Université Robert Schuman – Institut d’Etudes Politiques
Université Robert Schuman – Institut d’Etudes Politiques Mémoire de 4ème année, section Etudes européennes, rédigé sous la direction du Professeur Vlad CONSTANTINESCO Juin 2006 1 2 Université Robert Schuman – Institut d’Etudes Politiques Mémoire de 4ème année, section Etudes européennes, rédigé sous la direction du Professeur Vlad CONSTANTINESCO Juin 2006 3 L’Université Robert Schuman n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. 4 Thèmes : Relations internationales, Droit international, Questions de défense. Mots-clés : sociétés militaires privées, entreprises privées de sécurité, mercenaires, externalisation, forces armées, privatisation de la guerre, Irak. Subjects : International relations, International Law, International Security. Key-words : private military companies, private security firms, defence contractors, outsourcing, armed forces, privatization of war, Iraq. Contact : stephanie.jung@9online.fr Photographie de couverture : Des agents de sécurité dans un hélicoptère à Bagdad. © Keystone. 5 Je souhaiterais faire part de ma gratitude au Professeur Vlad Constantinesco, qui m’a fait l’honneur de bien vouloir encadrer ce travail de ses remarques précieuses et utiles. Je remercie également le Professeur Sylvain Schirmann, deuxième membre du jury, pour l’intérêt qu’il a porté à ce sujet. Un grand merci enfin aux personnes qui ont bien voulu m’accorder des entretiens, à Chloé, Maulde, Pierre et Thiébaut pour leurs relectures attentives, et à tous les miens pour leur patience et leur présence. 6 Introduction CHAPITRE PREMIER – LE FLORISSANT COMMERCE DE LA GUERRE : L’ESSOR DES SOCIETES MILITAIRES PRIVEES Section I – L’émergence d’un marché de la sécurité et de l’assistance militaire § 1. – Le contexte propice de l’après-Guerre froide § 2. – L’organisation des sociétés et le profil de leurs employés § 3. – La diversité des missions et des zones d’intervention Section II – Les avantages et les risques de la guerre en sous-traitance § 1. – La logique de l’externalisation § 2. – Les enjeux politiques § 3. – Les conséquences sur la conduite des opérations militaires CHAPITRE SECOND – MAITRISER LE NOUVEAU MERCENARIAT : L’ENCADREMENT JURIDIQUE DES ACTIVITES DES SOCIETES MILITAIRES PRIVEES Section I – L’encadrement des activités des sociétés militaires privées : un « vide juridique » ? § 1. – Des instruments internationaux peu pertinents § 2. – Des réglementations nationales approximatives ou lacunaires Section II – Les incertitudes relatives à la responsabilité du fait des actes commis par les auxiliaires privés § 1. – Les hypothèses de mise en jeu de la responsabilité internationale de l’État § 2. – Le régime de responsabilité pénale des sociétés militaires privées et de leurs employés : une immunité de fait ? Conclusion : Éléments d’un régime national et international de contrôle des sociétés militaires privées 7 « Il ne peut y avoir de bonnes lois sans de bonnes troupes, ni de bonnes troupes sans de bonnes lois. », Machiavel, Le Prince, chap.XII. (1513) 8 Sociétés militaires privées. L’association de ces trois mots semble surprenante. Il est en effet communément accepté que la chose militaire soit publique et relève de l’État, qui dispose, selon la célèbre formule de Max Weber, du monopole de la violence physique1. De même, la référence à des sociétés, acteurs économiques, paraît improbable. Après tout, la guerre ne peut être l’objet d’un commerce. La défense et la sécurité ne peuvent constituer un service marchand. Cette conception doit être revue à la lumière des développements récents. Depuis la fin de la Guerre froide se sont développées des sociétés à caractère commercial, anglo-saxonnes dans la plupart des cas, et qui fournissent des services liés à des activités de défense et de sécurité. Ces structures civiles, souvent dirigées par d’anciens cadres des unités d’élite des armées régulières, assument des missions naguère du strict ressort de l’armée, qui touchent au cœur des fonctions militaires : logistique, entraînement et formation, maintenance des armes sur le lieu de bataille… Elles sont une composante peu connue mais de plus en plus déterminante des conflits d’aujourd’hui. Leur émergence vient nourrir le débat sur le renouveau de la conflictualité après la Guerre froide2 et sur la « privatisation de la guerre », comprise, au sens large, comme un phénomène de diversification des protagonistes impliqués dans les guerres et la la fin du monopole de l’État sur les ressources coercitives. Cette nouvelle industrie se compte en centaines d’entreprises, en milliers d’employés, et en milliards de dollars de revenus. Elle trouve ses origines dans le phénomène d’« externalisation », qui consiste à déléguer certaines tâches de l’armée à des entreprises privées, afin de décharger les forces des missions les moins vitales pour la sécurité nationale. Peut-être faut-il y voir aussi l’aboutissement de la logique de la professionnalisation des armées. Un grand nombre de pays ont en effet renoncé au service 1 Max WEBER, Le Savant et le Politique (1919), Paris, éd. La Découverte, coll. Poche Sciences humaines et sociales, 2003. 