VERBES SERIELS ET AUXILIATION EN LINGALA Guy Noël Kouarata, Université Marien N
VERBES SERIELS ET AUXILIATION EN LINGALA Guy Noël Kouarata, Université Marien Ngouabi Parcours des Sciences du Langage guy_kouarata@yahoo.com Résumé Cet article porte sur la conjugaison des verbes en lingala. Il présente les différents constituants de l’unité verbale en lingala avant de parler, tour à tour, de la succession des verbes ordinaires en lingala, de l’expression des temps simples dans cette langue, des auxiliaires marquant les temps composés et verbes sériels qui viennent modifier le sens des verbes ordinaires dans leur conjugaison. Ici, l’auteur fait une distinction claire entre auxiliant, auxilié et verbe sériels. Il soutient qu’un syntagme verbal peut contenir au plus six verbes. Il relève kozala « être », kosíla « finir », kobanda « commencer », kotíkala « rester » et kozela « attendre » comme les 5 principaux auxiliaires en lingala, et retient trois verbes sériels dans cette langue, à savoir : kosí(la) « finir », kolinga « vouloir », komeka « essayer ». Summary This article deals with the conjugation of Lingala verbs. It presents the different components of verbal unit in Lingala before talking, stape by stape, about the succession of ordinary verbs in Lingala, the expression of simple tenses in this language, the auxiliaries marking compound tenses and serial verbs that modify the meaning of ordinary verbs in their conjugation. Here, the author makes a clear distinction between auxiliant, auxilied and serial verbs. He argues that a verbal syntagm may contain a maximum of six verbs. He identifies kozala "to be", kosíla "to finish", kobanda "to start", kotíkala "to stay" and kozela "to wait" as the 5 main auxiliaries in Lingala. He also retains three serial verbs in this language, namely: kosí(la) "to finish", kolinga "to want", komeka "to try". 2 Introduction Langue bantoue du groupe C30 bangui-ntomba (Cf. Guthrie 1948, Bastin 1978), le lingala est une langue commerciale née entre Makandza et Mbandaka du contact entre les langues congolaises de la zone C et les langues coloniales (portugais, anglais et français). Hulstaert G (1989) pense qu’il est principalement issu du bobangi, la langue principale des trafiquants à travers la région à la fin du XIVème siècle. Le lingala est une importante véhiculaire transfrontalière jouissant du statut de langue nationale en République du Congo et en RDC (Kouarata et Louango 2007). Utilisé comme langue d’instruction en RDC, le lingala connait une forte expansion. Il s’est bien diffusé à travers le monde par le biais de la musique congolaise et du commerce international. La carte qui suit délimite la zone d’expression du lingala. Carte 1 : Zone d’expression du lingala (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lingala#/media/Fichier:LanguageMap- Lingala-Larger_Location.png ) 3 Aujourd’hui, cette langue est enseignée tant dans des classes d’alphabétisation que dans des universités en Afrique (RDC, Congo, Rwanda…) et en occident (Université de Gent). On distingue plusieurs dialectes1 et niveaux de langue lingala. Dans cette étude, nous nous basons sur le lingala de la chanson congolaise des années 1980- 1990, donc le lingala courant parlé à Kinshasa et Brazzaville. Plusieurs travaux d’ordre linguistique et paralinguistiques ont été réalisés sur cette langue. Aussi pouvons- nous citer, entre autres : - Le dictionnaire lingala de Djokanga (1979) ; - Les lexiques thématiques de l’Equipe Nationale du Congo (1987) ; - Le dictionnaire d’Everbroeck (1985) - La grammaire et dictionnaire de Guthrie et Carrington (1988) - Le manuel de Kouarata et Louango (2007). - Elargissement du radical en lingala (Motingea Mangulu 1987) Le présent travail se propose d’examiner la conjugaison des verbes en lingala, les différents constituants de l’unité verbale en lingala avant de présenter les différents éléments syntaxiques qui sous-tendent la conjugaison des verbes dans cette langue. Un accent particulier est mis sur le comportement et le rôle que jouent les verbes sériels et les auxiliaires dans l’expression des temps composés. 1. Méthodologie Cette étude se situe dans le cadre de la morphologie et la syntaxe synchronique du lingala. Ici, nous nous basons non seulement sur notre compétence de locuteur, mais aussi et surtout sur des chansons de Luambo Makiadi, de Rochereau Tabuley et des bantus de la capitale. 