DOI: 10.1484/J.SEC.1.100517 SEM CLAS 2 2009 • p. 167-201 Le Psautier d’Utrecht

DOI: 10.1484/J.SEC.1.100517 SEM CLAS 2 2009 • p. 167-201 Le Psautier d’Utrecht (University Library Utrecht, Ms 32, cité dorénavant PU) a fait l’objet de nombreuses études, dont deux, récemment, fort complètes1 : aussi se bornera-t-on à rappeler quelques grandes caractéris- tiques de ce manuscrit dont la genèse est loin d’être totalement connue. Il s’agit d’un psautier biblique (selon la version gallicane) à illustration littérale (166 images), produit à l’abbaye d’Hautvillers durant l’épiscopat d’Ebbon, selon l’opinion commune, donc daté entre 816 et 8352. Le texte, en capitalis rustica, avec la première lettre de chaque psaume en capitalis quadrata (le choix * Que François Boespflug trouve ici l’expression de ma reconnaissance pour sa précieuse relecture savante et amicale. Comme il est d’usage de le préciser, toutes les erreurs et maladresses qui grèvent cet article sont de ma seule responsabilité… 1. La première étude fondamentale demeure celle de S. DUFRENNE, Les illustrations du Psautier d’Utrecht. Sources et apports carolingiens, Paris, 1978 (Association des Publications près les Universités de Strasbourg 161), Strasbourg, 1978 ; Utrecht Psalter. Vollständige Faksimile Ausgabe im Originalformat der Handschrift 32 aus dem Besitz der Bibliothek der Rijksuniversiteit Utrecht, Kom- mentar K. VAN DER HORST, J. H. A. ENGELBREGT (Codices selecti 75-75*), Graz, 1984 ; K. vAN DER HORST, W. NOEL, W. C. M. WÜSTEFELD (éds.), The Utrecht Psalter in Medieval Art: Picturing the Psalm of David, Catalogue de l’exposition Utrecht, Museum Catharijneconvent, 31 août-17 novembre 1996, Westrenen, 1996, rassemble des contributions consacrées au PU (K. vAN DER HORST, « The Utrecht Psalter: Picturing the Psalms of David », p. 23-84), ainsi qu’aux manuscrits apparentés. On signa- lera la numérisation commentée mise librement en ligne par l’Université d’Utrecht : http://psalter.library.uu.nl. 2. K. VAN DER HORST, « The Utrecht Psalter » (cité n. 1). C. CHAZELLE, « Archibishops Ebo and Hincmar of Reims and the Utrecht Psalter », dans L. NEES, Approaches to Early-Medieval Art (The Medieval Academy of America), Cambridge (Mass.), 1998, p. 97-119, a récemment pro- posé une datation plus tardive, dans les années 845-855, soit durant l’épiscopat d’Hincmar. Impossible de porter un jugement, mais cela ne change pas grand-chose au problème qui m’intéresse ici. de la capitale rustique reflète, au IXe siècle, la dépen- dance par rapport à un modèle antique, ou une volonté de renouer avec la tradition classique, cette écriture ayant été l’écriture en usage jusqu’au VIe siècle3), est disposé en trois colonnes4 ; les illustrations à la plume et de la même encre que celle utilisée pour le texte (du plus clair au plus sombre, parfois avec une nuance brun-rouge5), dans certains cas complétées par des remplissages au pinceau (toujours à l’encre) pour les épaisseurs et les ombres, occupent toute la largeur de la page en tête du texte ; lorsqu’une colonne s’arrête 3. Le PU utilise également une autre écriture antique habi- tuelle entre le IVe et le VIIIe s., l’onciale rouge, pour les titres (or pour les Ps 2 à 17, noire pour les Ps 51 et 109) et pour les initiales des versets de la colonne gauche et la première ou les deux premières lignes de chaque psaume (celle[s]-ci cependant en brun) : sur le recours à un modèle antique ou la volonté de renouer avec l’esthéti- que des manuscrits antiques manifestée par le choix de ces écritures, voir Utrecht Psalter (cité n. 1), p. 13-14, et K. VAN DER HORST, « The Utrecht Psalter » (cité n. 1), p. 27-29. 4. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette disposition : le modèle utilisé aurait été un psautier triple, hypothèse qui expliquerait aussi, du coup, que les illustrations conviennent parfois plus à la version iuxta Hebræos qu’à la version gallicane du psautier ; la dispo- sition en trois colonnes pourrait avoir été aussi retenue pour sa commodité dans le cas d’un usage liturgique, mais telle ne semble pas avoir été la destination du psautier. En tous cas, contrairement au choix de la capitale rustique, il ne s’agit pas d’un parti archaïsant, car la disposition en trois colonnes est au contraire de plus en plus fréquente à l’époque carolingienne : étant donné l’irrégularité de la hauteur des colonnes que les copistes se sont efforcés d’harmoniser, il est même vraisemblable que le manuscrit ayant servi de modèle n’était lui-même pas en colonnes (Utrecht Psalter [cité n. 1], p. 18-20). 