2 Voir notamment les ouvrages de Herfried MÜNKLER, Die neuen Kriege, Rohwohlt Verlag, Hamburg, 2002 ; trad.française, Les guerres nouvelles, Paris, éd. Alvik, 2003 et de Martin VAN CREVELD, The Transformation of War, The Free Press, New York, 1991 trad.française, La transformation de la guerre, Monaco, éd. du Rocher, coll. L’art de la guerre, 1998. 9 national et opté pour une armée de métier. La guerre n'est plus considérée comme un devoir national de chaque citoyen, mais comme un service que l'État achète à ceux qui peuvent le lui vendre. Les sociétés militaires privées sont engagées au cas par cas pour mener des opérations militaires sur une base contractuelle. Elles constituent de ce fait une nouvelle forme de mercenariat, que l’on pourrait qualifier d’entrepreneuriale3. On est cependant très loin de l'imagerie d'Épinal des « barbouzes » d'antan et du mercenariat traditionnel, qui reste encore actif sur le continent africain. Les « têtes brûlées » de naguère ont cédé la place à de véritables hommes d’affaires. Il s’agit de sociétés dûment enregistrées, qui fonctionnent en étroite liaison avec leur gouvernement d’origine. Elles travaillent pour des États, des organisations internationales, des organisations non-gouvernementales (ONG) ou des entreprises. Elles remplissent des rôles paramilitaires d’importance tactique indéniable, et leurs services sont considérés comme déterminants et légitimes. Ces sociétés interviennent sur tous les fronts : Bosnie, Colombie, Afghanistan... En Irak, on estime qu’elles emploient entre 20.0004 et 35.000 personnes5, ce qui fait d'elles le « deuxième contingent » de la Coalition après les troupes américaines. Elles représentent un tiers du budget opérationnel du Pentagone en Irak6, et sont une partie importante dispositif de stabilisation du pays. Cette propension à s’en remettre à des entreprises privées a peu de chances de s’inverser dans un futur proche. Elle est l’expression d’un mouvement de fond, appelé à bouleverser la manière dont les guerres sont conduites. Les problèmes posés par cette évolution doivent donc être très sérieusement considérés. 3 L’expression de « mercenariat entrepreneurial » est utilisée par plusieurs auteurs. Elle fait référence à la notion de « corporate warriors » utilisée outre-Atlantique. Voir l’ouvrage de Peter W. SINGER, Corporate Warriors : The Rise of the Privatized Military Industry, Ithaca & London, Cornell University Press, 2003. 4 Peter W. SINGER, « Outsourcing War », Foreign Affairs, vol.84, n° 2, mars-avril 2005, p.122. 5 Peter ALMOND, « UK: War’s fertile grounds for soldiers of fortune », The Sunday Times, 30 octobre 2005. 6 Source : Stéphane BUSSARD, « La privatisation de l'industrie militaire représente un phénomène mondial. Entretien avec Peter W. Singer », Le Temps, 30 avril 2004. 10 Au cœur de cette réflexion se trouve le fait que ces « nouveaux mercenaires » – bien qu’ils n’aient pas vocation à combattre – sont des agents en armes, qui se sont inévitablement retrouvés engagés dans des combats, et ont parfois même effectué de véritables offensives. L’objet de ce mémoire est de réfléchir aux implications politiques et aux défis juridiques posés par une telle évolution en matière de conduite de la guerre. Cette analyse sera constituée de deux grands mouvements. Nous expliquerons, en premier lieu, la réalité de ce « commerce de la guerre » et ses conséquences, tant du point de vue du contrôle démocratique et du respect des droits de l’homme, que de celui des opérations militaires. Nous examinerons en second lieu, le dispositif juridique d’encadrement de ces activités, et les mécanismes de responsabilité du fait des actes commis par ces auxiliaires privés. 11 Les conflits de la dernière décennie ont vu l’essor d’une nouvelle catégorie d’acteurs connus sous le nom de sociétés militaires privées. Celles-ci assurent, en temps de guerre, diverses missions de sécurité et de soutien militaire. La décision d’y uploads/Litterature/ smp-nouveaux-entrepreneurs-guerre.pdf
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- Publié le Oct 17, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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