1 I. GELB (1973 [1952]) : il analyse l’absence de développement d’une « véritab
1 I. GELB (1973 [1952]) : il analyse l’absence de développement d’une « véritable » écriture dans les sociétés méso- américaines comme étant la conséquence logique du sous-développement dans lequel se trouvaient ces sociétés avant l’arrivée des Conquistadores, même si leur situation a parfois été comparée, à tort d’après l’auteur, à celle des civilisations orientales. Ces sociétés de « pré-écriture » (ou « avant-courrier de l’écriture », comme il les qualifie) qui ne connaissaient, entre autres, ni la roue ni son usage en traction et qui étaient encore capables de sacrifices humains et de cannibalisme ne pouvaient aspirer à un développement plus élevé, et leur système de représentation graphique n’est, comme on peut le lire en filigrane dans les propos de I. Gelb, qu’une mascarade de système d’écriture (Gelb, 1973 [1952] : 66) : « Les caractères des formes écrites, stagnants sur environ sept cents ans, la création des grotesques variantes formelles de la représentation de la tête avec leur surabondance typique de détails inutiles – un péché cardinal en matière d’écriture, du point de l’économie -, tout cela suggère un stade de développement décadent, quasi baroque. » Quels que soient les critères invoqués, ces théories impliquent l’élaboration d’une hiérarchie des sociétés en fonction de leur degré de développement, ce degré se manifestant entre autres à travers les systèmes de codification (de la simple image à l’écriture) (pour une critique voir S. Tinoco, p. 263). Ainsi, sur l’échelle de I. Gelb, se retrouvent au stade le plus bas « les Noirs de l’Afrique », puis les Indiens de l’Amérique, qui « ont connu un stade de systématisation et d’unification inconnu des Noirs de l’Afrique » (Ibid. : 56), parmi lesquels les Indiens de l’Amérique centrale ont eu cependant des « inscriptions hautement élaborées » qui dépassaient « les systèmes primitifs des Indiens de l’Amérique du Nord et des Noirs de l’Afrique ». Apparaissent ensuite successivement les sociétés ayant connu d’abord des systèmes de représentation logo-syllabique, puis syllabique et enfin, stade ultime de développement selon l’auteur, d’écriture alphabétique (voir le tableau des « Étapes de l’évolution de l’écriture », Gelb, 1973 [1952] : 212). Ces théories évolutionnistes se doublent d’un corrélat cognitif mis en évidence dans J.-P. Gee (1996 : 33 et suiv.) : les membres de sociétés qui n’ont pas accès à la litéracie auraient des capacités intellectuelles réduites, en particulier dans le domaine de l’abstraction et de la logique. [Pour la démonstration, voir l’enquête menée par Vygotsky et Luria dans les années 1930 dans l’Asie centrale soviétique (voir GEE, 1996 : 54, pour une réflexion critique)]. Ces idées, véhiculées par les théories, pourtant récentes, de l’écriture au XXe siècle, reprennent ainsi la dichotomie sauvage/civilisé présente dès les premières descriptions des langues d’Amérique réalisées par des missionnaires empreintes de la grammaire de Port-Royal. Avec l’introduction des langues coloniales sur leur territoire, la majorité des sociétés de tradition orale sont aujourd’hui confrontées à des opérations/processus d’alphabétisation qui tendent à utiliser l’alphabet pour la transcription des langues orales. Dès lors, l’introduction de l’alphabet 2 ressentie comme une imposition à partir des premières écoles a marqué le point de départ d’une mutation culturelle [aveuglement/aliénation] dans ces sociétés de l’oralité. Les effets de l’accélération de ce phénomène dans les cultures du Tiers Monde sont difficilement prévisibles, contrairement à l’attitude qui posait l’écriture, i.e. la connaissance de l’alphabet, comme préalable à tout savoir et qui lui conférait le pouvoir de conduire les sociétés au développement. Cette vision simpliste des rapports entre la connaissance et l’écriture semble être démentie par les événements. Les civilisations orientales d’Asie, en particulier les modèles de développement du Japon, de la Chine et de l’Inde, suggèrent une autre compréhension : ce n’est pas l’écriture en soi et par elle-même qui conduit au développement, mais l’internalisation du principe de l’écriture dans la tradition des cultures. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ -------- Pendant longtemps, l'écriture n'a pas beaucoup contribué à la communication "au sein de la société humaine", puisqu'elle n'était "essentielle" que pour ceux à qui elle apportait pouvoir et prestige. La fonction sociale de l'écriture n'était pas du tout semblable à celle de la langue parlée : elle n'unissait pas la communauté, mais la divisait. Mais cette division, pourrait-on ajouter, est intrinsèque à la conception occidentale de l'alphabétisation au moins en ce qui concerne l'aspect suivant : « Le facteur clé dans la formation d'une classe de spécialistes lettrés en Occident a été la différence, qui existe depuis le début de la révolution alphabétique dans la Grèce antique, entre la langue des textes utilisés pour enseigner la lecture et l'écriture et la langue du peuple qui devait apprendre. » [Cf. Benninson GRAY, « Language as knowledge: the concept of style », dans Forum Linguisticum, Volume 3, n° 1, 1978, p. 30. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ ------- Les fidèles n'ont pas à lire, mais seulement à regarder les figures (avec la diffusion de l'alphabétisation, l'usage du missel pour les fidèles s'est répandu dans l'Église catholique, ce qui leur permet de suivre les lectures, mais c'est un usage qui prendra un peu plus d'un siècle, contrairement à l'utilisation beaucoup plus ancienne des lectures dans les Églises protestantes). ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ -------- Au fond, chaque fois que l’on essaie de définir l'écriture (et la lecture), on tombe sans équivoque sur l'image : différents types d'images, bien sûr, mais en tout cas, des images. Nous croyons que c'est l'un des fils conducteurs du texte. Les formes picturales, expressives, etc. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ -------- uploads/Litterature/ gelb-ecriture.pdf
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- Publié le Fev 24, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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