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Tous droits réservés © Les Presses de l'Université de Montréal, 1983 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 1 déc. 2021 15:39 Études françaises La Théorie critique de l’École de Francfort : implications pour une sociologie de la littérature Raymond A. Morrow Sociologies de la littérature Volume 19, numéro 3, hiver 1983 URI : https://id.erudit.org/iderudit/036801ar DOI : https://doi.org/10.7202/036801ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Presses de l'Université de Montréal ISSN 0014-2085 (imprimé) 1492-1405 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Morrow, R. A. (1983). La Théorie critique de l’École de Francfort : implications pour une sociologie de la littérature. Études françaises, 19(3), 35–49. https://doi.org/10.7202/036801ar La Théorie critique de l'Ecole de Francfort : implications pour une sociologie de la littérature RAYMOND A. MORROW* 1. INTRODUCTION Dans quelle mesure T École de Francfort a-t-elle contribué à l'évolution de la problématique d'une «sociologie» de la littérature? D'entrée de jeu, nous devons reconnaître que l'objet de notre étude présente un caractère plutôt vague. L'incertitude et l'hétérogénéité des paramètres théoriques et historiques de l'École, de même que l'incapacité d'en venir à un consensus quant au contenu d'une sociologie de la littérature nous empêchent de sombrer dans des généralités élémentaires ou d'en arriver à des conclusions systématiques. Nous croyons qu'il est possible, même dans un bref exposé, de présenter quelques observations pouvant servir de canevas pour l'élaboration d'une stratégie plus fructueuse qui nous permette de s'approprier cette riche tradition, souvent abstruse et inaccessible, de la recherche culturelle. Pour parler des répercussions de l'École de Francfort dans la sociologie de la littérature, il importe d'identifier le caractère historique et théorique de cette tradition. Comme nous le verrons, son unité théorique interne (et sa relation avec la problématique des études littéraires et culturelles) se définit plus négativement que positivement; c'est-à-dire qu'elle n'est pas considérée comme une structure d'analyse systématique, mais comme une réponse constante, historiquement autoréfléchie, à la crise du capitalisme avancé. Cependant, il importe avant tout de situer la tradition dans un cadre historique: c'est suite à la fondation de l'Institut de '(Traduit de l'anglais par Chantai Brillant.) 36 Études françaises, 19,3 recherches sociales à Francfort après la Première Guerre mondiale, soit tout au long de la période marquée par Taccession de Marx Horkheimer au poste de directeur, jusqu'à la publication subséquente du journal Zeitschrift fur Sozialforschung (1932-1941), que la notion de 1'«École» de Francfort prend naissance. Même si ce journal qui s'inspirait d'une sorte de marxisme critique se voulait largement indépendant et interdisciplinaire, il s'intéressait en fait à tout l'éventail de la recherche socio-scientifique. C'est pourquoi le terme «École» est utilisé la plupart du temps pour désigner la forme autodésignée de la Théorie critique {Kritische Théorie) qui a évolué dans un petit cercle composé de Horkheimer, Herbert Marcuse, Theodor Adorno et Leo Lowenthal1. Toutefois, cette approche ne doit pas être confondue avec celle d'un groupe d'individus formé de Georg Lukâcs, Karl Mannheim, Bertolt Brecht et Ernst Bloch qui, bien que ne faisant pas partie de ce cercle restreint et n'étant pas subventionné par lui, représentait les pierres de touche de la théorie culturelle de l'École de Francfort. Les cas de Walter Benjamin et de Jùrgen Habermas sont plus délicats. Bien qu'il eût été financé par l'Institut, qu'il publiât dans son journal et qu'il se rapprochât d'Adorno intellectuellement, Benjamin ne fit jamais partie du petit cercle. C'est pourquoi, en dépit des distances qui le séparaient du groupe et du caractère controversé de ses théories, il est considéré ici comme un des membres de l'École initiale de Francfort. Toutefois, Habermas ne fait pas partie de l'École initiale de Francfort et ne rejoint pas la conception de la Théorie critique qui en est issue. Appartenant à une génération plus jeune, il entreprend une révision fondamentale de la Théorie critique dans un nouveau contexte historique; c'est d'ailleurs à partir de ce moment que l'on ne devrait plus considérer l'École de Francfort comme l'endroit où la recherche sur la Théorie critique s'effectue. Cependant, les idées d'Habermas seront étudiées sommairement dans une perspective de recherche plus récente sur la sociologie de la littérature qui s'accorde faiblement avec la conception originale d'une «École de Francfort». 