s« 1 GEORGES LABICA THEORIE DE LA VIOLENCE LA CITTA d e l s o l e - NAPLES LIBR
s« 1 GEORGES LABICA THEORIE DE LA VIOLENCE LA CITTA d e l s o l e - NAPLES LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN - PARIS TABLE DES MATifeRES Introduction, Mise en seine 9 Ch. I, Du coti du Livre de Job, 17 Ch. II, Du cote du martyre, Ch. Ill, Du cote de la demence, 57 Ch, IV, Hier et aujourd'hui, 79 Ch. Y, Ala recherche du sens, 99 Ch. VI, De la souffiance, 177 Ch. VII, De I'a-violence, 1^7 Ch. VIII, De la non-violence, 1^7 Ch., IX, Du pouvoir, 1^9 Ch., X, Du systlme, 723 Conclusion, Risistances, 753 Du meme auteur, 763 7 1 I 1 f f I r 1 E mmm Introduction MISE EN SCENE Car toutes les fois queje parle, il faut queje crie Queje crie h la violence et h Voppression Jeremie Notre epoque baigne dans la violence. Nous baignons dans la violence. Le mot lui-meme est pent ^tre le plus entetant et le plus entete de nos discours et de nos ecrits. On d^nonce les vio lences. On accuse de violences. On se defend d’etre violent. On se plaint de violences. « La violence me rend malade et pour- tant c’est devenu I’ordre naturel du monde Cela vaut pour les individus, de tous ages et de route quality, pour les groupes, pour les nations, pour les ethnies, pour les religions, pour les philosophies et les ideologies. Aucun manicheisme n’y trouve place, car ce n est jamais k sens unique, au contraire tous les melanges sont possibles et hardiment pratiques : un jour, on denonce, un autre, on est accuse, un autre encore, on se defend ; le contempteur pent etre, dans le meme temps, le coupable et le protestataire ; on innocente celui qu’on a incrimine, on noircit celui qu’on a blanchi ; on invoque sa bonne foi et on fait son autocritique...II demeure vrai toutefois, comme il en a ete depuis la nuit des temps, que s’impose le verdict du plus fort. La parole est peut etre k I’accuse, comme on dit a la cour, mais c’est bien le seul privilege dont il dispose, et dans la mesure oil il en dispose, le procureur, quant a lui, possede les moyens de la sanction, dont il n’entend pas se departir. « Selon que vous serez puissant ou miserable... ». Mais qu’en est-il de cette vio lence et dans quels rets la saisir ? Proteiforme, elle a I’art de la glisse, sous les trois apparences qu’elle donne k voir. ^ Cf. Imre Kertdsz, Roman policier, Arles Acres Sud, 2006, p. 44. 9 Elle est profuse et meme surabondante. Elle englobe aus- si bien les formes classiques de criminality et de dylinquance que celles qui surgissent constamment dans nos sociytys de marchandisation et d’inygalitys, auxquelles elle nest rtulle- ment limitye, puisqu’on ne saurait faire abstraction des conflits armys, - guerres, massacres et guyrillas, anciens et modernes, confondus eux aussi sous une unique appellation ; et qu’on doit prendre en compte, auprys des aspects phy siques, les aspects moraux et psychologiques qui, pour etre moins visibles, n’en sont pas de moindre gravity. Elle ^est dif fuse. Elle infiltre tous les secteurs de la vie sociale : urbain, rural, scolaire, conjugal, carcyral, entrepreunerial, commer cial, financier, institutionnel, militaire, polieier, diploma tique... Ses maniyres dyfient le recensement : injures ver- bales, menaces gestuelles, persycutions morales, horions, agressions, coups, cambriolages, escroqueries, malversations, vols, syvices, viols, blessures, mutilations, tortures, meurtres... Dans ces diffyrents registres se dyploie route une gamme de comportements ou interviennent les individus, les groupes (des associations aux gangs), les foules, les atmyes, voire les peoples ; pour ne rieh dire des instruments, n’im- porte quel objet pouvant servir a commettre uh acre violent. En consyquence, la violence est confuse: La gageure est inte- nable de penser et de dyfinir sous ce seul terme des situations aussi dissemblables et parfois contradi'ctoires que violences ordinaires et violences extraordinaires (qui en dycide ?)^, petits dylits et crimes de sang, violences contre les personnes, contre les biens et contre la nature, violences contre autrui et violences contre soi, violences prymydityes et violences subies. ^ Et meme imaginaires, logorrheiques et artificielles; par exemple, cette ddclaratioh d’un personnage politique, aprfes quelques d^risoires d^boires : « Dominique de Villepin : « Pour mes proches, c’est une veritable violence. Cest ce qu’il y a de plus douloureux. Je voudrais tout faire pour les protdger contre cette cruaute » (Paris-Match, juin 06). 