5. Les différences de nuance de l’encre ont suscité de nom- breuses hypothèses touchant à la genèse du manuscrit : voir Utrecht Psalter (cité n. 1), p. 15-16, ainsi que n. 7 infra. FRANÇOISE MONFRIN Quelques pistes de réflexion à propos du traitement de la mandorle dans le Psautier d’Utrecht* © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. 168 Françoise Monfrin plus haut que les autres, un motif figuré vient prendre place sous le texte pour emplir l’espace – la mise en page trahit une indéniable horror vacui. Le psautier n’est pas destiné à l’usage liturgique mais à celui d’un grand personnage, clerc ou laïc : on a suggéré que son destinataire aurait pu être Louis le Pieux (814-840) ou sa seconde femme, Judith (épousée en 819) ; par la suite, le psautier aurait pu parvenir à Metz, entre les mains de leur fils Charles le Chauve et de Judith, la fille de ce dernier (C. Chazelle, pour sa part, suggère le nom de Charles le Chauve lui-même6). Néanmoins, K. van der Horst a attiré l’attention sur le caractère improbable d’une destination impériale, étant donné l’inachèvement du manuscrit : il suppose en effet qu’à l’origine, il eût pu avoir été prévu que le psautier fût mis en couleur, mais qu’une interruption du travail aurait conduit à adopter un autre parti, les artistes se contentant alors de repasser à l’encre plus sombre certains des dessins7. Quelles que soient les difficultés que réserve l’iden- tification des sources du PU et leur mode d’utilisation, on admet généralement que les artistes se sont inspirés, directement ou indirectement, d’un ou de modèle(s) antique(s)8 : ces modèles n’étaient sans doute pas 6. Voir supra, n. 2, ainsi que C. CHAZELLE, « Violence and the Virtuous Ruler in the Utrecht Psalter », dans F. O. BÜTTNER (éd.), The Illuminated Psalter: Studies in the Content, Purpose and Placement of its Images, Turnhout, 2005, p. 337-348, ici 347-847, dont l’un des arguments est la coïncidence entre l’iconographie du psautier qui insiste sur la douceur du juste opposée à la violence armée de ses ennemis, et les efforts menés par les clercs après 840 afin d’encourager la paix entre les successeurs de Louis le Pieux et de parvenir à une réconciliation entre ces derniers, le clergé et l’aristocratie franque, ce qui ferait du psautier une sorte de « miroir des princes » en images. L’hypothèse d’un psautier destiné à l’étude, encore défendue par C. GIBSON-WOOD, « The Utrecht Psalter and the Art of Memory », Revue d’art canadienne/ Canadian Art review 14, 1987, p. 9-15, qui tient l’illustration littérale des psaumes pour une aide mnémonique, est loin d’avoir emporté l’adhésion des chercheurs (p. 13 : « a ready-made set of images for the students »). 7. K. VAN DER HORST, « The Utrecht Psalter » (cité n. 1), p. 81-84. 8. D. T. TSELOS, G. R. BENSON, « New Light on the Origins of the Utrecht Psalter », Art Bulletin 13, 1931, p. 29 et 43- 50 pour les parallèles antiques, ainsi que D. T. TSELOS, The Sources of the Utrecht Psalter Miniatures, Minnea- polis, 19551 et 1960², en particulier p. 11-22 ; mais l’hypo- thèse de D. T. Tselos, qui suppose un intermédiaire gréco- italien des VIIe ou VIIIe s. (stemma dans The Sources…, fig. 32) est généralement repoussée aujourd’hui ; de son côté, D. PANOFSKY, « The Textual Basis of the Utrecht Psalter Illustrations », Art Bulletin 25, 1943, p. 50-58, se fondant sur la discordance entre la version gallicane du psautier et certaines images, conjecturait l’interférence de seulement manuscrits9, car à l’époque carolingienne, la région rémoise devait conserver de nombreux vestiges de l’Antiquité classique peut-être, de l’Antiquité tardive commentaires patristiques (si son hypothèse du recours au modèle d’un psautier triple occidental pour expliquer la disposition en trois colonnes a été écartée, ses observations iconographiques demeurent valides) ; pour S. DUFRENNE, Psautier (cité n. 1), en particulier p. 68, 151-154 et 215- 216, le PU adapterait, en y ajoutant des scènes et des formulations iconographiques nouvelles, un « psautier- modèle » occidental (un codex en papyrus ?) à illustration littérale répartie entre les colonnes (refondue en une seule image au-dessus des colonnes) remontant à la fin du IVe ou au début du Ve s., complété par un manuscrit des Évangiles gréco-italien des VIe-VIIe s. Plus récemment, K. VAN DER HORST, « The Utrecht Psalter » (cité n. 1), p. 76-81, a attiré à juste titre l’attention sur la notion de « source » et de « modèle », étant donné le très petit nombre de manuscrits conservés antérieurs au PU, excluant d’une part qu’un artiste carolingien ait pu créer uploads/Litterature/ utrecht-sem-amp-class.pdf

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