2. L'ÉCOLE DE FRANCFORT ET LA SOCIOLOGIE DE LA LITTÉRATURE: QUELQUES PROBLÈMES PARTICULIERS De toute l'attention consacrée à la théorie et à l'analyse culturelles, celle dont bénéficia la littérature fut limitée et basée sur 1. Pour un historique plus complet de l'Institut de Francfort, voir Martin Jay, The Dialectical Imagination, Boston, Little, Brown, 1973; pour l'approche non La Théorie critique de l'École de Francfort 37 un partage implicite du travail entre trois des membres du cercle de l'Institut de Francfort: Adorno s'occupe principalement de la théorie esthétique et de la musique, mais la littérature occupe une place de plus en plus importante à la fin de sa vie2; Marcuse se passionne pour les questions esthétiques, mais c'est surtout au début et à la fin de sa carrière qu'il s'intéresse à l'analyse littéraire3; cependant, c'est à Lowenthal qu'incombent officiellement les questions littéraires et c'est son étude qui se rapproche le plus du modèle traditionnel de la sociologie de la littérature4. Parallèlement à cela, il importe de considérer le travail de Walter Benjamin, non seulement à cause de la grande influence qu'il a exercée sur Adorno, mais aussi parce que son étude sur Baudelaire et le modernisme se rapprochait beaucoup de certains motifs de l'approche littéraire de la Théorie critique5. Si l'on retourne en arrière, il est frappant de constater que ces quatre personnages aient anticipé tous les problèmes théoriques et méthodologiques auxquels les sociologies de la littérature ont été confrontées au cours de la dernière décennie: une sociologie germanique la plus systématique, consulter David Heds, Introduction to Critical Theory, Berkeley and Los Angeles University of California Press, 1980 2 Les écrits littéraires d'Adorno sont publiés en quatre petits volumes Noten zur Literatur, 4 vol , Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1958-1974 3 Marcuse s'est intéressé à la littérature tout au long de sa vie mais, à l'exception de l'étude sur le romantisme allemand qui lui valut l'obtention de son premier diplôme (étude que l'on retrouve dans le premier volume de l'édition allemande de ses oeuvres complètes) et de son dernier livre sur la Dimension esthétique (Pans, Seuil, 1979), où il prend position en faveur de la théorie esthétique d'Adorno, il publia peu sur le sujet Son essai de séminariste sur «The Affirmative Character of Culture» (1937) que l'on retrouve à présent dans Negations, trans J Shapiro, Boston, Beacon, 1968, p 88-133, parle beaucoup des implications de la sociologie de la littérature 4 Cette tendance fut fortement influencée par l'assimilation de Lowenthal à la sociologie américaine dans le climat intellectuel des années cinquante Les travaux de Lowenthal furent récemment publiés en allemand dans une édition complète en quatre volumes (Schnften, 4 vol , Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1980- ) Cf aussi l'hommage qui lui est rendu dans Telos, (n° 45, automne 1980), et plus particulièrement l'article de David Gross, «Lowenthal, Adorno, Barthes Three Perspectives» (p 122-140) et de Robert Sayre, «Lowenthal, Goldmann and the Sociology of Literature» (p 150-169), on y retrouve aussi une bibliographie de ses travaux en allemand et en français 5 Pour comprendre la conception benjaminienne d'une sociologie de la littérature, on peut lire des textes clefs qui s'inscrivent comme riposte surréaliste à Lukâcs Charles Baudelaire, A Lyne Poet in the Era of High Capitalism, trans J Zohn, London, New Left Books, 1973 Ici, l'approche est plutôt différente de celle que l'on retrouve dans l'essai influencé par Brecht sur «The Author as Producer», publié dans Reflections, trans E Jephcott, New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1979, p 220-238 Dans une perspective plus générale, voir aussi Richard Wolin, Walter Benjamin, New York, Columbia University Press, 1982 38 Etudes françaises, 19,3 empirique de la connaissance, l'économie politique de la production littéraire, la théorie de la réception, l'idéologie critique considérée comme narrative, l'analyse de discours, la théorie esthétique matérialiste, l'analyse de l'activité culturelle en tant que forme de pratique émancipatoire, etc. Cependant, si l'on se rappelle que l'Allemagne peut être considérée comme fondateur de la tradition de la sociologie littéraire, cela n'a rien de surprenant6; précisément parce que l'on a retrouvé des fragments épars de cette tradition, suite aux transformations survenues au moins vingt-cinq ans avant l'émergence de préoccupations similaires en France et ailleurs, transformations qui ont été largement étouffées à cause des bouleversements historiques, des problèmes de langue, de la résistance politique, etc. En effet, jusqu'à la dernière décennie, seuls les travaux de Brecht et de Lukâcs avaient été accueillis favorablement à travers le monde. Nul besoin de commenter cet accueil tardif. La conséquence résultant de ce que peu d'étrangers uploads/Litterature/ theorie-critique.pdf

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