dans le panégyrique d'Avitus 17 : « Dès les portes de la ville s'étendent des champs fertiles, qui, à peine ouverts par le premier labour, ont soif de semences trop lentes à leur gré et découvrent à la vue une glèbe noire d'une fécondité mystérieuse, même si les bœufs s'abandonnent à la paresse ». Cette description de la Limagne, directement inspirée de Virgile 18, est trop conventionnelle pour être utile. — Le uploads/Litterature/ sidoine-apollinaire-et-l-x27-auvergne.pdf
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- Publié le Dec 26, 2021
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