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REVUE ------------------------------------ --------------- NUMISMATIQUE Dirigée par C. Morrisson, M. Amandry, M. Bompaire, O. Picard Secrétaires de la rédaction Fr. Duyrat, A. Hostein C. Grandjean ISSN 0484-8942 2011 (167e volume) SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE NUMISMATIQUE Diffusion : Société d’édition « Les Belles Lettres » 2011 ---------------------------------------------------- Publiée avec le concours de l’Institut National des Sciences Humaines et Sociales du Centre national de la recherche Scientifique RN 2011, p. 105-111 Marc Bompaire* Un exemple de livre de changeur français du xve siècle, le manuscrit Bibl. nat. de Fr., Nouv. Acq. Fr. 471. Résumé – Les caractéristiques des livres de changeurs français destinés à des officiers monétaires et financiers autant qu’à des changeurs sont rappelées par opposition aux livres de marchands ou aux traités mathématiques : spécialisation monétaire, routine du calcul aux jetons, optique large ment administrative. Une brève introduction est ensuite consacrée au ms Nouv. Acq. Fr. 471. Summary – This paper recalls the characteristics of the French money-changers books. They differed from the merchandise manuals and from the mathematical treatises. They were destined as much to monetary and financial officers as to money-changers themselves, hence their focus on monetary matters, on the routine of counter practice and their mainly administrative orientation. The article includes a short introduction to the BnF manuscript Nouv. Acq. Fr. 471. Ce manuscrit s’inscrit dans la typologie des livres de changeurs français, telle que je l’ai récemment rappelée (Bompaire 2006). Le terme de livre de changeur dérive de la publication par Adrien Blanchet d’extraits du « livre du changeur Nicolas Duhamel » (Bibl. nat. de France, ms Fr. 6289 ; Blanchet 1891). Tel était l’incipit de ce manuscrit autographe : « C’est le livre de Nicolas Duhamel, changeur a Paris ». Les éléments contenus dans ce volume définissent le livre de changeur : on y trouve des listes de poids et de titres de monnaies d’or et d’argent, des listes de valeurs des monnaies, des conseils sur les calculs monétaires, sur les alliages (« la manière de geter sommes de loy ») ou sur la façon de calculer les « empirances », c’est-à-dire les décotes des monnaies en fonction de leur titre et enfin sur la pratique des opérations du changeur à l’atelier monétaire « la maniere de faire une delivrance à la monnaie », y compris des informations de nature administrative comme la liste des ateliers monétaires français. C’est son objet presque exclusivement monétaire qui distingue le livre de changeur du livre de marchand ou du manuel d’arithmétique, même si on peut trouver dans chacun de ces trois types de documents les mêmes éléments monétaires – qui sont précisément l’objet de ce colloque – : des listes de monnaies (avec leur valeur, leur titre), des exemples de calculs sur les monnaies, des recettes de métallurgie. En revanche, on ne trouve pas dans ces « livres de changeurs » d’exposé d’arithmétique. Au mieux des tables de multiplication figurent dans les manus- crits de l’Avignonais Gauchier Blégier au début du xvie s. (Vallentin 1893). * CNRS Iramat Centre Ernest Babelon 3D rue de la Férollerie 45071 Orléans. MARC BOMPAIRE 106 RN 2011, p. 105-111 On n’y trouve pas même de renseignements sur le calcul avec les jetons, bien que ce soit la mode de calcul presque exclusivement pratiqué dans ces livres1. On y rencontre parfois quelques éléments sur la numération de position (Bibl. nat. de Fr., ms. Fr. 4924, 5296 et Dupuy 956), mais dans un exposé bien peu didactique et accessible. De même, les seuls problèmes mathématiques qui y sont développés ont trait au domaine monétaire : on n’y trouve pratiquement rien sur les règles de compagnie qui leur sont toujours associées dans les livres de mathématique ou de marchandise, y compris en France, qu’il s’agisse de Jehan Certain ou de Nicolas Chuquet2. Le manuscrit Français 5914 se singu- larise une fois encore en leur faisant une place, fort modeste, ainsi qu’à des problèmes d’aunage (également présents chez Gauchier Blégier, vers 1511 ou dans le manuscrit Bibl. nat. de Fr., Fr. 23928, également daté du xvie s., vers 1555). Les problèmes de troc-barat ou d’intérêts composés en sont également absents. Ces livres de changeurs ne fournissent pas davantage d’indications sur les marchandises, leurs qualités, la façon de les peser et de mesurer, sur les équiva- lences métrologiques d’une place à l’autre ni même sur les systèmes monétaires et les calculs de change. Tous ces éléments, marchands ou financiers, qui figurent dans les manuels de marchandise italiens ou catalans font défaut. Dans les « livres de changeurs » français, les monnaies ne sont