10 violences dylibyrdes et lygitime dyfense, violences d’Etat et violences civiles, violences humaines et violences natOrelles, violences Idgales et illygalismes, violences conservatrices et vio lences ryvoiutionnaires.:.Les codes pdnaux se perdent dans la caSuistlque, les tribunaux Sont le siege des embrouille’s procd- duriyres et les jurisprudences accumulent sans fin les dydsions controversdes. Que dire de la liste touj ours incottiplete des sys- temes politiques, des philosophies et des iddologies, stipendiys pour leur violence intrinseque, tous ces -ismes de fascisme, nazisme, totalitarisme, colonialisme, stalinisme, maoisme, Oapitalisme, islamisme, impytialisme, racisme, etc. et pour- quoi pas la politique en- personne ? II existe, de surcroit, des violences considyryes non seulement coiilme soiistraites k rou te sanction, mais dignes d’yloges et de reconnaissance : les dycorations des hyros de guerre se mesurent au nombre de meurtres qu’ils ont commis...pour le salut de la patrie. Peut- on parler de violences salutaires ? Poiir la prison, avec son mythe de la ryinsertion, non. Pour le colonialisme^ exporta- teur de Ik civilisation^, non plus. Et pour la bonne petite fes- sye d’autrefois ? Paradoxe d’aujourd hui : on bourfe la pre miere, on ryhabilite le second et on proscrit la derniere. Res- terait le sport, mais sans amphets, ni EPO... II est enfin des violences apprydyes comme non viblentes. Le geste du chirurgien fendant un sternum pour en extraire un coeur a rafistoler n est pas diffyrent de celui du pretre aztyque plongeant son couteau d’obsidierine dans la poitrine du sacri- fiy, or, et ce n est pas du k I’anesthysie, ils n ont rieri k voir 1 un ^ Voici ce qu’en disait Cldmenceau rdpondant k Jules Ferry, lors d un d^bat k la Chambre en juillet 1885 : « Regardez I’histoire de la conqu6te de ces peuples que vous dites barbares et vous y verrez la violence, tous les crimes ddtlihainds, Toppressibn, le sang coulant k flots, le faible opprime, tyrannise par le vainqueur (...) Combieh de crimes atroces, effroyables ont et^ commis au nom de la justice et de la civilisation » (cit^ par Henri Car- tier, Comment Lz France « civilise » ses cdlonies, Paris, Les Nuits rouges ^d., 2006, p. 5. 11 avec I’autre. En contraste avec la cruaute, ne se platt-on pas k ^voquer la « douce violence ? La violence d’aujourd’hui est-elle pire que celle d’hier ? La question est debattue, mais elle est relative au domaine envisa ge, selon que Ton s’arretera k la criminalite et aux violences physiques ou que Ton considerera les hecatombes des conflits mondiaux et des repressions de masse, grossies du nombre plus leger des victimes d’aflfrontements localises et incessants. L’esti- mation globale sur les 50 dernieres annees s’eleverait k 60 mil lions de morts, blesses et infirmes en sus, faisant du XX erne siede, et du XXI erne, pas si mal parti, le siede par excellence, des tueries de masse. Une constatation tend k. corroborer ce jugement, savoir, comme on I’a releve, qu il n y a guere qu un demi siede precisement que la violence « elle-meme » se voit prise au serieux^ et fait Fobjet d’etudes specifiques, alors qu’el- le ne figurait pas dans la plupart des dictionnaires de spedali- te. Le fait que les violences soit, dans nos socides, mieux connues, grace aux declarations et au depot de plaintes des vic times (viols, incestes), aux enquetes et aux statistiques ofifi- cielles, nationales et Internationales et, de fa^on g^nerale, aux moyens d’information, ne change pas grand-chose a un tel constat. II pourrait meme se conforter de la multiplication des specialistes et des experts de la violence : chercheurs en sciences humaines et sociales, des psychologues aux historiens ; corps medical, psychiatres et analystes, criminologues, agressologues, accidentologues et victimologues ; enseignants ; forces de police ; religieux de tous rangs et obediences ; divers agents sociaux, des assistantes sociales aux conseillers conjugaux et aux « grands freres » des cit^s ; jusqu’aux astrologues et autres Par exemple, Philippe Carles parle de « douce violence, non violente » pour ^voquer le style du saxophoniste t^nor, Harold Land {^Dictiotinuive dujuzz, Paris, Robert LaflFont ^d., 1988) ; Louis Calaferte, de son c6td, ecrit; « ...sous la violence moUe des dt& » {Terre celeste, Paris, Tarabuste M., 1999, p. 85). 5 Cf. Hannah Arendt, Du mensonge h la violence, Paris, Calmann-L^vy, 1972, p. Ill, note. 12 magiciens. De grands temoins se sont fait 1 echo de cette mise- re aggravde, tels le Celine de TJord ou de Rigodon, ou le Clau de Simon de HAcacia. Ajoutons que notre temps nous a gratifie de quelques nou- veaux mdfaits \ le harcelement au travail, distinct uploads/Litterature/ theorie-de-la-violence-g-labica.pdf
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- Publié le Sep 27, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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