1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Lingala#Dialectes 4 2. Unité verbale en lingala De façon générale, dans les langues bantus, l’unité verbale (UV) est constituée d’un, de deux ou trois préfixes et d’un thème. Le thème est composé d’une base et de la voyelle finale (FIN). La base peut être sécable en radical (RAD) et des extensions (EXT). Suivant les propositions de Meeussen (1967) l’unité verbale peut être schématisée comme suit : Exemples 1 a. kotángisa « faire lire » ko -táng- is- a 2 PREF-RAD- EX-FIN b. komíbomisa « se faire tuer » ko- mí -bom- is- a PREF-PREF-RAD-EX-FIN c. komíbomisela « se faire faire tuer » ko- mí -bom- is- el-a PREF-PREF-RAD-EX-FIN - Quels sont les différents types de constituants verbaux ? - Quelle est la fonction de chacun d’eux ? Telles sont les questions auxquelles se propose de répondre la présente section 2. 2.1. Les préfixes verbaux Par préfixes verbaux, il faut entendre tout morphème ou tout composant verbal qui se place avant le radical verbal. Dans cette série, nous avons les marqueurs de sujet, d’objet et du futur (FUT) simple. 2.1.1. Les marqueurs de sujet Les préfixes marquant le sujet varient selon la personne de conjugaison ou selon que le sujet est un être animé ou inanimé. Contrairement au lingala classique où l’accord des classes est respecté, ici les accords grammaticaux sont réduits à 2 Comme on peut déjà le constater au vu des exemples ci-dessus, en lingala, les verbes à l’infinitif commencent par ko- et se terminent par -a 5 animé vs inanimé. Le tableau qui suit présente les différents préfixes marqueurs de sujet en lingala. Sujet Préfixe être animé 1ère personne du singulier (SG1) na- 2ème personne du singulier (SG2) o- 3ème personne du singulier (SG3) a- 1ère personne du pluriel (PL1) to- 2ème personne du pluriel (PL2) bo- 3ème personne du pluriel (PL3) ba- être inanimé 3èmes personnes singulier et pluriel e- Tableau 1 : Les marqueurs de sujet en lingala Exemples 2 a. kotángisa « faire lire » ko -táng- is- a INF -lire- CAUS-FIN b. natángisa « je vais faire lire » na -táng- is- a SG1 -lire- CAUS-FIN c. otángisa « tu vas faire lire » o -táng- is- a SG2 -lire- CAUS-FIN d. atángisa « il va faire lire » a -táng- is- a SG3 -lire- CAUS-FIN e. totángisa « nous allons faire lire » to -táng- is- a PL1 -lire- CAUS-FIN f. botángisa « vous faites lire » bo -táng- is- a PL2 -lire- CAUS-FIN g. batángisa « ils font lire » ba -táng- is- a PL3 -lire- CAUS-FIN h. etángisa « cela fait lire » e -táng- is- a SG3/PL3 -lire- CAUS-FIN 6 Outre le changement de ton3, ces préfixes sont invariables quel que soit le temps ou le mode de conjugaison. Même en cas de double préfixation, ils se placent toujours en début de verbe. 2.1.2. Les marqueurs d’objet4 En lingala courant, l’objet est indiqué soit par un pronom personnel, soit par un préfixe objectal5 (-N-, -ko-, -mo-, -to-, -bo-, -ba-) qui se place entre le marqueur de sujet et le radical verbal. Dans des cas de triple préfixation, il se place immédiatement avant le radical, donc en troisième position. Exemples 3 a. akotosálisa6 « il nous aidera » a- ko - to -sál- is- a SG3-FUT-PL1-travailler-CAUS-FIN L’usage des préfixes objectaux se fait de plus en plus rare en lingala courant. Seul le préfixe - mí- qui renvoie à soi-même ou qui exprime la réflexibilité (REF) résiste et est encore régulièrement employé dans la chanson congolaise. Exemples 4 a. koboma « tuer » ko -bom- a INF -tuer- FIN b. komíboma « se tuer » ko-mí-bom- a INF-REF -tuer- FIN c. namíboma « je vais me tuer » na -mí- bom- a SG1-REF- tuer -FIN d. omíboma « tu vas te tuer » o- mí- bom- a SG2-REF-tuer- FIN e. amíboma « il va se tuer » a -mí-bom- a SG3-REF- tuer-FIN 2.1.3. Le marqueur du futur simple De tous les temps de conjugaison que l’on trouve en lingala, le futur (FUT) simple est le seul qui est marqué par un préfixe (-ko-). Quel que soit le nombre de préfixes constituant l’unité verbale, ce préfixe se place immédiatement après le marqueur de sujet, donc en deuxième position. Exemples 5 a. akoboma « il tuera » a- ko-bom- a SG3-FUT-tuer- FIN 3 Ces préfixes portent un ton haut quand le verbe est au subjonctif. Dans cette langue, le subjonctif est donc marqué par le ton haut. 4 Certains chercheurs utilisent le terme d’infixe pour ces éléments. Etant donné qu’ils apparaissent avant le radical, nous préférons parler de préfixe dans ce cas. 5 En lingala classique, ces préfixes objectaux varient selon la classe nominale de l’objet. Aussi avons- nous respectivement les formes –mó-, -bá-, -mó-, -mí-, -lí-, -má-, -é-, -bí-, -é-, -í-, -ló- et -bó- pour les classes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 14. 6 Akotosálisa Phrase extraite de la chanson religieuse (catholique) intitulée Mokonzi ngáí nayambí. uploads/Litterature/ verbes-seriels-et-auxiliation-en-lingala-pdf.pdf
Documents similaires




