Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014. 1 1 PRÉSENTATION
Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014. 1 1 PRÉSENTATION DU IVe ÉVANGILE 1 PRÉSENTATION DU IVe ÉVANGILE INTRODUCTION Dès l’antiquité chrétienne, Jean a été considéré comme le théologien par excellence et son Évangile est une œuvre théologique d’envergure. Ainsi pour C.H. Dodd "Il n’existe aucun livre dans le Nouveau Testament ou en dehors de lui qui soit véritablement pareil au IVe Évangile"1. Avant de commencer la lecture de ce "monument", je voudrais vous donner quelques clés de lecture à travers la présentation de quelques caractéristiques propres à cet évangile. 1 CARACTÉRISTIQUES LITTÉRAIRES DU IVe ÉVANGILE Comme tous les auteurs du Nouveau Testament, Jean écrit le grec de la koiné, c'est-à-dire la langue parlée de son temps, la langue dite commune. Comme les autres, son évangile a été prêché avant d'être écrit ; et de là vient une impression de naturel qui ne trompe pas. 11 La langue et le vocabulaire La langue de Jean apparaît relativement pauvre. Il utilise 1011 mots différents contre 1691 chez Matthieu, 1345 chez Marc et 2055 chez Luc. Elle est moins concrète et pittoresque que celle de Marc et moins littéraire que celle de Luc. Elle n'en présente pas moins une grande richesse. Le vocabulaire de Jean diffère beaucoup de celui des synoptiques. - Un certain nombre de termes caractéristiques des synoptiques font défaut ou presque en Jean : NT Mt Mc Lc Jn baptême 19 2 4 4 0 royaume 162 55 20 46 5 3 fois en 18,36 miracle 119 13 10 15 0 proclamer 61 9 14 9 0 convertir 34 5 2 9 0 parabole 50 17 13 18 0 évangéliser évangile 54 76 1 3 0 8 10 0 0 0 - Par contre, le vocabulaire du IVe Évangile comporte des mots clefs qui sont chargés d’une étonnante densité d’expression : NT Mt Mc Lc Jn aimer 143 8 5 13 37 amour 116 1 0 1 7 vérité 109 1 3 3 25 vrai 26 1 1 0 14 véridique 28 0 0 1 9 connaître 222 20 12 28 57 vie 135 7 4 5 36 juif 195 5 6 5 71 monde 186 9 3 3 78 témoigner 76 1 0 1 33 témoignage 37 0 3 1 14 demeurer 118 3 2 7 40 père 414 63 19 56 137 croire 243 11 14 9 99 1 C.H. DODD, The interpretation of the Fourth Gospel, 16. Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014. 2 - On rencontre ensuite en Jean un nombre important d’aramaïsmes, c’est à dire de termes araméens qui sont le plus souvent suivis de leur interprétation grecque : Rabbi, Rabbouni, Messie, Gabbata, Golgotha. Ces termes révèlent l’insertion de l’Évangile dans la tradition palestinienne. 12 Le style Au cours de ses développements, Jean a souvent l’habitude de répéter un ou plusieurs mots ou expressions. Il ne s’agit pas d’une pauvreté d’expression, mais d’insistance sur des termes clefs qui permettent de comprendre le passage en question. Le repérage de quelques mots-clefs (demeurer, croire, vie, lumière…) dans de nombreux passages de Jean peut en révéler l’organisation et en faire découvrir le sens. Dans le discours sur le pain de vie, les mots chair et sang font principalement leur apparition dans la section 6,51-58 et en marquent l’originalité : - chair : 13 fois en Jean dont 7 fois en Jn 6 : vv. 51.52.53.54.55.56.63. - sang : 6 fois en Jean dont 4 fois en Jn 6 : vv. 53.54.55.56. Dans le même chapitre, on retrouve quatre fois l'expression : Et moi je le ressusciterai au dernier jour (6,39.40.44.54). Sur 16 emplois du mot roi, 12 se rencontrent au cours de l’entrevue avec Pilate : 18,33.37.37.39 ; 19,3.12.14.15.15.19.21.21. Ce repérage des termes récurrents est tout à fait essentiel pour la structuration des péricopes johanniques et la découverte du sens. 13 Les procédés de composition littéraire La rédaction johannique utilise volontiers plusieurs procédés de composition littéraire. Nous allons voir les plus fréquents : 131 L’inclusion L’inclusion, qui peut indiquer l’idée dominante d’un morceau, consiste à répéter à la fin d’une unité littéraire une formule qui se trouvait au début de celle-ci. Les inclusions fournissent souvent une clef pour la compréhension du texte qu’elles enserrent. La péricope du témoignage (Jn 1,19-34) : Et ceci est le témoignage de Jean... (Jn 1,19) Il a témoigné... (1,34) 132 Le parallélisme Le parallélisme peut être employé dans une phrase, ou dans un ensemble plus grand. On obtient ainsi une symétrie parallèle. Dans ce cas, les éléments sont repris dans l’ordre suivant : A B C D// A’B’C’D’. Le récit de la délégation des juifs auprès de Jean-Baptiste en Jn 1,19-27 répond à ce procédé : 1er récit 2ème récit A Jn 1,19 Envoi d’une délégation auprès de JB A' Jn 1,24 B Jn 1,20-21 Reprise des 3 termes : Christ, Élie, Prophète B' Jn 1,25 C Jn 1,23 Déclaration de Jean Baptiste C' Jn 1,26-27 133 Le parallélisme inversé ou chiasme Dans un parallélisme inversé, les éléments sont agencés de la façon suivante : Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014. 