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<a rel="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc- nd/2.0/fr/"><img alt="Creative Commons License" style="border-width:0" src="http://i.creativecommons.org/l/by-nc-nd/2.0/fr/88x31.png" /></a><br />Cette création est mise à disposition sous un <a rel="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/">contrat Creative Commons</a>. UNIVERSITE DE PARIS VII. U.E.R. DE SCIENCES HUMAINES CLINIQUES LA DÉSYMBOLISATION DANS LA CULTURE CONTEMPORAINE THÈSE DE DOCTORAT PRESENTÉE PAR JOËLLE MESNIL DIRECTEUR DE RECHERCHE MONSIEUR LE PROFESSEUR YVON BRÈS. PARIS 1988 1 « ...car il existe un moment effrayant où le signe n’accepte plus d’être porté par une créature, comme un étendard est porté par un soldat .II acquiert son autonomie, il échappe à la chose symbolisée, et, ce qui est redoutable, il la prend lui-même en charge. Alors malheur à elle... Lorsque le symbole dévore la chose symbolisée, lorsque le crucifère devient crucifié, lorsqu’une inversion maligne bouleverse la phorie, la fin des temps est proche. Parce qu’alors le symbole n’étant plus lesté par rien devient maître du ciel. Il prolifère et envahit tout, se brise en mille significations qui ne signifient plus rien du tout » Michel T ournier. Le Roi des Aulnes « Il existe du sens parce qu’il y a des enjeux un peu bêtes, ceux qui tournent par exemple autour de la vie et de la mort, du bonheur et de la souffrance, de la liberté et de la servitude, et qui découpent des zones d’investissements et cristallisent des pôles d’intérêts. S’il n’en allait pas ainsi, la sociologie, disait déjà Durkheim, penseur objectiviste sans doute, mais pourtant de quelque pertinence, ne vaudrait pas une heure de peine. Dans le désert des significations, nous pourrions alors, au choix, compter les pattes des moutons que promène un mirage, ou le nombre de grains de sables soulevés par le vent du soir au creux de la dune.» Robert Castel 2 Introduction générale. 3 L’autonomisation des symboles et la perte du sens dans notre culture sont devenues des thèmes communs et l’objet d’une inquiétude qui s’exprime dans de nombreux textes contemporains relevant de diverses disciplines des sciences humaines. Dans le même mouvement, on souligne « la disparition des modes de saisie d’un réel devenu pur signe.» 1 et une tendance à la réduction du symbole au signe. D’une façon générale ce sont les rapports de la représentation à la réalité et au sens qui deviendraient problématiques. Mais quand on interroge les multiples textes qui abordent la question, une grande diversité de propos ne tarde pas à apparaître et on en vient à se demander si les phénomènes invoqués sont bien du même ordre, si l’unité qu’on croyait pressentir en deçà de différences au demeurant indéniables existe bien, ou si elle n’est que l’effet d’une lecture trop hâtive. Certaines observations expriment essentiellement l’idée qu’il y aurait dans notre culture une perte du pouvoir de référence du langage. Henri Lefebvre s’inquiète ainsi d’une « chute des référéntiels » dans les pensées « savantes », tandis que plus tard J. Baudrillard, qui a fait de ces questions l’objet principal de sa réflexion repère le même phénomène dans tous les discours, dans toutes les représentations produits par la « société de consommation ». Aujourd’hui les événements, l’histoire, seraient engendrés : « non à partir d’une expérience mouvante, contradictoire, réelle, mais [...] produits comme artefacts à partir des éléments du code. Il y a partout substitution en lieu et place du, réel d’un néo- réel tout entier produit à partir de la combinaison des éléments du code... c’est sur toute l’étendue de la vie un énorme processus de simulation qui a lieu. » 2. Par la suite « perte des référentiels », « déconnexion », « décrochage », « flottaison » seront des expressions récurrentes dans les textes de cet auteur : chaque fois, il s’agira de l’autonomisation des signes et de la réalité : « déconnexion du signe monétaire d’avec toute production sociale », « inconvertibilité des monnaies en or » mais aussi « inconvertibilité des signes en leurs référentiels ». Le simulacre, image sans référence devient alors, du point de vue de plusieurs auteurs, le mode de représentation le plus typique dans notre culture. Un jeune philosophe observe : « une nouvelle époque surgit depuis le début de ce siècle, où le symbolique pur, au-delà du sémiotique s’autonomise, exerçant un effet spécifique, devenant autre chose que le représentant convertible d’un réel : un réel lui-même, un opérateur insensé ».3 Des auteurs dont la pensée peut par ailleurs être radicalement différente, s’accordent sur ce point : E. Amado déplore la montée d’une « pensée déconnectée du réel » 4 et Y . Bonnefoy constate avec regret que « s’accroît dans notre modernité l’évidence de l’autonomie du langage » 5. Mots et choses se délient et on dirait que cette déliaison fait perdre aux choses leur réalité : « les choses nous renvoient les unes aux autres en cercle sur un même plan, au lieu de refléter dans leur profondeur vécue par nous l’épaisseur d’une réalité.» 