Ce récit paraît en 1866, et témoigne de la vogue spirite qui touche alors son t

Ce récit paraît en 1866, et témoigne de la vogue spirite qui touche alors son temps. Mais il se révèle surtout être la confidence d'un auteur arrivé au faîte de sa carrière de romancier, de critique et de poète, qui fait un retour sincère sur son expérience d'écrivain. Loin des truculences du Capitaine Fracasse et des provocations de Mademoiselle de Maupin, Gautier livre, à travers le parcours initiatique de Malivert, sa propre histoire, celle d'un écrivain déçu par la vulgarité de son temps mais qui conserve une foi intacte dans la puissance de l'art. Spirite constitue, à cet égard, un vibrant plaidoyer en faveur de la beauté. A/ Structure 16 chapitres à peu près égaux, 11-12 pages chacun B/ L'histoire Guy de Malivert, jeune aristocrate riche et cultivé du Faubourg Saint-Germain est aimé de la comtesse d'Ymbercourt, une jeune veuve de son milieu. Leur entourage est persuadé qu'ils vont bientôt se marier, mais Malivert ne partage pas les sentiments que la jeune fille éprouve à son égard. C'est alors que des phénomènes étranges se produisent : comme sous la dictée d'une main invisible, Malivert écrit à Madame d'Ymbercourt une lettre de rupture... au moment où il s'apprête à sortir de chez lui pour rendre visite à la jeune veuve, il perçoit un soupir plaintif... plus tard, chez Madame d'Ymbercourt, son ami, le baron de Feroë, diplomate suédois, disciple de l'occultiste Swedenborg, lui enjoint de ne s'engager dans aucun lien terrestre, car un esprit est sur le point de le visiter. Dès le lendemain, une jeune fille d'une beauté surnaturelle lui apparaît dans le miroir vénitien de son bureau-salon. Il tombe éperdument amoureux de l'apparition qu'il surnomme "Spirite". Le jour suivant, Malivert se rend en traineau au Bois de Boulogne. Une jeune fille est assise à l'angle d'un autre traineau : c'est Spirite ! Guy de Malivert se lance à sa poursuite. Une berline traverse le chemin. L'accident est inévitable ! Malavert stupéfié voit le cocher, le cheval et le traineau passer à travers la voiture comme à travers un brouillard... Rentré chez lui, Malivert songe à Spirite qu'il aime désormais d'un amour absolu. Spirite se manifeste à lui et il se met à écrire sous sa dictée. Elle apprend à Guy de Malivert qu'elle l'aime depuis longtemps, mais que le sort s'est acharné à les empêcher de se rencontrer. Désespérée d'apprendre son projet de mariage avec la comtesse d'Ymbercourt, elle est entrée au couvent et y a rendu l'âme un an après, à l'âge de 18 ans. Elle lui décrit ensuite le monde nouveau dont elle fait désormais partie et au sein duquel elle comprend qu'elle lui était éternellement destinée. Elle lui explique enfin comment elle est entrée en communication avec lui et s'est mêlée à son existence. Sur les indications du baron de Feroë, Guy se rend sur la tombe de la jeune fille dont le vrai nom est Lavinia d'Aufideni. A partir de ce moment, Spirite se mêle de plus en plus intimement à la vie de Malivert. Ce dernier n'aspire plus qu'à la rejoindre et songe même à mettre fin à ses jours, mais Spirite l'en empêche. Après un dernier adieu à Madame d'Ymbercourt, Malivert s'embarque pour la Grèce. Spirite se manifeste à lui et l'accompagne, invisible pour tout autre. Quelques jours après son arrivée, Malivert décide de visiter les montagnes des environs d'Athènes, accompagné d'un guide du nom de Stavros. Chemin faisant, il est attaqué et tué par des bandits. Stavros parvient à s'échapper et raconte qu'au moment de son agonie, le visage du jeune homme rayonnait d'une joie célèste et qu'une jeune fille d'une merveilleuse beauté se tenait auprès de lui. Au même moment, à Paris, le baron de Feroë, plongé dans la lecture d'un ouvrage de Swedenborg : Les mariages de l'autre vie, a la vision des deux amants confondant leurs âmes enfin réunies. Thèmes abordés : L'amour, l'au-delà, la prédestination, le monde occulte, les rapports entre les vivants et les morts. Genre : Fantastique Analyse du titre de l'ouvrage : "Spirite" : c'est le surnom que donne Guy de Malivert à l'apparition dans le miroir vénitien. Spirite : adjectif et nom (1858, de l'anglais spirit, dans l'expression spirit-rapper, "esprit frappeur") 1°) adjectif relatif aux esprits des morts, à leurs manifestations supposées, propres au spiritisme. 