considérées que comme des lingots de métal dans le cadre d’une refonte dans un atelier monétaire (français) qui semble constituer le seul horizon des opérations décrites. De nouveaux manuscrits qui m’ont été signalés pourraient s’ajouter au petit « corpus » d’une douzaine de manuscrits que j’avais utilisé sans remettre trop en cause la typologie que j’avais esquissée en distinguant deux groupes : manuscrits d’officiers financiers et monétaires, d’une part, manuscrits de chan- geurs et officiers monétaires d’autre part. La plupart d’entre eux sont composés d’éléments figurant dans le corpus antérieur. C’est le cas du fragment conservé à Nantes qu’Yves Coativy présente ci-dessous ou des manuscrits rouennais3 examinés par Philippe Lardin et Matthieu Arnoux à la suite de Michel Mollat qui en avait tiré une courbe des prix de l’écu d’or au xve s. (Mollat 1953, p. 28). Un autre manuscrit, conservé à la Bibliothèque de Bordeaux (no 812), s’appuie sur des documents réunis par un des plus hauts responsables de l’administration monétaire en France, Raimond Montfault, général maître des monnaies de Normandie puis de France au xve s. Or, apparemment, en dehors des listes sur la valeur de l’argent et de l’or, il contient seulement des copies d’ordonnances 1. À l’exception peut-être du manuscrit Bibl. nat. de Fr., Fr. 5914 qui est d’ailleurs un des plus intéressants sur le plan des calculs, comme me l’a indiqué St. Lamassé. 2. Voir les communications de St. Lamassé et de P. Benoit ci-dessous et Benoit 1989. 3. Manuscrits conservés à la Bibliothèque (ms. 1006, 2475, 3420) et aux archives municipales ( I 29, I 58 qui se rapprochent respectivement du groupe du ms. Nouv. Acq. Fr. 471 que nous étudions et du ms Fr. 5917). UN EXEMPLE DE LIVRE DE CHANGEUR FRANÇAIS DU XVe SIÈCLE 107 RN 2011, p. 105-111 royales et de règlements internes de la Chambre des monnaies sur les monnaies et les monnayeurs. Ce recueil de nature essentiellement administrative et régle- mentaire se différencie donc nettement de la plupart des livres de changeurs et même du groupe de ceux que j’attribue à des officiers de finances. J’ai en effet rangé parmi les livres de changeurs un ensemble de registres probablement rédigés par (ou pour) des officiers de l’administration royale, de la Chambre des comptes4 ou du Trésor en particulier, et qui répondaient à leurs besoins spécifiques. On y trouve, sous forme de tables, ce qu’une rente d’un denier par jour fait par mois ou par année, et surtout les procédures et les aides pour pratiquer la conversion, l’indexation des sommes selon la valeur de l’argent, en période d’instabilité monétaire pendant les mutations monétaires au xive et au xve s. C’est ce que l’on appelait les « avaluements » sur le marc d’argent qui reposaient sur des tables des valeurs successives de l’argent. On pratiquait aussi des indexations fondées sur le marc d’or ou sur les principales pièces d’or (les écus) et d’argent (les gros tournois) et les tables de valeurs correspondantes figurent aussi dans ces registres. Tous ces livres de changeurs s’échelonnent du milieu du xive s. au milieu du xvie s. S’y ajoutent quelques copies d’érudits du xviie s. (Bibl. nat. de Fr., ms. Dupuy 956 ou les copies de manuscrits réalisées par Poulain et conservées à la Monnaie de Paris). Ils n’ont pas eu, apparemment de postérité dans le domaine du livre imprimé : sans doute s’adressaient-ils à un milieu trop restreint ou cultivant le secret, même si la relative abondance de ces manuscrits fragilise une telle hypothèse. Sur le plan du calcul, on y observe la persistance quasi exclusive des chiffres romains (les rares exceptions portent sur quelques dates et quelques fractions) et l’usage du calcul avec les jetons. Cela se traduit par le souci évident d’éviter les divisions et les multiplications de grands nombres et donc le recours très fréquent aux comptes faits et aux tableaux, ou l’utilisation de « règles » permet- tant de limiter et de simplifier les calculs, en particulier en jouant sur les diffé- rents systèmes d’unité et le système de division par 12 et par 20. Pour les questions monétaires, ils suivent le système français de définition des titres de l’or en 24 carats, de l’argent en 12 deniers, mais la division de l’once en 20 esterlins est aussi utilisée systématiquement. La façon de préparer et d’évaluer les alliages est en effet au centre des problèmes avec les calculs liés à la formule monétaire, poids (taille), titre (aloi) et cours (ou valeur) des pièces. Les problèmes récréatifs uploads/Litterature/ un-exemple-de-livre-de-changeur-francais-du-xve-siecle-le-manuscrit-bibl-nat-de-fr-nouv-acq-fr-471-marc-bompaire.pdf
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- Publié le Jan 19, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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