6 Dans toutes les remarques que nous venons d’évoquer ou de citer, on peut dire qu’il est question de « désymbolisation » à condition de comprendre la symbolisation comme étant d’abord la mise en oeuvre de la fonction symbolique que nous définirons avec Benvéniste comme : « la faculté de représenter le réel 1 DESCAMPS (Christian),Les idées philosophiques contemporaines en France, Paris, Bordas,1986, p.68. 2 BAUDRILLARD (Jean),La société de consommation, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1970, p.195. 3 GOUX (Jean.Joseph), Les iconoclastes, Paris, Seuil, 1978, p.169. 4 AMADO VALENSI-LEVI (Eliane), La nature de la pensée inconsciente, Paris, Delarge, 1978, p.67. 5 BONNEFOY (Yves), La présence et l’image, Paris, Mercure de France, 1983, p.39. 6 MALDINEY (Henri), Regard parole espace, Lausanne, ed.L’âge d’homme, 1973, p.4. 4 par un signe et de comprendre le signe comme représentant le réel ».7 Mais à côté de ces interprétations qui visent toutes une réduction de pouvoir de référence des modes de représentation contemporains s’en affirment d’autres qui invoquent plutôt quant à elles l’idée d’une perte de sens symbolique des mêmes représentations. Cette fois, c’est un aspect particulier de la fonction symbolique qui est visé: non plus tous les modes de représentances mais seulement ceux qui mettent en jeu un mode de signifiance particulier, essentiellement différent de celui du signe. Plus loin, nous verrons l’extrême diversité des points de vue des auteurs qui évoquent cette perte de sens symbolique, mais nous remarquerons dès à présent que souvent ceux qui s’inquiètent de cette « désémantisation » sont les mêmes que ceux qui ont observé une perte de mise en oeuvre de la fonction référentielle dans notre culture. Ainsi, Baudrillard-voit-il dans la société de consommation le développement d’un processus de « réduction sémiologique du symbolique » qu’il définit comme « remise en cause de l’idée même de genèse, omission des origines »8, rupture d’un lien à l’inconnu ou au mystère. A ce moment, non seulement Baudrillard nous parle d’une perte de sens et non d’une perte de référence, mais encore cette perte de sens est-elle conçue d’une façon bien particulière: il s’agit de sens « symbolique ». C’est la perte de sens des symboles et non la perte de signification d’un signe qu’il déplore. Ainsi, dira-t-il d’un médium qui lui paraît particulièrement typique du mode de représentance prévalent dans notre culture: « La publicité tout entière n’a pas de sens, elle ne porte que des significations. »9 Retenons cette différence entre sens et signification ; nous verrons tout au long de ce travail qu’elle est essentielle à une explicitation de certaines idées contemporaines sur la désymbolisation dans la culture. Presque tous les auteurs auxquels nous nous sommes référés l’ont faite. H. Lefebvre considère également que notre société, saturée de significations, ignore pourtant le sens ; Y . Bonnefoy s’inquiète du « travail désagrégateur des stéréotypes, des dogmatismes, des choix insensés de la langue d’aujourd’hui »10, mais il observe parallèlement une survalorisation des significations. Certains s’inquiètent d’une telle réduction du sens dans le domaine de l’art où ils ne manquent pas non plus de relever le processus de déliaison référentielle déjà évoqué. Dans le domaine de la psychopathologie, on peut encore relever les mêmes tendances interprétatives, la déliaison référentielle apparaissant alors sous la forme d’une déliaison du pulsionnel et du représentatif dans des pathologies dont les symptômes ne sont plus considérés comme étant l’expression d’un retour du refoulé et comme tel chargé d’un sens qu’un travail interprétatif serait susceptible de mettre au jour Les symptômes eux aussi semblent avoir perdu leur sens, et cela, il faut le souligner dans un contexte culturel saturé de significations fermées, stéréotypées, « banales » pour reprendre le terme duquel Sami Ali qualifie ces pathologies. Mais au même moment, et quelquefois chez les mêmes auteurs, apparaît l’idée que les grandes organisations symboliques se déstructurent, que les « grands symboles » comme organisateurs culturels tendent à disparaître, que les images et les conceptions traditionnelles dans lesquelles nos ancêtres avaient pu trouver des repères vitaux sont devenus « lettre morte » dans la nouvelle culture sans que d’autres, qui auraient la même fonction, les aient remplacés. R. Bastide parle par exemple d’une disparition des codes symboliques qui ont 7 BENVÉNISTE uploads/Litterature/ these-de-joelle-mesnil-1988.pdf

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