2°) nom de la personne qui évoque les esprits, par l'entremise d'un medium, personne qui s'occupe de spiritisme. Mots de la même famille : spiritisme, spiritualisation, spiritualiser, spiritualisme, spiritualité, spirituel... C/ L'Espace et le Temps : L'action se situe à Paris et se termirne dans les environs d'Athènes. Lieux : le pavillon de Guy de Malivert, Faubourg Saint-Germain (p. 11), le salon de l'Hôtel particulier de Madame d'Ymbercourt, rue de la Chaussée d'Antin, le club de Guy de Malivert, rue de Choiseul, le bois de Boulogne. Dictée de Spirite : le parloir du couvent des Oiseaux, la chambre de Spirite dans la maison familiale, le jardin, le Bois de Boulogne, le Théâtre des Italiens, l'Hôtel de la duchesse de C., le Faubourg Saint- Germain, la salle-à-manger de Madame de L., le couvent des soeurs de la Miséricorde Le cimetière du Père-Lachaise Marseille, Athènes, la Cap Malia, les montagnes des environs d'Athènes Changements de lieux importants pour Malivert : le voyage en Grèce, pour Spirite : l'entrée au couvent des soeurs de la Miséricorde. Le changement de lieu scelle dans les deux cas la destinée des deux personnages : ils vont trouver la mort. Intérêt d'une étude des "chronotopes" (cf. M. Bakhtine, Esthétique et théorie du roman) : le Faubourg Saint-Germain, quartier de Paris où réside l'aristocratie, les salons, lieux où se concentre la vie mondaine, intellectuelle, artistique et politique au XIXème siècle : celui de Madame d'Ymbercourt, celui de la duchesse de C. où a lieu le premier bal de Lavinia-Spirite et la rencontre manquée avec Guy de Malivert, le Bois de Boulogne, lieu à la mode où se nouent et se dénouent les idylles, on s'y bat en duel, il est de bon ton d'y être vu, lieu de rendez-vous et de parade de l'aristocratie, de la haute bourgeoisie parisienne et des demi-mondaines. Les oppositions : Opposition salon, bureau du célibataire et salon de Madame d'Ymbercourt, opposition salon, club, maison/couvent, France/pays "exotiques" (Egypte, Espagne, Grèce) C'est à partir de la visite de Malivert sur la tombe de Lavinia au Père-Lachaise que les liens entre les deux personnages deviennent plus intenses et plus intimes. En tant que chronotope, le cimetière du Père- Lachaise est le lieu le plus éloigné de la vie sociale, sur le plan symbolique, il est l'exact opposé des salons. Un rapprochement s'impose avec le défi de Rastignac dans Les Illusions perdues de Balzac : c'est au cimetière du Père-Lachaise que le jeune ambitieux s'écrie : "A nous deux Paris". L'endroit est le même, mais les désirs des deux personnages sont aux antipodes l'un de l'autre. La nouvelle est fondée sur une série d'oppositions : intérieur/extérieur, Mme. d'Ymbercourt/Spirite, ici- bas/"ultramonde", cimetière/salon, vie mondaine/vie spirituelle... et sur un retournement paradoxal : la chaleur, la vie, l'intensité étant du côté de la mort comme "porte vers l'ultramonde", considéré comme étant "la vraie vie", la vie dans le monde (le mot "monde" doit évidemment être pris ici au sens chrétien) étant considéré comme une sorte de mort. La question du désir : Gautier rejoint Balzac : on désire ce que l'on n'a pas et que l'on ne désire plus quand on l'a : Rastignac part à la conquête de tout ce que Malivert possède (la richesse, le pouvoir...), tandis que Malivert, antithèse de la figure de Faust, renonce à tout ce dont rêve Rastignac et qu'il tient désormais pour rien à côté de la plénitude de "l'ultramonde" où l'on n'a plus rien à désirer, où le désir, du moins, ne s'accompagne plus de la souffrance du manque et de la désillusion de la possession. Malivert ne connaît pas la souffrance du manque, il ne manque de rien, mais comme dit Lacan, "ne manquer de rien, c'est manquer du manque". Avant sa "rencontre" avec Spirite, il n'y a jamais d'obstacle entre le désir et la réalisation. Il est "saturé" (saturé d'objets, saturé de confort, saturé de nourriture, saturé de femmes, saturé d'argent...). Malivert peut avoir tout ce qu'il désire et finit par ne plus rien désirer. C'est là sa tragédie. Dans ce désert du désir, Spirite va devenir à la fois sa punition et sa rédemption. Le désir vise l'absolu, l'inaccessible. Malivert se remet à désirer en désirant un "objet", le seul qu'il ne peut pas obtenir, un objet hors du monde qui se manifeste à plusieurs reprises et sous plusieurs aspects, mais qu'il ne peut atteindre. L'énigme : On peut également suivre le déploiement de "l'énigme", comme le fait Roland Barthes dans S/Z : position, thématisation, formulation, termes dilatoires, déchiffrement, dévoilement, depuis la rédaction médiumnique de la lettre de rupture jusqu'à la réunion des amants dans la mort. La position de l'énigme intervient au moment de la première "dictée médiumnique" (lettre de rupture à Mme d'Ymbercourt), la formulation de uploads/Litterature/ spirite.pdf

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