3 A B C D E // E’D’C’B’A’. La rencontre des disciples et de Jésus en Jn 1,35-42 en offre un exemple : v. 36 A Et jetant les yeux sur Jésus B Titre : Voici l’agneau de Dieu v. 37 C et ils entendirent… et ils suivirent v. 38 D Où demeures-tu ? v. 39 E Venez et vous verrez E’ Ils allèrent donc et ils virent D’ et auprès de lui ils demeurèrent le jour v.40 C’ ayant écouté et ayant suivi v. 41 B’ Titre : Messie v. 42 A’ jetant les yeux sur lui Jésus dit Dans un texte organisé selon une structure concentrique, les éléments se répartissent de la manière suivante autour d’un centre : A B C D/E/D’C’B’A’. Le prologue de Jean peut ainsi être structuré, nous le verrons. 14 Jeux de mots Le jeu de mots est connu de la Bible et du Judaïsme. La rédaction johannique joue sur l’ambiguïté de mots possédant une double signification. Elle s’en sert pour investir des niveaux de compréhension différente. Ainsi en Jn 3,3, lorsque Jésus dit à Nicodème qu’il “faut naître de nouveau”, ce dernier mot en grec est à la fois un adverbe de lieu et un adverbe de temps signifiant “d’en haut” et “de nouveau”. Sous peine de tronquer la pensée, aucun des sens ne peut être éliminé. L’ambiguïté du mot permet à Jésus de préciser sa pensée et d’aller plus en profondeur. 15 Métaphores et symboles L’Evangile de Jean ne rapporte aucune des paraboles que l’on trouve dans les synoptiques. Mais par contre, la comparaison par mode de métaphore y abonde, de même que l’usage des symboles. La métaphore est un procédé visant à faire comprendre une réalité d’ordre spirituel en la rapprochant d’une autre réalité d’ordre matériel. Cette dernière joue alors le rôle de symbole. Nous retrouvons ainsi le double niveau de signification. Ainsi en est-il du symbolisme de la lumière que l’évangile applique à Jésus pour rendre compte d’une part importante de son rôle et de sa mission. Ce symbolisme est appliqué à Jésus dès le seuil de l’Evangile en 1,4. En Jn 4, l’eau vive se présente comme symbole du don de Dieu apporté par Jésus (4,10.14). En Jn 6, c’est la symbolique du pain qui sert à rendre compte de la mission de Jésus et de sa finalité. Ces grands symboles de la lumière, de l’eau et du pain vont ainsi se renforcer l’un l’autre pour exprimer la finalité ultime de la mission de Jésus. On retrouve également une symbolique des chiffres : Ainsi dans Jn 4,1-42, Jésus rencontre la Samaritaine à la sixième heure et la femme a déjà eu cinq maris. La sixième heure, midi (heure improbable pour aller puiser de l’eau) est l’heure qui précède la 7ème, celle de l’action de Dieu. C’est aussi midi, l’heure du milieu du jour et de la pleine lumière. Le chiffre cinq évoque lui une situation bloquée, sans issue. Dans le second signe de Cana, la fièvre quitte l’enfant à la septième heure (Jn 4,52). En Jn 5,5, on apprend que le paralytique est là depuis 38 ans. Ce chiffre évoque les 40 ans au désert et annonce la fin prochaine de celui-ci. Dans Jn 6,13, on rassemble 12 paniers avec les morceaux de pain qui étaient restés. Le chiffre 12 évoque les 12 tribus d’Israël et signifie que c’est tout le peuple de Dieu qui est invité aux noces. Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014. 4 En Jean 21, on admet que les 153 poissons de la pêche miraculeuse représentent la plénitude. Ce procédé commun dans le monde ancien n’est pas pour l’évangéliste un jeu gratuit, mais un langage de caractère religieux. 16 Le malentendu (ou le quiproquo) et l’ironie johannique L'Évangile de Jean regorge de situations manifestant l'incompréhension des interlocuteurs de Jésus, qu'ils soient disciples ou non : - Ainsi Nicodème ne comprend pas uploads/Litterature/ van-hecke-didier-1-presentation-du-iv-evangile.pdf
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- Publié le Aoû 04, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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